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Nos Lecteurs ont la Parole

Liban, je t’aime

Encore une fois, c’est de l’impuissance que l’on ressent. Un sentiment lourd. Une sorte de vision d’horreur que l’on nous force à regarder derrière nos écrans. On ne veut plus en entendre parler alors on éteint la télé… puis on se rappelle que notre famille est là-bas, sous la pression, la peur et les bombardements, alors on reprend le téléphone, on va lire les infos… On les brasse toutes, mais on n’arrive pas réellement à prendre conscience, on n’arrive pas à imaginer qu’il a fallu six heures de route pour les habitants de Tyr pour fuir à Beyrouth, lorsque d’habitude cela ne prend qu’une heure. On n’arrive pas à imaginer le bruit assourdissant des avions qui franchissent le mur du son pour fonder un univers de terreur. On n’arrive pas à imaginer l’angoisse d’avoir un téléphone qui peut être piégé dans sa poche. Et, surtout, on n’arrive pas à imaginer qu’un cousin, un oncle, une tante, une grand-mère ou un père auraient pu perdre la vue ou des doigts dans une de ces explosions de bipeurs. On n’arrive pas à imaginer que nos proches auraient tout simplement pu mourir…

Là est la réalité des faits. Même aussi proche de la mort, on ne peut la réaliser que lorsqu’elle s’abat sur nous ou l’un de nos proches. Tout paraît si loin de nous, 500 morts en une journée… Ça peut vouloir dire 500 orphelins et on n’arrive pas à le voir… Puis on se souvient de chaque instant vécu dans ce pays. De chaque rayon de soleil qui nous a caressé le visage, de chaque coup de klaxon au carrefour de l’USJ, de chaque sourire qu’un inconnu a pu nous laisser apprécier sous la chaleur de Beyrouth, de chacune de ces larmes qui coulent d’elles-mêmes lorsque de la fenêtre de l’avion on voit le Liban s’éloigner. Et là, on arrive à s’imaginer que tout ça est parti en fumée dès le premier missile israélien. Là seulement, dans le souvenir du Liban vécu, on est brisé de voir ce qu’il est en train de redevenir. La peine est immense, le drame est là et pourtant tous regardent ce qui se déroule devant leurs yeux sans prendre conscience de cette catastrophe humanitaire. Je ne soulèverai pas la question du pourquoi. Ils sont fous, voilà tout. Tout comme le peuple libanais a toujours dépassé par la joie et l’euphorie, expliquer par la folie est ce qui me permet de dépasser ces évènements tragiques.

Ce royaume de peur qui s’est instauré au Liban, et qui rappelle les évènements de 2006, nous montre une fois de plus la folie humaine, la haine des peuples et la poursuite de l’intérêt particulier. L’homme certes est un être de passion, mais la raison n’est-elle pas un désintensificateur des conflits passionnels ? Mais où est partie la raison ?

Où est partie la raison ?

Je remercie le hasard d’avoir épargné mes proches, et je pleure les yeux éteints de tant de civils… Je pleure ce ressenti d’insécurité constant et cette maltraitance que Gaza et le Liban à son tour subissent. Que faire ? Que faire si ce n’est soutenir comme on le peut ces peuples devenus esclaves des pulsions meurtrières d’un homme fou ?

Que faire si ce n’est envoyer tous les matins, et à toutes les personnes que l’on connaît au Liban : « Kifak ? Kilchi mnih ? »

Les mots me pèsent. Chaque mot écrit est un aveu de mon impuissance face à une telle situation. Autant pour l’explosion au port de Beyrouth, que pour toutes les fois où le Liban a été le pion de l’échiquier au milieu de deux rois, mes pensées vont vers ce pion. Ce pion qui subit, mais qui avance malgré lui, malgré les obstacles ; et qui, je l’espère, atteindra un jour le bout de l’échiquier. Le Liban n’arrête pas de vivre. Il est dans nos esprits, dans nos cœurs, c’est devenu un symbole, une croyance à lui tout seul.

Liban je t’aime.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

Encore une fois, c’est de l’impuissance que l’on ressent. Un sentiment lourd. Une sorte de vision d’horreur que l’on nous force à regarder derrière nos écrans. On ne veut plus en entendre parler alors on éteint la télé… puis on se rappelle que notre famille est là-bas, sous la pression, la peur et les bombardements, alors on reprend le téléphone, on va lire les infos… On...
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