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La dernière, vraiment ?

Ils vous donnent le tournis, tous ces jugements péremptoires, commentaires et prédictions dont nous bombardent nos dirigeants politiques à propos des séismes en série secouant depuis un bon moment la région ? Si c’est bien le cas, faites donc comme moi. Balayez vite fait tout ce jacassant fatras et posez-vous les seules questions qui en vaillent la peine, celles-là mêmes qui taraudent jour et nuit la plupart des citoyens, expatriés et résidents confondus. Ne va-t-on se mettre une fois de plus à rebâtir que dans la morne perspective d’ouragans futurs ? Cette guerre pour Gaza qui d’ailleurs n’est même pas encore tout à fait clôturée, est-elle vraiment la der des ders ? Et que fait surtout la classe politique libanaise pour qu’il en soit effectivement ainsi ?

Deux échéances fatidiques attendent le Liban durant le mois de janvier prochain : l’élection d’un chef de l’État et l’expiration de la trêve de 60 jours convenue avec Israël. Et pourtant le tic-tac du compte à rebours ne semble guère trop fouetter un establishment politique habitué à s’en remettre à la brise soufflant du dehors. Oh, tous ces candidats à la présidence de la République ne manquent certes pas de frétiller allègrement, en solo ou en groupe, comme on les a vus sagement alignés en brochette, le temps d’une messe de Noël ; mais ils savent bien, allez, que seule la consigne étrangère finira par désigner l’heureux (?) élu. Encore plus malsaine et périlleuse est cependant cette addiction à la dépendance, dès lors que l’on en vient à cette affaire de vie ou de mort qu’est la guerre.


Extrêmement contraignantes, et même humiliantes, sont, c’est bien vrai, les clauses de la trêve entrée en vigueur le 27 novembre. Indirectement négocié et agréé par un Hezbollah durement étrillé, cet accord autorise ainsi Israël à poursuivre sans relâche ses attaques contre les caches d’armes de la milice. Cette dernière est donc la moins en droit de s’en plaindre, comme le faisait pourtant, hier encore, un de ses ministres. Toujours est-il que ce même accord est clairement censé instaurer et consacrer un état de non-belligérance durable, sinon définitif, sur la frontière libano-israélienne. Outre une série de résolutions onusiennes, n’est-ce pas à une telle situation – l’humiliation en moins ! – que tendaient déjà l’armistice de 1949 et le défunt accord bilatéral du 17 mai 1983, dénoncé par Beyrouth sous la pression des va-t-en-guerre ? Que de morts et de destructions nous auront coûté trois quarts de siècle de dérives, de folles surenchères visant à faire malgré lui, du Liban, le fer de lance de la reconquête de la Palestine !

Jamais toutefois lamentations, regrets et suppliques aux instances internationales ne suffiront, à eux seuls, pour redonner pleinement à notre pays la vocation qui fut, au départ, la sienne : celle d’un joyau de diversité culturelle ouvert sur le(s) monde(s), d’un unique centre de rencontre et de dialogue. Un tel havre, ce sont en effet les Libanais eux-mêmes qui sont vigoureusement invités à y croire, à s’y cramponner même ; mais hors de leurs bêlants prêchi-prêcha à l’unité nationale, que font donc de concret leurs gouvernants, leurs élus, leurs chefs de file, leurs maîtres d’opinion pour les y pousser d’autorité, les y conduire, les y traîner au besoin?

Jamais la neutralité du Liban n’aura paru aussi naturellement de mise. On sait quelles malveillantes levées de boucliers a pu susciter ce sujet brandi jadis par le lucide visionnaire que fut feu Raymond Eddé, et repris depuis des années dans ses homélies par le patriarche maronite. Or il ne s’agit pas là du tout de se tenir à distance égale du monde arabe et d’Israël : ni de renier la juste cause des Palestiniens, longtemps défendue avec brio du temps où notre pays brillait par une diplomatie en or massif autant que par ses fabuleux dépôts bancaires. Accommodée à la sauce libanaise, la neutralité positive, active, pourrait en revanche se traduire par une salutaire tenue à l’écart des axes régionaux et des aventures guerrières qu’ils impliquent, exception faite bien entendu de l’impératif de défense du territoire.


Le bourrage de crâne dédié au culte du martyre a amplement fait ses catastrophiques preuves. Et ce serait bien le diable si l’intelligentsia politique s’avérait incapable de proposer plus rationnel et humain, plus exaltant, plus libanais, thème de réflexion.

Issa GORAIEB
 igor@lorientlejour.com

Ils vous donnent le tournis, tous ces jugements péremptoires, commentaires et prédictions dont nous bombardent nos dirigeants politiques à propos des séismes en série secouant depuis un bon moment la région ? Si c’est bien le cas, faites donc comme moi. Balayez vite fait tout ce jacassant fatras et posez-vous les seules questions qui en vaillent la peine, celles-là mêmes qui taraudent...