Lors d’un soir lugubre et morose, le ciel gris, maussade, assombri par les esprits égarés, reprend son souffle après une tempête de bombardements. Un silence assourdissant y règne, et n’est interrompu que par le souffle du vent qui transporte les échos du passé, ébranlant sans répit chaque coin de cet espace morne et vide. L’on pouvait distinguer, derrière les nappes nuageuses, 1 050 étoiles chatoyantes qui larmoient. Le sol aride était également en souffrance, englouti par le fracas des bombes. Il n’y avait personne sauf Adam. Il était seul dans la cour, toujours le doudou noir entre les bras, émergeant des décombres et des ruines. Il marchait seul, errant comme un vagabond, comme une étoile solitaire dans une nuit sans fin. Sans savoir où le chemin le guide, il marchait parmi les odeurs acres, les décombres d’un monde abasourdi et ravagé. Ses yeux roux, jadis brillants d’innocence, sont désormais des miroirs de mélancolie, ses vêtements, que sa grand-mère lui a cousus avec affection, sont maintenant en lambeaux. Il déambule dans son paysage dévasté. Les ruines des maisons, autrefois pleines de vie, s’entremêlent avec les échos des rires désormais évanouis. Il se souvient des champs verdoyants, maintenant réduits à des terres stériles, et du ciel obscurci aujourd’hui par les fumées. Maintenant, il se tient sous un arbre dépérissant, là où il jouait à cache-cache avec ses amis d’enfance, où ils faisaient voler leurs cerfs-volants qu’ils fabriquaient eux-mêmes. Où sont-ils maintenant ? Il n’y a personne. Soudain, il entendit une voix grave et anonyme qui résonna comme un brouhaha : « Où vas-tu mon enfant ? » « Je ne sais pas. Toutes les maisons se ressemblent maintenant, comment pourrais-je trouver la mienne ? Je ne trouve nulle part mes parents, mes frères, mes amis. Je ne reconnais même plus mon village. Cette vie n’est pas de mon choix, pourquoi dois-je supporter ce destin fatal ? » répondit l’enfant. « Suis-moi mon enfant, tu ne regretteras pas et crois-moi, après la pluie, vient le beau temps ! »
Adam, l’héritier des ruines, suivit cette voix anonyme qui incarna dans son esprit une fragile promesse de renouveau.
Enfin mes amis, c’est peut-être l’histoire d’Adam, mais ça pourrait être celle de Fatima, Charbel, Ahmad, Élias, Georgette…
Ce n’est pas « plusieurs petites histoires », c’est « une » histoire qui nous unit tous.
Rita P. YOUNÈS
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