Une rentrée en chiffres

Afin de m’aider à assimiler ce qui se passe vu que mon état d’engourdissement physique et mental dû à la tragédie qui frappe le pays est en passe de devenir total, je me suis mise à mettre en chiffres les nouvelles reçues ces 15 derniers jours.

Pour commencer, 1 million deux cent mille déplacés. Il y a une vingtaine d’années, il avait fallu autant dans la rue pour mettre le Syrien hors du pays, c’était la révolution du Cèdre .

Aujourd’hui, ces femmes, hommes et enfants ont quitté leurs terres, leurs maisons, leurs quartiers n’emportant presque rien et ont besoin de tout.

Des milliers de tués qui ont eu droit ou non à une sépulture digne.

Trente milles blessés conduits à des hôpitaux bombardés dans des ambulances prises pour cibles.

Cinq mille écoles et lieux publics occupés.

Des centaines de milliers d’écoliers et étudiants privés de rentrée scolaire.

Ceux-là mêmes qui, il y cinq ans, avaient brandi un poing vengeur face au pouvoir.

Quatre millions de Libanais tremblant pour leur pays, leurs enfants, leurs parents ou leur avenir.

Il y a aussi quelque deux cents députés élus, mais hélas invisibles, deux douzaines de ministres sortants coiffés par un premier, et qui s’agitent en faisant beaucoup de vent pour rien et aussi des chefs de parti qui, pour les promesses, sont au sommet et pour les actes, à la traîne.

Et au nombre des doigts d’une main, des prélats : le maronite, le chiite, le sunnite, le druze et le grec-orthodoxe qui y vont de leur prêche à chaque occasion, restant chacun à l’ombre de sa confession.

Et surtout il y a zéro président de la République

Voilà en chiffres cette rentrée qui, nous prédit-on, sera le tournant de nos existences. Y voyez-vous plus clair ?

Les seuls chiffres qui présentent une valeur sont pour l’heure le nombre des bénévoles, ceux qui cuisinent, soignent, aident, hébergent, mais aussi ceux qui continuent à vouloir vivre ; oui vivre, secouer ce tremblement qui vous prend lorsque la terre est secouée par les bombes et que l’air se sature d’odeurs soufrées.

Dolly TALHAMÉ

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