De Batroun à Masnaa en passant par l’AIB, le blocus indirect israélien

L’opération israélienne et l’enlèvement de Imad Amhaz à Batroun à l’aube de vendredi continuent de marquer l’actualité. Indépendamment des détails de l’opération et du rôle véritable de ce marin, cet événement constitue le début d’une nouvelle phase dans le conflit qui dure depuis le 8 octobre 2023. Ce qui se murmurait dans les coulisses sur la capacité d’Israël à atteindre tous les coins du Liban est devenu une réalité. Que la Finul maritime ait été ou non complice et que l’armée libanaise ait accompli son devoir ou qu’elle aurait pu mieux faire, cela reste des détails face à l’ampleur de ce qui s’est passé.

En effet, avec cette attaque, l’armée israélienne a fait preuve d’une grande audace. Il ne s’agit plus de s’en prendre aux localités du Sud et aux combattants du Hezbollah et même à leur profondeur supposée stratégique dans la Békaa. Les Israéliens ont cette fois frappé au cœur des régions chrétiennes dans une zone censée être sous le contrôle de l’armée libanaise et de ce qui reste de l’autorité de l’État. La rapidité de l’opération et la précision de son déroulement ne montrent pas seulement un grand professionnalisme chez les forces navales israéliennes et chez le commando qui a enlevé le marin libanais. Elles expriment aussi une grande connaissance du terrain libanais, des lieux et même du comportement du voisinage. Selon les sources militaires libanaises en concordance avec les sources israéliennes, l’opération n’a pas duré plus de 4 minutes et aucun incident violent n’a été enregistré, ni de la part des attaquants ni de la part de la victime, par la seule caméra qui a pu capter le déroulement de ce rapt.

Bien entendu, les nombreux secrets de cette attaque n’ont pas encore été dévoilés, mais quelle que soit la version finale, une constatation s’impose : lorsqu’ils le décident, les Israéliens ont la possibilité d’attaquer le lieu de leur choix au Liban. Aucun endroit n’est donc à l’abri de leurs moyens, qu’ils soient militaires ou sécuritaires. Plus important encore, ils ont réussi à imposer leur supériorité sur la mer, après l’avoir imposée sur la terre et dans le ciel. Désormais, le Liban semble soumis à une sorte de blocus terrestre, aérien et maritime, tout comme les Israéliens avaient menacé de le faire. Certes, l’Aéroport international de Beyrouth est encore ouvert, mais en pratique, il est constamment sous la menace d’être visé par les Israéliens sous prétexte de contrôler les voies de ravitaillement du Hezbollah, de l’Iran jusqu’à Beyrouth. C’est justement en guise de défi que des responsables iraniens, comme le président du Parlement et le ministre des Affaires étrangères, sont récemment venus à Beyrouth via l’aéroport. Autrement dit, la menace israélienne est bien réelle et les autorités libanaises sont régulièrement amenées à montrer que l’aéroport et ses installations ne sont pas sous le contrôle du Hezbollah pour qu’ils puissent continuer à fonctionner. Il faut préciser à cet égard que les compagnies étrangères ont pour la plupart cédé aux mises en garde israéliennes en suspendant leurs vols vers le Liban. La raison invoquée est le prix élevé des assurances, mais la réalité reste la même : seule la compagnie nationale, la MEA, est actuellement en train d’atterrir à Beyrouth.

Sur le plan terrestre, les Israéliens sont en train de bombarder les voies de passage entre le Liban et la Syrie. Il y a eu d’abord les bombardements sur la voie de passage principale à Masnaa, où la route a été totalement coupée par l’ampleur des bombardements. Les autorités libanaises ne sont pas autorisées à la réparer en la rendant de nouveau praticable, sous prétexte qu’il s’agit de l’une des voies de ravitaillement du Hezbollah à partir de l’Iran. Une fois que le passage légal de Masnaa a été rendu impraticable, les Israéliens ont bombardé celui de Joussiyé près de Qaa, toujours dans la Békaa. Plus récemment, il y a quelques jours, les Israéliens ont bombardé les voies de passage entre le Liban et la Syrie à la frontière du Akkar. Toujours pour les prétendues mêmes raisons.

Le Liban est donc en pratique soumis à une forme de blocus terrestre, dont les citoyens normaux paient le prix puisque ce sont eux qui sont privés du moyen de se déplacer à travers ces voies de passage. En effet, les sources proches du Hezbollah continuent d’affirmer que ce dernier parvient toujours à assurer des chemins de ravitaillement avec l’Iran et qu’en tout cas, il ne manque pas d’obus, de drones, de missiles ou d’autres équipements militaires. D’ailleurs, le déroulement des combats dans les localités frontalières au Sud montre qu’effectivement le Hezbollah est en train de lancer chaque jour un grand nombre d’attaques. Quel est son secret ? Nul ne saurait le dire, mais cela pousse les Israéliens à augmenter régulièrement leurs attaques contre les voies de passage terrestre.

Enfin, l’attaque de Batroun est liée au contrôle des voies maritimes. En effet, la raison invoquée pour l’enlèvement du marin libanais se résume au fait qu’il se chargerait du transport des armes par voie maritime. Que cette accusation soit vérifiée ou non, le résultat reste le même : les Israéliens ont montré qu’ils peuvent agir par mer, tout comme ils le font par air ou par voie terrestre.

Est-ce à dire que les Israéliens sont en train de gagner la guerre ? Une fois de plus, c’est le terrain qui aura le mot de la fin.

From Batroun and Masnaa to Beirut airport: Lebanon under indirect Israeli blockade