Le léger vent d’optimisme qui a soufflé hier soir à la suite des déclarations du président du Conseil démissionnaire Nagib Mikati sur la possibilité de conclure un accord mettant un terme à la guerre actuelle au Liban s’est rapidement dissipé. Les bombardements israéliens se poursuivent, poussant chaque jour de nouvelles vagues de civils à l’exode, et au Sud, les affrontements continuent à un rythme soutenu entre les combattants du Hezbollah et les soldats israéliens.
En dépit de cette dure réalité, la première réaction des Libanais en écoutant Mikati était de croire à la possibilité d’en finir rapidement avec cette guerre qui dure depuis bientôt 13 mois et qui s’est intensifiée à partir du 17 septembre, date de « l’attaque des bipeurs ». D’ailleurs, Mikati s’est basé, en évoquant la possibilité d’aboutir à un accord, sur la prochaine visite de l’émissaire américain Amos Hochstein, accompagné de Brett McGurk (conseiller pour le Moyen Orient à la Maison-Blanche), en Israël pour étudier les détails de l’accord en gestation, ajoutant que Hochstein pourrait ensuite venir au Liban pour finaliser le texte. Il a même affirmé que son interlocuteur américain lui aurait assuré que la situation aujourd’hui est meilleure qu’elle ne l’était hier. Il n’en fallait pas plus pour qu’aussitôt les médias libanais se fassent l’écho de cet optimisme affiché.
De son côté, le Hezbollah – qui est l’un des principaux concernés par l’accord en gestation, même si publiquement c’est le président de la Chambre Nabih Berry qui est en charge des négociations – est resté silencieux. D’abord parce qu’il est actuellement concentré sur la bataille au Sud, tout en essayant de protéger ses cadres des attaques ciblées israéliennes, et ensuite, dans un moment aussi délicat, il ne veut pas être accusé d’entraver les négociations.
Toutefois, des proches de la formation ont rapidement commencé à mettre en doute le bien-fondé de l’optimisme affiché. D’abord, ils ont commencé à mettre en avant le fait qu’actuellement plusieurs versions du supposé document au cœur des discussions circulent. L’une d’elles est véhiculée par les médias israéliens et d’autres par des médias libanais. Au point que la Maison-Blanche a dû elle-même dire mercredi que les documents qui circulent ne sont pas les bons. À ce stade, nul ne sait donc avec précision quels sont les points discutés et quels sont ceux qui sont encore en suspens. Ce qui montre soit le manque de profondeur des négociations actuelles, soit que le flou est intentionnellement maintenu pour cacher les véritables points du document. Ce qui est sûr, c’est qu’il s’agit, d’une façon ou d’une autre, de donner plus de prérogatives à la fois à l’armée libanaise, appelée à augmenter ses effectifs dans la région au sud du Litani, et à la Finul, qui pourrait elle aussi augmenter ses effectifs. Mais cela ne peut pas se faire sans un amendement de la résolution onusienne 1701. Cela exige une réunion spéciale du Conseil de sécurité et donc l’accord de ses 5 membres permanents (les USA, la Grande-Bretagne, la France, la Chine et la Russie), ce qui est loin d’être assuré.
De plus, selon les documents qui circulent, les Israéliens souhaitent obtenir des garanties sur l’impossibilité pour le Hezbollah de reconstituer ses forces et maintenir sa présence, sous n’importe quelle forme, au sud du Litani. Pour cela, les Israéliens veulent des garanties qui, selon eux, ne peuvent être assurées que par le maintien de leurs survols de l’espace aérien libanais, en se réservant le droit de recourir à des frappes le cas échéant, et même par la mise en place d’une coordination directe ou non avec les forces en place, c’est-à-dire l’armée libanaise et la Finul.
Dans le contexte actuel, ces exigences israéliennes ne peuvent pas être acceptées par le Liban, et peut-être même par certains États participant à la Finul. Ce qui signifie que si les Israéliens maintiennent ces conditions, l’accord a peu de chances d’être conclu. Après tout, à ce stade des affrontements, le Hezbollah a certes reçu des coups durs, mais assure être encore opérationnel. En d’autres termes, aussi bien le Hezbollah que les Israéliens n’ont pas reçu des coups suffisamment forts pour les pousser à accepter n’importe quelles conditions pour un cessez-le-feu. Ils continuent donc à se battre dans l’espoir, chacun de son côté, d’améliorer sa situation.
Seules donc des parties externes pourraient modifier cette équation en faisant pression sur un camp ou sur les deux pour les pousser à faire des concessions. Or, dans le contexte actuel, à quelques jours de l’élection présidentielle américaine, les médiateurs US sont-ils réellement en mesure de faire pression ? Ils pourraient à la limite avoir de l’influence sur les Libanais. Ce qui n’est même pas vérifié, puisque jusqu’à présent, Nabih Berry maintient sa position sur l’application stricte de la résolution 1701 sans le moindre rajout. Mais les deux émissaires américains ne semblent pas en mesure de faire pression sur le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu. Ce dernier n’a pas caché en effet sa préférence pour l’élection à la présidence américaine du candidat républicain Donald Trump, avec lequel il affirme être en contact permanent, et on voit mal pourquoi il ferait aujourd’hui des concessions qui pourraient favoriser l’élection de la candidate démocrate. Selon la lecture des proches du Hezbollah, Netanyahu serait actuellement en train d’utiliser la même tactique que celle qu’il a adoptée au cours des douze derniers mois dans les négociations au sujet de Gaza. Il faisait semblant d’être prêt à accepter un accord, au point que le président américain avait annoncé à plusieurs reprises l’imminence de cette percée, avant d’être démenti par les faits. Car, en réalité, Netanyahu ne cherchait qu’à gagner du temps. Pour toutes ces raisons, le Hezbollah ne semble pas optimiste sur la conclusion rapide d’un accord avant le 6 novembre. Il préfère continuer à miser « sur le terrain pour changer les équations ».
Ce n’est pas fini
18 h 19, le 01 novembre 2024