Ils ont été respectivement assassinés il y a 19 et 17 ans, jour pour jour, dans un Liban en pleine lutte pour la souveraineté et l’affranchissement de la tutelle syrienne sous le mandat du président Émile Lahoud. Gebran Tuéni, ancien député de Beyrouth et PDG du quotidien an-Nahar, et François el-Hajj, directeur des opérations au commandement de l’armée au moment de son assassinat demeurent, près d’une décennie après leur mort, deux figures de proue nationales. La commémoration de leur disparition prend toutefois une tournure singulière après la chute du régime du président syrien Bachar el-Assad, dimanche 8 décembre. Damas est pointé du doigt pour leur assassinat, ainsi que pour la série d'attentats qu'a connue le pays entre 2005 et 2013, malgré le retrait des troupes syriennes après 40 ans d'occupation, le 26 avril 2005.
Un exemple de coexistence islamo-chrétienne
Assassiné dans un attentat à la voiture piégée à Mkallès, dans la banlieue est de Beyrouth, Gebran Tuéni demeure un pilier de la révolution souverainiste déclenchée avec l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, et dont la journée historique du 14 mars 2005 reste le symbole. Dix-neuf ans après, son discours prononcé ce jour-là devant la foule rassemblée à la place des Martyrs, appelée à l'époque « la place de la Liberté », et qui portait sur la défense des libertés publiques, est considéré comme un testament de coexistence islamo-chrétienne.
Il a d'ailleurs été repris par les manifestants lors du soulèvement populaire du 17 octobre 2019 contre la classe au pouvoir. Bien que l'alliance souverainiste du 14-Mars s’avère dissociée aujourd’hui, plusieurs partis politiques poursuivent aujourd’hui la lutte contre l’axe syro-iranien au Liban.
Gebran Tuéni a également lutté pour la libération des disparus et détenus dans les prisons du régime Assad, dont au moins neuf ont été libérés ce décembre, après l'offensive menée par les rebelles Hay'at Tahrir al-Cham. Son dernier éditorial, datant du 8 décembre 2005, était d'ailleurs consacré à cette question. « Si seulement le ministre des Affaires étrangères syrien, Farouk el-Chareh, pouvait comprendre que le mandat syrien sur le Liban est terminé. Si seulement il pouvait comprendre que les Libanais sont les mieux à même de veiller sur leurs intérêts, mieux en tout cas que le régime. Si seulement il pouvait comprendre que les Libanais veulent préserver leur unité nationale retrouvée et consolider leur souveraineté, acquise depuis le retrait des troupes syriennes », écrivait-il quelques jours avant son assassinat dans les colonnes du Nahar.قسم جبران تويني ... لعل هذه المشهدية اليوم هي الأقرب من ثورة الأرز #لبنان_ينتفض pic.twitter.com/ShkzfosrSJ
— Larissa Aoun (@LarissaAounSky) October 19, 2019
Le vainqueur de Nahr el-Bared
Cette lutte pour la souveraineté du Liban était également le cheval de bataille du général François el-Hajj, assassiné deux ans plus tard à la même date par un attentat à la voiture piégée à Baabda. Ce général de brigade était l'une des figures les plus en vue de l'institution militaire et avait notamment à son actif l'opération militaire contre l’organisation terroriste Fateh el-Islam, dans le camp palestinien de Nahr el-Bared entre le 20 mai et le 2 juillet, quelques mois avant sa mort.
À l’époque, le commandant en chef de l’armée était Michel Sleiman et François el-Hajj était pressenti pour lui succéder à la tête de la troupe. L’armée était sortie victorieuse de ce combat contre l'organisation islamiste.
« Le criminel est tombé »
Près d'une décennie plus tard, l'enquête sur le meurtre de Gebran Tuéni et celle de François el-Hajj n'ont toujours pas abouti, bien que plusieurs parties sur la scène politique libanaise ont pointé du doigt l'implication du régime syrien. Commémorant le martyr de son père, Nayla Tuéni, PDG du quotidien an-Nahar, s'est félicitée de la chute du régime Assad, lors d'une cérémonie organisée dans les locaux du quotidien. « Le criminel est tombé... Merci Gebran », a-t-elle souligné. Et de poursuivre : « Dix-neuf ans après l'assassinat de Gebran et les expériences amères qui ont suivi, notamment l'explosion au port de Beyrouth qui a notamment tué des personnes dans nos locaux (...) nous rouvrons les bureaux d'an-Nahar, qui compte 130 journalistes et s'est étendu au monde arabe, ainsi que la compagnie Media Innovation », s'est-elle félicitée.
Plusieurs figures politiques ont aussi commémoré l'assassinat de ces deux figures. « Le jour (attendu) au Liban est arrivé », a écrit le chef des Forces libanaises Samir Geagea sur X. « Ils sont tombés, et ton sermon est resté », a de son côté réagi le chef des Kataëb Samy Gemayel. L'ex-chef du courant du Futur a pour sa part repris les termes de Gebran Tuéni pour saluer sa mémoire. « À l'occasion de l'anniversaire de l'assassinat de Gebran Tuéni et François el-Hajj, nous resterons unis, musulmans et chrétiens, à jamais, afin de défendre le Liban », a-t-il écrit sur X.
Honte aux partis laches et traitres qui ont ete complices et se sont allies au regime assassin: Aoun, Bassil et Aounistes, Arslane, Amal-Berri, PSNS et les autres...Ils savaient tres bien! La justice commence a donner ses fruits!
09 h 22, le 13 décembre 2024