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Culture - Musique

Rust : une ascension fulgurante au service des victimes de guerre au Liban

En pleine tournée en Europe, le duo libano-syrien est en train de lever des fonds pour les déplacés de guerre au Liban. L’occasion de faire le point sur le succès grandissant de ce groupe de musique alternative électro-tarab sur le Vieux Continent.

Le duo libano-syrien Rust composé de Petra Hawi et Hany Manja. Photo Nine Louvel

Ils étaient il y a quelques jours à Prague dans la galerie Žizkovsiska, une salle de concert underground de la capitale tchèque. Comme à son habitude, le duo fait salle comble, mais cette fois-ci le concert revêt une dimension humanitaire un peu particulière : dans le contexte de la guerre au Liban, Petra Hawi et Hany Manja reversent l’ensemble des recettes pour soutenir les victimes du conflit.

À l’origine de cette initiative, un sentiment de culpabilité et d’impuissance bien connu des Libanais de la diaspora. « C’est dévastateur de voir le nombre de déplacés au Liban, et les dégâts matériels causés par la guerre. Et c’est d’autant plus frustrant de voir tout ça à travers son téléphone depuis l’étranger, sans rien faire. Le sentiment d’impuissance est écrasant », explique Petra. Sa famille étant restée au Liban, à Mansouriyé, la chanteuse libanaise décrit une situation de frustration et d’anxiété permanente. Voir son pays en guerre, tout en étant expatriée, « imaginer le pire à chaque fois qu’on entend les nouvelles », l’a conduite à se sentir « ni ici en Europe ni là-bas au Liban ». Poussée par la volonté de sortir de cette léthargie et se rendre utile, elle se lance avec Hany dans l’élaboration d’une tournée de concerts en Europe, dont le but est de collecter de l’argent pour procurer matelas, chauffages, habits et produits hygiéniques aux écoles libanaises « devenues des abris pour réfugiés, puisque notre gouvernement, comme d’habitude, ne fait rien », explique Petra. Ainsi, ils étaient en Belgique le mois dernier, puis à Barcelone, avant de venir jouer à Prague. Ils seront le 19 décembre à Paris, puis à Lausanne le 28 décembre. La tournée continuera en janvier en Italie avec trois dates prévues, puis prendra fin à Bâle.

Rust en concert à Prague dans la galerie Žizkovsiska, une salle underground de la capitale tchèque. Photo Emmanuel Khoury

« Quand les gens ont commencé à savoir que nous voulions jouer pour lever des fonds pour le Liban, énormément de communautés se sont greffées au projet et nous ont aidés à coorganiser la tournée », révèle Hany, avant de poursuivre : « Pour le concert à Prague hier, nous l’avons quasiment organisé seuls avec nos contacts. Mais pour les dates dans les autres pays européens, nous avons dû faire confiance aux gens qui ont répondu à notre appel sur les réseaux sociaux. » Ce sont des communautés issues de la diaspora qui les ont accueillis à Bruxelles par exemple, où ils ont vendu 700 tickets et levé 17 500 euros en une seule date. Concernant le circuit des fonds qui seront acheminés vers les écoles, pas d’ONG ni d’association impliquée, seulement des gens issus de la société civile. L’argent est envoyé à Tunefork, un studio d’enregistrement dirigé par Fadi Tabbal, un ingénieur du son et musicien incontournable de la scène électro à Beyrouth, ainsi qu’à Beyrouth Synth Center, une coopérative éducative à but non lucratif fondée en juin 2021 basée à Mar Mikhaël, dont Hany est l’un des cofondateurs.

« La résistance, c’est aussi la culture et la préservation de l’identité »

Depuis sa création dans les ruines d’un Liban post-explosion du 4 août 2020, l’ascension de Rust sur la scène musicale alternative paraît fulgurante. Installé à Prague depuis octobre 2023, le duo est invité partout : à Marseille, Montpellier, Belfort, Aix-en-Provence, Paris, Bruxelles, Berlin, Lausanne, Bâle, mais aussi en Arabie saoudite, à Dubaï en Égypte… « Tout va très vite en ce moment. Nous avons sorti 5 morceaux cette année et on va bientôt enfin publier notre album, que nous avons enregistré dans le studio Tunefork et joué en février dernier à Beyrouth, au Zoukak », précise Hany.

Soutenu par al-Mawred Cultural Resources, le groupe a été repéré et porté par Beirut & Beyond dès 2020, qui leur a permis de faire une résidence en Suisse, où ils ont produit leur premier EP Echoes. Ils ont participé en 2022 et 2023 au FIMU, le Festival international de musique universitaire à Belfort. À cette époque, ils sont basés à Beyrouth et sont des réguliers du Metro al-Madina, mais aussi de la scène musicale tripolitaine : en plus de la fête de la Musique 2023 sur la corniche de Mina, le duo a joué plusieurs fois à Warche 13 et au centre culturel Marsah. Ils étaient aussi invités par le Stereo Kawalis, la nouvelle salle de concert tendance de Tripoli (à découvrir absolument), à l’occasion du Rumman Music Festival 2023, mais l’événement a été annulé en dernière minute à cause des événements du 7-Octobre.

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À travers son parcours entre Orient et Occident et cette musique alternative électro-orientale aux sonorités si particulières, Rust fait passer un message politico-culturel : « Nous sommes fiers de notre culture arabe, nous sommes fiers de nos racines levantines et nous souhaitons prouver que cette culture et ces racines ne sont pas figées dans le passé. Il est possible de les faire évoluer vers une modernité accessible à tous. La résistance, ce n’est pas seulement porter des armes et tirer sur des gens, c’est aussi la culture et la préservation de l’identité arabe », estime Hany, d’origine syrienne et installé à Prague depuis 2005. Déterminés à percer et s’imposer sur la scène musicale alternative électro arabe, les membres duo reconnaissent qu’être basés en Europe leur offre énormément d’opportunités, contrairement à ce qu’ils auraient pu espérer au Liban. Outre les restrictions politiques et le peu de moyens déployés, le groupe déplore : « Malheureusement, il est quasiment impossible de vivre de sa musique dans le monde arabe quand on joue de la musique alternative. »

Et le duo de conclure, non sans amertume, de concert avec toute une génération qui aura été contrainte à l’exil : « Quel avenir pour nous au Liban ? Même si le pays nous manque terriblement, avec toutes les crises ces dernières années et la guerre maintenant, quel futur nous attendrait là-bas ? »

Ils étaient il y a quelques jours à Prague dans la galerie Žizkovsiska, une salle de concert underground de la capitale tchèque. Comme à son habitude, le duo fait salle comble, mais cette fois-ci le concert revêt une dimension humanitaire un peu particulière : dans le contexte de la guerre au Liban, Petra Hawi et Hany Manja reversent l’ensemble des recettes pour soutenir les victimes du...
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