Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole

Au bout du rouleau

Le Liban est désormais bien cuit pour être servi sur la table des négociations.

La boussole n’indique plus dans quelle direction est le champ de bataille, la balance pèse lourd du côté des victimes, des invalides, des extraits de corps. Ce ne sont plus des maisons ou des immeubles démolis, mais des villages entiers effacés de la carte des 10 452 km2. Grands et petits paient la facture d’une guerre imposée au profit d’enjeux et de projets cupides dont les slogans sont assez hypocrites : libérer, réclamer des droits, pour ne pas dire autre chose... Les Libanais n’ont plus de voix pour crier et demander leur droit à une vie digne ; ce sont les mêmes pays qui ont déclaré la Charte des droits de l’homme qui nous regardent aujourd’hui avec un mutisme akinétique qui tue. Le Libanais ne peut plus aspirer à une paix dont il a toujours rêvé, son occupation est d’échapper aux missiles qui tombent du ciel comme cette pluie qui tombe sans prévenir. Froid et maladies frappent aux portes, le corps médical désespéré, voire ciblé, crie à la rescousse.

En tant que pédiatre, je me suis toujours motivée pour éduquer ma communauté sur l’importance de la prévention primaire, d’accompagner les familles depuis la naissance de leurs petits, de veiller sur leur croissance et leur développement, de guetter toute anomalie de leur puberté et de leur assurer une douce transition vers l’âge adulte.

Cela a changé...

Ce plaisir s’est transformé en un sentiment d’impotence et d’anxiété. Je me trouve assez candide en parlant de prévention primaire alors que les enfants de mon pays meurent défigurés dans leur lit ou brûlés par des gaz qui effacent toute trace humaine. Candide en parlant de bonne hygiène de vie alors que les enfants suffoquent aux fumées des bombes et Dieu sait ce qu’on verra naître de ces ventres de femmes qui inhalent tous ces cocktails toxiques. Candide en parlant de nutrition en ignorant le résultat des récoltes de nos terres souillées par tous ces produits chimiques. Candide en parlant de puberté à ces adolescents traumatisés de trop voir et de trop entendre. Nos enfants ne sortiront pas indemnes de ces « adverse childhood experiences ». Nous sommes une population malade et notre maladie est transgénérationnelle. Mes étudiants en médecine me font savoir que les thèses les plus publiées sont celles de psychiatrie, oui, le monde apprend du prix qu’on paie pour notre résilience !

J’ai toujours privilégié dans ma carrière les passages en pouponnière pour examiner des nouveau-nés ; à présent, j’appréhende ces moments où mon cœur s’effondre de peur pour ces petits êtres fragiles dans un pays qui n’offre aucune garantie : quel air vont-ils respirer ? Quels fruits et légumes vont-ils manger ? À quels bruits leurs tympans vont-ils vibrer ? Dans quels

lits dormiront-ils ? Dans quelles écoles transformées en refuges vont-ils étudier ? Un pays qui décide volontairement de s’insinuer dans une guerre sans préparer de refuges à sa population, et qui transforme ses écoles en lieux d’abri aux déplacés, est un pays qui n’offre aucune garantie d’éducation aux jeunes.

« Se sentir libanais » est à présent une expression connue qui dénote dépression et malédiction. Mais non, je refuse d’en parler ainsi, car malédiction veut dire soumission à un sort malheureux et mon peuple ne veut plus se soumettre. Mon peuple tient à changer son sort, le prendre en main, il veut dégager la grisaille du ciel pour voir les couleurs de la vie, il cherche la lumière derrière les ténèbres de l’ennui ; mon peuple veut être réanimé et refuse l’euthanasie, et il le mérite !

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes. 

Le Liban est désormais bien cuit pour être servi sur la table des négociations.La boussole n’indique plus dans quelle direction est le champ de bataille, la balance pèse lourd du côté des victimes, des invalides, des extraits de corps. Ce ne sont plus des maisons ou des immeubles démolis, mais des villages entiers effacés de la carte des 10 452 km2. Grands et petits paient la facture d’une guerre imposée au profit d’enjeux et de projets cupides dont les slogans sont assez hypocrites : libérer, réclamer des droits, pour ne pas dire autre chose... Les Libanais n’ont plus de voix pour crier et demander leur droit à une vie digne ; ce sont les mêmes pays qui ont déclaré la Charte des droits de l’homme qui nous regardent aujourd’hui avec un mutisme akinétique qui tue. Le Libanais ne peut plus aspirer à...
commentaires (1)

Exceptionnel

M.E

02 h 57, le 26 novembre 2024

Commenter Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • Exceptionnel

    M.E

    02 h 57, le 26 novembre 2024

Retour en haut