Les fidèles d’Orient et d’Occident, on le sait bien, commencent leur prière à l’église par une confession collective. « J’ai péché par pensée, par action ou par omission », confessent-ils, pendant l’office religieux. Sans vouloir donner ici à cette confession sa portée spirituelle, il apparaît que, dans les circonstances actuelles que traverse le Liban, elle pourrait sérieusement interpeller par simple analogie ou corrélation.
En effet, un silence abyssal et une passivité insondable entourent aujourd’hui les événements déplorables qui se déroulent au Liban. D’un côté, le monde entier, gouvernements et institutions politiques, renvoie l’image d’une indifférence notable doublée d’une impuissance spectaculaire. De l’autre, il est absolument ahurissant de constater que, sur place, les leaders politiques et chefs communautaires du Liban semblent, à leur tour, regarder défiler les pilonnages successifs dans une passivité effarante.
Pourquoi ce silence et cette passivité ? La communauté internationale, nous l’avions compris, considère et soutient qu’Israël a le droit de se défendre. Elle n’a de cesse de le répéter, le Hezbollah est une organisation terroriste qui a pris le Liban en otage. Passons sur ces deux affirmations sans entrer dans le débat politique. Ce n’est plus à présent la priorité. Les enjeux véritables sont ailleurs. Le temps presse et ne pardonne pas.
Comment par contre interpréter et comprendre, dans ce contexte grave, sanglant et destructeur, le silence de certains leaders et institutions politiques libanais ? Celui du Parlement notamment, celui d’anciens dirigeants, Premiers ministres ou présidents de la République, celui des autorités religieuses respectives, celui des composantes de la société civile, ceux-là qui assistent, en ces moments, à ce qui se passe devant eux, sous leurs yeux, dans l’impuissance et l’immobilisme, sans réussir à prendre d’initiative, à se faire entendre, bref à exister au-dessus du tumulte général ? C’est en effet cette passivité politique collective qui blesse et qui ressemble à une faillite totale du Liban officiel et de sa diplomatie. Comme si, réduites au silence depuis des années, les composantes du pays en termes de collectivité s’y complaisent, inconsciemment ou consciemment, et ne savent plus s’en sortir. Et pourtant la recherche de solution est plus que jamais requise. Il y va des responsabilités civiles et morales, humaines, politiques et sociales, nationales, que les circonstances actuelles douloureuses imposent à l’entendement de tout un chacun.
C’est bien là que ces composantes, politiques ou religieuses soient-elles, pèchent. Oui, elles pèchent, elles pèchent contre le Liban. Peut-être pas par pensée, mais certainement par action et surtout par omission. Qu’attendent-
elles donc pour agir collectivement ? Faudrait-il que les initiatives viennent de la France ou de pays arabes voisins ? Mais pourquoi donc ne forment-elles pas ensemble un comité de suivi qui serait chargé de porter des propositions au-devant des Nations unies, du Parlement européen, de la Ligue arabe par exemple ? Des propositions de sortie de crise, de paix et de cessez-le-feu, des propositions qui remettent le Liban au centre des préoccupations nationales et internationales et qui exigent le respect de son intégrité territoriale et de sa souveraineté dans les frontières actuelles ?
En l’absence de ces composantes sur la scène politique libanaise, si par ailleurs elles ne reprennent pas la main, le langage du feu et des canons restera de vigueur et les citoyens libanais continueront de payer les frais d’une guerre qui n’est pas la leur, au prix vraisemblablement d’une destruction massive, qui anéantira le Liban déjà naufragé. Cela s’appelle un péché par action (manquée) et par omission que l’histoire n’oubliera certainement pas de retenir. D’autant plus que le pays est depuis de nombreuses années réduit au stade d’otage, un otage écrasé par une crise financière sans précédent, une mainmise des banques sur les avoirs des épargnants, le vide de pouvoir au sommet de l’État.
Le sursaut est par conséquent aujourd’hui nécessaire, indispensable, vital, profondément existentiel surtout. Il devrait être imminent sans plus de retard. C’est le destin d’une nation qui est en jeu, le destin d’un peuple. Où sont donc passées les instances politiques et religieuses du Liban ? Vont-elles continuer de pécher ainsi par omission et se contenter d’assister impuissantes à ce qui se déroule ? Vont-elles, au contraire, afficher la volonté de prendre des initiatives audacieuses et dépêcher enfin des délégations plaider la cause du Liban et une sortie de crise auprès des instances internationales ? Si elles ne souhaitent pas que l’histoire à son tour ne les gratifie immanquablement du déni mérité qu’elles auront provoqué, il leur faudra agir, agir collectivement et très vite.
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encore une fois nous sommes punis pour avoir refuse de porter secours...
16 h 51, le 21 octobre 2024