Alors que le bilan de la guerre de Gaza dépasse les 43 000 morts – dont 14 000 enfants – selon les chiffres du Hamas, le plus éminent des érudits musulmans de l’enclave palestinienne assiégée a émis une rare fatwa pour condamner l'attaque du 7 octobre 2023 menée par le groupe islamiste contre Israël, à l’origine du conflit.
Les grandes lignes de l’avis religieux, publié jeudi sur la page Facebook du Pr Salmane Ben Nasr el-Dayah ont été citées par la BBC et le compte X de Open Source Intel. Interrogé par la BBC, un de ses disciples, le cheikh Achraf Ahmed a qualifié la fatwa de « jugement juridique le plus puissant d'un moment d'histoire ». « Il s'agit d'un document très bien documenté, qui reflète l'engagement du religieux professeur en faveur de la jurisprudence islamique », a-t-il déclaré.
Le Pr Ben Nasr el-Dayah considère que le mouvement islamiste palestinien, qui dirige le territoire de Gaza depuis 2007, aurait dû s’abstenir de lancer son attaque ayant causé la mort de 1 200 civils, dès lors qu'il était « probable » qu’elle ne suffise pas à atteindre « les buts et objectifs du jihad », terme désignant ce qui est qualifié de « guerre juste » dans l’islam.
« Si la fuite est permise (face à un ennemi) lorsque les objectifs ne peuvent être atteints, il est également permis de ne pas combattre dès le début et de ne pas mettre les croyants en danger, surtout si cela risque de conduire à l'échec des objectifs (du jihad) et de nuire aux intérêts des croyants », écrit notamment l’érudit sunnite.
Violence prévisible d'Israël
Pour résumer en quelques lignes son raisonnement, minutieusement argumenté par des références à des versets coraniques, il ne rejette pas la légitimité du jihad, dont l’exécution est soumise à des « conditions strictes » en termes de fondements, de motifs et de conditions. Il considère cependant que le Hamas l’a desservi en lançant une offensive qui a provoqué une réaction aussi dévastatrice que prévisible de l’armée israélienne, qu’il n’était pas en mesure de contrer en préservant Gaza.
L’érudit sunnite fait valoir qu’en 2022, alors qu’il n’y avait « pas encore d'opération Déluge d'al-Aqsa » – nom donné par le Hamas et ses alliés à l’offensive lancée contre Israël à partir du 7 octobre 2023 – « 500 martyrs ont été tués aux points de contrôle de l'armée d'occupation israélienne en Cisjordanie uniquement ».
Plus loin, il poursuit en indiquant que « toute personne saine d’esprit » pouvait deviner que la réaction israélienne au 7 octobre serait très violente, compte tenu des « grands dommages » qu’elle avait provoqué pour des « événements » moins graves. Il ajoute que le Hamas a manqué à ses obligations de « tenir les combattants éloignés des maisons des civils [palestiniens] sans défense et de leurs abris, et d'assurer la sécurité et la sûreté autant que possible dans les différents aspects de la vie : la sécurité, l'économie, la santé et l'éducation, et d'économiser suffisamment de vivres pour eux ».
Le professeur met donc les nombreuses victimes civiles à Gaza, la destruction massives des infrastructures et la catastrophe humanitaire provoquées par la riposte israélienne à l’offensive du 7 octobre dans la balance pour conclure que cette attaque était en contradiction directe avec les enseignements de l’islam, décrypte de son côté la BBC.
Le cheikh Achraf Ahmed a été contraint de quitter sa maison dans la ville de Gaza l'année dernière et de fuir vers le sud de l’enclave avec sa femme et ses neuf enfants, rapporte encore la BBC. Selon lui le Pr Salman Ben Nasr el-Dayah « a refusé de quitter sa maison dans le nord de Gaza, malgré les craintes de frappes aériennes israéliennes ».
Sans connaître ses réelles intentions, je reconnais qu'il fait preuve de pragmatisme. Par contre, il a attendu que le Hamas soit quasi détruit pour émettre son jugement !!!
12 h 16, le 10 novembre 2024