« C’est un jeu rare, qui a touché tellement de gens, on ressent le poids de cet héritage », confie Ion Hazzikostas, l’actuel directeur du jeu, rencontré en août lors du Salon Gamescom en Allemagne.
Ce fan de la première heure de WoW – l’acronyme donné au jeu – a intégré en 2008 le studio Blizzard, développeur américain du titre, avant de gravir les échelons jusqu’à tenir la barre de ce « gros vaisseau ».
S’il n’est pas le premier jeu de rôles en ligne massivement multijoueurs (genre également connu sous l’appellation MMORPG) à voir le jour à sa sortie en 2004, World of Warcraft a connu un succès massif, fédérant rapidement plusieurs millions de joueurs dans le monde. Il a notamment bénéficié de la popularité de la marque Warcraft, saga de jeux de stratégie en temps réel lancée dix ans plus tôt par le studio californien Blizzard, racheté en 2023 par Microsoft.
Réseau social
Deux factions s’y affrontent dans un monde d’heroic fantasy peuplé d’orques et d’elfes, dans un univers en ligne persistant où des milliers de joueurs peuvent se connecter simultanément, en échange d’un abonnement mensuel (13 euros par mois). Ils y réalisent des quêtes qui nécessitent souvent de coopérer avec d’autres joueurs.
« C’était un précurseur », affirme Olivier Servais, spécialiste des communautés en ligne, pour qui la longévité de WoW fait figure d’« anomalie ».
Car l’aspect social de l’expérience, encore balbutiant à l’époque, va fidéliser les joueurs.
« Blizzard a misé sur les guildes, des communautés à taille humaine qui réunissent entre 30 et 200 joueurs », explique Olivier Servais, qui a partagé pendant cinq ans le quotidien de l’une d’elles, « ce qui est la taille moyenne d’une association en France ».
Dans ces groupes, « il y a de la drague, des gens se confient sur leur quotidien », des mariages et des funérailles sont organisés, et le jeu devient « un prétexte pour se retrouver ».
L’année de la création de Facebook, WoW esquisse ainsi ce que seront les actuels réseaux sociaux mondialisés.
« Ça a été le premier contact de beaucoup de gens avec un environnement virtuel. C’était un sentiment un peu magique, difficile à reproduire aujourd’hui », abonde le directeur du jeu, qui y a lui-même incarné un orque pendant quelques années.
Depuis, des titres très populaires comme Fortnite ou League of Legends ont repris cet aspect social, tout en l’adaptant aux codes d’aujourd’hui.
Nombreux changements
À son apogée, au début des années 2010, World of Warcraft revendiquait plus de 10 millions de comptes actifs. Et sans doute bien davantage de joueurs pour Olivier Servais, notamment parce qu’en Asie, plusieurs personnes se partagent souvent un même compte.
Leur nombre actuel n’est pas précisément connu, Blizzard ne communiquant aucune donnée à ce sujet, mais WoW reste encore très largement pratiqué à travers le monde.
Pour autant, « on ne se repose pas sur nos lauriers », affirme Ion Hazzikostas. Fin août, son titre accueillait « The War Within », sa dixième extension, apportant de nouvelles zones à explorer et de nombreux changements. Deux autres sont déjà prévues.
« On tente des choses ambitieuses pour essayer de bousculer les joueurs et garder le jeu dynamique »,
poursuit-il, alors que ces ajouts majeurs, au rythme d’un tous les deux ans, permettent aussi d’incorporer les différents retours des joueurs.
Au point qu’il serait difficile pour un utilisateur de 2004 de reconnaître le monde d’Azeroth où se déroule l’aventure.
« Vingt ans plus tard, il reste un monument, mais dans un marché du jeu et des utilisateurs qui a complètement changé », souligne Olivier Servais, qui estime que le MMORPG « est devenu un genre parmi d’autres », dont le problème est « le temps nécessaire à y consacrer ».
« Je ne vois pas de fin à l’horizon », assure le directeur de WoW, traçant un parallèle avec les productions Marvel ou Star Wars.
Et même si les serveurs devaient s’éteindre un jour, « Warcraft est une marque (...) et on compte bien raconter des histoires dans cet univers pour toujours ».
Source : AFP