Mon beau pays, mon cher pays…
Tu payes à chaque fois une amende de stationnement due à une configuration géographique dans laquelle on t’a parachuté.
À chaque contravention aux codes de la déroute, le prix est lourd à régler.
Toi ce minuscule être qui se sent à l’étroit entre deux mastodontes qui n’ont jamais voulu que tu sois une entité à part, une vraie patrie.
Contre une remise en liberté provisoire, une rançon est exigée chez les « franc-nations » et autres conventions.
Il n’y a que le provisoire qui dure ?
Peut-être… Si seulement cette fois le provisoire pouvait s’étaler sur des millions d’années !
Depuis que je suis née, je me retrouve nez à nez avec des luttes millénaires.
Je ne veux guère offrir à mes enfants un cadeau piégé : un pays en agonie.
Je veux que tu guérisses une fois pour toutes de ces maladies qu’on t’inflige chaque quelque temps.
Dis non à ceux qui croient bien faire en voulant te vacciner contre la rage : la rage de vaincre un jour, la rage de vivre tout court !
Dis non à ceux qui croient naïvement que les piqûres de rappel chaque quelque temps seraient la bonne solution !
Montre-leur que tu es devenu grand maintenant.
Prouve-leur que tu as gagné en maturité.
Libère-toi de tout genre de matraque.
À ton âge, on doit savoir déjouer la matrice.
Mon beau et cher pays…
On est là pour te donner le courage d’exister par toi-même sans aucune aide externe.
D’exorciser le mauvais sort qu’on t’a jeté.
De crier haut et fort : regardez combien de vos béquilles je n’ai plus besoin, de vos tuteurs tueurs non plus.
Regardez-moi, je me relève pour une énième fois, et cette fois ce sera la bonne.
À 4h ce matin et des quatre coins du monde les messages affluaient.
Il y a les optimistes qui se gargarisent de mots vains, « on a vaincu, c’est mieux que rien » : ils ont raison, on peut au moins respirer et nos oreilles se reposer du bourdon qui tournoyait au-dessus de nos têtes jour et nuit (il ne va pas me manquer
celui-là !).
Les pessimistes eux ont fait un calcul rapide pour conclure qu’on a perdu : ils ont raison puisque les morts se comptent par milliers et des villages sont entièrement rasés.
Les réalistes diront qu’ils vivent ce moment comme une trêve et que ce n’est que partie re-re-re-remise pour une énième confrontation avec d’autres pions sans que jamais il n’y ait un vrai champion !
Et toi ? Tu dis quoi ?
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