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Nos Lecteurs ont la Parole

L’esclavage, une blessure qui continue de saigner

Les vestiges et les ruines des civilisations disparues, patrimoine mondial de l’humanité, reflètent l’impact de l’esclavage. Monuments, lieux sacrés, infrastructures et forteresses portent les marques du travail et de la souffrance des asservis. Sans l’esclavage, ces monuments n’auraient pas pu être construits ou préservés dans leur majesté originelle. Bien que l’esclavage officiel soit terminé, il persiste sous d’autres formes, posant des défis d’actualité.

L’esclavage est un système brutal qui déshumanise les individus en les transformant en biens soumis à des conditions inhumaines et au pouvoir arbitraire de leurs maîtres. Les esclaves, forcés de travailler sans rémunération, subissaient des châtiments corporels, des violences sexuelles et des tortures. Bien que certaines lois aient tenté de les protéger, l’application de celles-ci demeurait irrégulière. Les esclaves étaient issus des conquêtes militaires, de transmissions héréditaires, des régions colonisées, ou constituaient un moyen de régler des dettes. L’esclavage était intégré aux structures économiques et sociales, exploitant les esclaves dans l’agriculture, la construction, le travail domestique, le combat et les services sexuels.

L’esclavage, loin d’être une simple pratique barbare, est un phénomène complexe aux origines lointaines et à évolution multiforme. Ses premières traces écrites remontent à des milliers d’années, comme en témoigne le Code de Hammurabi (environ 1750 av. J.-C.). Son émergence est intimement liée aux transformations socio-économiques et politiques du néolithique, il y a environ dix mille ans, notamment à l’essor de l’agriculture et aux conflits intertribaux, bien que sa pratique demeurât, durant cette période, sporadique. Par contre, l’esclavage a été un phénomène omniprésent dans toutes les civilisations antiques et s’était profondément enraciné dans ces sociétés, notamment en Mésopotamie et en Égypte sous les Ptolémées vers 323-330 av. J.-C. (bien que des formes de travail forcé aient existé auparavant), ainsi que chez les Grecs et les Romains. L’esclavage a perduré sans interruption jusqu’à son abolition dans les derniers siècles, suivi par l’émergence de l’esclavage moderne. Cela a pris diverses formes, notamment celle du servage à partir du haut Moyen Âge durant lequel les serfs, bien que liés à la terre et jouissant de droits limités, étaient reconnus en tant que personnes, mais dépendaient de leur seigneur et étaient dépourvus de liberté. Les serfs en Russie et en Angleterre pouvaient être vendus comme esclaves, exploités et violentés sans aucun droit.

Dans l’histoire de l’esclavage, et malgré son abolition officielle, trois périodes persistent jusqu’à notre époque : d’abord, l’esclavage en Asie de l’Est, ensuite celui dans le monde islamique, et enfin la traite atlantique et l’esclavage colonial. L’esclavage en Asie de l’Est possède des racines très anciennes et était répandu en Chine dès la dynastie Shang (1570-1045 av. J.-C.). Il en était ainsi au Japon, en Corée et en Inde, et cela surtout sous l’influence du système de castes indien. L’esclavage dans le monde islamique remonte au VIIe siècle, bien qu’il existât déjà en Arabie avant l’avènement de l’islam, qui interdit l’esclavage des coreligionnaires. Cette pratique a perduré jusqu’à la fin de l’Empire ottoman en 1918. Les esclaves pouvaient être affranchis en se convertissant à l’islam, certains occupant des postes élevés dans l’État. La traite atlantique et l’esclavage colonial, du XVIe au XIXe siècle, ont impliqué la capture forcée de millions d’Africains envoyés vers les Amériques pour travailler dans les plantations de sucre, de coton et de tabac.

L’abolition de l’esclavage fut un processus ardu et progressif, marqué par de nombreux obstacles, mais aussi par des avancées. C’est au XVIIIe siècle que les efforts abolitionnistes se sont multipliés, remettant en cause la moralité et la légitimité de cette pratique inhumaine. Des mouvements citoyens et intellectuels se sont alors mobilisés, posant les bases d’une lutte qui aboutira, siècle après siècle, à l’émancipation des esclaves. Des penseurs tels que Voltaire et Montesquieu ont dénoncé ces injustices. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 en France, pendant la Révolution française, a également posé les fondements idéologiques de la fin de l’esclavage. Sous le règne de Napoléon Bonaparte, l’esclavage a été cependant rétabli en 1802, avant d’être définitivement aboli en 1848.

Le XIXe siècle a connu une série d’abolitions légales en Europe, outre la France. En Grande-Bretagne, l’abandon de l’esclavage date de 1833. Aux États-Unis, l’abolition de l’esclavage, résultant de la guerre civile, a été officialisée en 1865. Cependant, ces progrès ont été, par la suite, contrecarrés par une certaine résistance à l’abolition, notamment avec les lois Jim Crow institutionnalisant la ségrégation raciale. Le mouvement des droits civiques des années 1950 et 1960 a marqué une nouvelle étape dans la lutte contre ces discriminations, aboutissant à l’adoption de lois pour l’égalité raciale. Jusqu’à nos jours, les conditions des personnes de couleur en Amérique demeurent précaires et elles subissent encore diverses formes de racisme et de discrimination.

Dans ce contexte, tout au long du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle, plusieurs pays ont adopté des lois contre l’esclavage, amenant à son abolition dans la majorité des pays. La Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 a marqué une avancée significative à ce niveau, reconnaissant les droits fondamentaux de chaque individu. Ses principes universels ont consolidé l’abolition officielle de l’esclavage, soulignant l’importance de l’égalité, de la dignité et de la liberté pour tous les êtres humains.

Après son abolition officielle, l’esclavage a persisté sous d’autres formes, notamment dans les régimes totalitaires comme ceux des nazis et de Staline, qui ont réduit des millions d’individus à l’esclavage pour des motifs politiques et raciaux. Actuellement, l’esclavage moderne hante toujours l’inconscient de nos sociétés. Nourri par la pauvreté, les inégalités, les conflits et les exodes, ce fléau touche des millions de personnes. Travail forcé, servitude pour dette, mariages forcés, traite des êtres humains : ces pratiques sévissent dans des secteurs informels comme l’agriculture, la pêche, le bâtiment, le travail domestique et l’exploitation sexuelle. Femmes, enfants, migrants et minorités ethniques en sont les premières victimes, subissant une violation persistante de leurs droits humains, et cela à l’échelle mondiale.

Le rapport « Indice mondial de l’esclavage moderne 2021 » de l’organisation Walk Free révèle une augmentation alarmante du phénomène de l’esclavage moderne, avec 50 millions de victimes en 2021. Les femmes et les filles représentent plus de la moitié (54 %) des victimes.

Cette augmentation inquiétante de l’esclavage moderne préfigure une aggravation du phénomène qui se répand dans le monde entier. Aucun pays n’est à l’abri, mais les données révèlent des disparités alarmantes. Ainsi, le rapport de Walk Free, publié en 2023, souligne la concentration de l’esclavage moderne dans certaines régions du monde. Près de 60 % des victimes de l’esclavage se trouvent en Asie. Parmi les pays les plus touchés, on trouve l’Inde (plus de 18 millions de victimes), la Chine (plus de 3 millions de victimes) et le Pakistan (plus de 2 millions de victimes). En Afrique, un reportage choc de la chaîne d’information télévisée CNN sur la traite de migrants en Libye en 2017 a mis en lumière la persistance de l’esclavage. Selon le Global Slavery Index, plus de 1 % de la population de pays comme la République démocratique du Congo, le Soudan, le Soudan du Sud, la Somalie, la République centrafricaine et la Mauritanie se trouve en situation d’esclavage.

Les efforts de lutte contre cette pratique sont de plus en plus coordonnés à l’échelle internationale, avec des organisations telles que l’ONU, l’OIT, l’Unicef et d’autres partenaires travaillant ensemble pour élaborer des politiques communes. De même, des actions coordonnées entre pays occidentaux renforcent ces efforts. Par exemple, la loi américaine Trafficking Victims Protection Act de 2000 renforce les sanctions contre les trafiquants et élargit les définitions de la traite des personnes. De même, la loi française du 21 mai 2001, dite loi Taubira, reconnaît la traite et l’esclavage comme étant des crimes contre l’humanité.

Malgré les efforts déployés, le rapport « Indice mondial de l’esclavage moderne 2021 » révèle une augmentation de 2,7 millions de personnes réduites en esclavage depuis 2016. L’éradication totale de ce fléau nécessite des efforts constants, incluant le rétablissement de la justice, le soutien, la réhabilitation des victimes et le respect de leur dignité ainsi que la nécessité de s’attaquer aux racines socio-

économiques du problème.

Ces actions sont essentielles pour mettre fin à l’esclavage moderne et garantir les droits fondamentaux de tous les individus, édifiant ainsi un monde où règnent liberté et égalité.

Georges Élias BOUSTANI

Architecte D.P.L.G.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

Les vestiges et les ruines des civilisations disparues, patrimoine mondial de l’humanité, reflètent l’impact de l’esclavage. Monuments, lieux sacrés, infrastructures et forteresses portent les marques du travail et de la souffrance des asservis. Sans l’esclavage, ces monuments n’auraient pas pu être construits ou préservés dans leur majesté originelle. Bien que l’esclavage...
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Israël est un pays d’esclavage , des palestiniens

Eleni Caridopoulou

13 h 21, le 06 novembre 2024

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Commentaires (1)

  • Israël est un pays d’esclavage , des palestiniens

    Eleni Caridopoulou

    13 h 21, le 06 novembre 2024

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