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Moyen-Orient - Irak

Face à l'afflux de main-d'oeuvre étrangère, l'Irak hausse le ton

Venus de Syrie, du Pakistan ou du Bangladesh, des « centaines de milliers » d'étrangers s'emploient en Irak sans permis, selon une estimation du ministre du Travail.

Des vendeurs de tapis se tiennent devant leurs magasins sur une place de marché près de la Citadelle d’Erbil, en Irak, le 28 novembre 2024. HENRY NICHOLLS / AFP

Dans la métropole de Kerbala en Irak, Ramy travaille quotidiennement 16 heures devant les broches à chawarma d'un restaurant. Pour ce Syrien sans-papier, sa principale crainte est d'échapper aux forces de l'ordre d'un pays qui veut enrayer l'afflux de main-d'oeuvre étrangère illégale. Venus de Syrie, du Pakistan ou du Bangladesh, des « centaines de milliers » d'étrangers s'emploient en Irak sans permis, selon une estimation du ministre du Travail. Seuls un peu plus de 40.000 travailleurs immigrés sont officiellement enregistrés.

Dans un Irak ayant renoué avec un semblant de stabilité après des décennies de conflits, où l'économie écrasée par les hydrocarbures cherche à développer le tertiaire, les autorités tentent de réguler l'emploi de travailleurs étrangers.

S'exprimant sous pseudonyme, Ramy vit depuis sept ans en Irak. De 10H00 à 02H00, il travaille dans un snack à Kerbala, ville sainte attirant chaque année des millions de pèlerins chiites. « J'évite les forces de sécurité et les barrages de contrôle », reconnaît l'homme de 27 ans. « Ma grande crainte, c'est l'expulsion vers la Syrie, à cause du service militaire ».

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Comme lui, ils sont légion dans les restaurants notamment à assurer le service. A Bagdad, un restaurateur admet jouer au chat et à la souris lors des inspections, une partie de ses employés se volatilisant au moment des visites: ils ne sont pas tous enregistrés car les frais sont exorbitants, dit-il.

Protéger les travailleurs irakiens

Parmi ces travailleurs en situation irrégulière, certains sont entrés en Irak à la faveur des pèlerinages chiites. Fin juillet, le ministre du Travail Ahmed al-Assadi assurait ainsi vérifier des « informations » selon lesquelles « 50.000 visiteurs Pakistanais » seraient restés « travailler de manière illégale ».

Si les autorités enchaînent les expulsions, face à l'ampleur du phénomène, le ministère de l'Intérieur a lancé mi-novembre une campagne de régularisation pour « les travailleurs syriens, bangladeshis et pakistanais », via des demandes déposées en ligne jusqu'au 25 décembre. Le ministère menaçait de poursuites judiciaires toute personne impliquée dans la venue ou l'emploi de main-d'oeuvre étrangère illégale.

Pour Ramy, la prudence reste de mise: « je veux vraiment » une régularisation « mais j'ai peur. J'attends de voir ce que font mes camarades et je ferai de même ». La législation plafonne la main d'oeuvre étrangère d'une compagnie à 50% des salariés. Les autorités envisagent de réduire ce ratio à 30%.

« Aujourd'hui, nous autorisons seulement la venue des travailleurs qualifiés, pour un emploi nécessitant des compétences » spéciales n'existant pas dans le pays, assure à l'AFP le porte-parole du ministère du Travail, Nijm al-Aqabi.

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Un dossier d'autant plus sensible que depuis deux décennies le secteur des hydrocarbures est dominé par une main-d'oeuvre étrangère. Ici aussi les autorités veulent favoriser les Irakiens. « Nous avons de grandes entreprises contractées par le gouvernement » à qui il a été demandé de limiter « la main d'oeuvre étrangère à 30% », ajoute Nijm al-Aqabi. Et de continuer : « Il en va de l'intérêt de la main-d'oeuvre nationale », car 1,6 millions d'Irakiens sont à la recherche d'un emploi.

Il reconnaît toutefois que chaque famille a le droit de recourir à un domestique étranger, car cela ne constitue pas « une concurrence » pour les travailleurs irakiens.

« Pas de droits »

Lancée en 2021, une agence proposant aux familles des employées domestiques venues du Niger, du Ghana ou d'Ethiopie confirme l'engouement. « Avant, on faisait venir 40 femmes, maintenant c'est une centaine » par an, raconte à l'AFP un employé de cette agence, sous couvert d'anonymat. Une pratique importée des riches pays du Golfe, reconnaît-il. « La situation en Irak s'est améliorée, le revenu de l'individu a augmenté, la maison irakienne cherche le confort ».

Une employée de maison gagne environ 230 dollars par mois, précise-t-il. Mais les autorités ont quintuplé les frais d'enregistrement --un permis de travail coûtant désormais plus de 800 dollars. Sous Saddam Hussein, l'Irak accueillait plusieurs millions de travailleurs Egyptiens, et des Syriens. Durablement installés, ils ont été chassés par les aléas de la géopolitique.

Cet été, l'ONG Human Rights Watch (HRW) dénonçait une « campagne d'arrestations arbitraires et d'expulsions » visant des Syriens, parfois même quand ils avaient des papiers en règle. L'ONG confirmait des « descentes » ciblant domiciles et lieux de travail.

Ahmed, Syrien de 31 ans, est sans-papier en Irak depuis un an et demi. D'abord cuisinier à Bagdad, il a rallié Kerbala. « La vie est difficile ici, nous n'avons pas de droits. On est entré illégalement, les forces de sécurité nous pourchassent », confie-t-il à l'AFP sous pseudonyme. Son épouse est restée au pays. « Si je pouvais rentrer, je le ferais. Mais la vie là-bas est très difficile. Il n'y a pas de travail. »

Dans la métropole de Kerbala en Irak, Ramy travaille quotidiennement 16 heures devant les broches à chawarma d'un restaurant. Pour ce Syrien sans-papier, sa principale crainte est d'échapper aux forces de l'ordre d'un pays qui veut enrayer l'afflux de main-d'oeuvre étrangère illégale. Venus de Syrie, du Pakistan ou du Bangladesh, des « centaines de milliers » d'étrangers s'emploient en Irak sans permis, selon une estimation du ministre du Travail. Seuls un peu plus de 40.000 travailleurs immigrés sont officiellement enregistrés.

Dans un Irak ayant renoué avec un semblant de stabilité après des décennies de conflits, où l'économie écrasée par les hydrocarbures cherche à développer le tertiaire, les autorités tentent de réguler l'emploi de travailleurs...
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