Il faut avoir la niaque en acier trempé pour se rendre, deux jours après avoir subi sa première séance de chimiothérapie, sur le campus de son université et passer son examen en dépit des sensations de nausées, de douleur et d’intense fatigue… Pourtant, c’est ce qu’a fait Christopher Soujaa. Diagnostiqué d’un cancer lymphatique au mois d’avril alors qu’il est en dernier semestre à la faculté de pharmacie de l’Université libano-américaine (LAU) et hospitalisé à quelques semaines des examens finaux, l’étudiant de 23 ans refuse de se déclarer vaincu par son crabe. Fonceur, jonglant entre cours, stages, engagement sportif, entraînements et… boulot pour financer ses propres études, le jeune homme n’est pas du genre à renoncer. Dans sa tête, tout est très clair : pas question d’abandonner ses études alors qu’il est si près du but ! Il est même hors de question de sacrifier cours et stages pour se consacrer aux soins. Il veut poursuivre son cursus et décrocher son diplôme, comme prévu, avec ses amis et collègues. Un objectif qui deviendra son moteur. Dès avril, les tests et traitements s’enchaînent. Pris dans un tourbillon de rendez-vous, le jeune homme résiste et s’accroche. Il se coupe de toutes les pensées parasites et va droit au but qu’il s’était fixé. « J’ai vécu une vraie galère au cours du dernier semestre. C’était vraiment ardu », confie-t-il. « Durant mon hospitalisation, j’ai raté trois semaines de cours et mes rotations, sans oublier que j’avais aussi mes examens finaux à préparer et les stages exigés pour valider mon année, voire mon diplôme. J’ai alors décidé de compenser ce retard, de mettre les bouchées doubles et d’accomplir deux quarts de travail par jour à la pharmacie Saint-Élie, où j’effectuais mon stage », précise-t-il avant d’ajouter : « Deux jours avant le début des examens finaux, j’ai subi ma première séance de chimiothérapie et je ne savais pas à quoi m’attendre en termes de symptômes. J’ai pris alors toutes les précautions nécessaires du mieux que je pouvais et je me suis rendu à l’université, où j’ai passé mes examens dans la même salle que mes amis. J’ai même clôturé ce semestre avec une moyenne élevée », tient à préciser avec une fierté authentique dans la voix le jeune homme qui a réussi à obtenir son diplôme en pharmacie avec distinction en juin dernier.Comment a-t-il réussi à maintenir le cap ? Son entourage. Sa famille, ses amis, ses collègues, le doyen et les enseignants de la faculté de pharmacie de la LAU étaient tous là, indique-t-il, prêts à venir en aide au premier appel. Sara Khatib aussi. En effet, durant son séjour à l’hôpital, Christopher Soujaa avoue avoir voulu parler à quelqu’un qui est passé par là ou qui a vécu une expérience similaire. « Je voulais savoir ce qui m’attendait, comment je devais réagir pour traverser du mieux possible cette phase critique. Malheureusement, je ne connaissais personne d’autre que feue Sara Khatib, alors je me suis mis à regarder ses TEDx Talks (https ://www.youtube.com/watch ? v=wcMnmCH6Gjg) que je conseille vivement à tout un chacun. » Sara vous inspire, vous pousse à aller de l’avant, à prendre les choses une étape à la fois, à chasser les idées négatives et à vous concentrer uniquement sur le moment présent, avance-t-il avant de se déclarer très honoré d’avoir reçu le prix d’inspiration Sara Khatib. Ce prix, établi par la famille de cette dernière en 2015 pour honorer la mémoire de leur fille prématurément fauchée par la maladie et partager son message positif, vise à récompenser des universitaires qui incarnent le courage et l’esprit positif de Sara.
Une récompense d’une très grande valeur symbolique
Bien qu’il admette avoir du mal à exprimer ses ressentis, le jeune homme n’hésite pas à manifester toute sa gratitude envers ses amis et enseignants qui l’ont nommé pour recevoir ce prix. « C’est une récompense d’une très grande valeur symbolique, mais qui implique aussi une grande responsabilité », indique-t-il.Faisant partie de l’équipe de basket-ball de la LAU, cet athlète mordu de sport a puisé dans les mots de l’inspirante Sara Khatib la force pour digérer et gérer son nouveau quotidien : « La douleur est inévitable, mais la souffrance est optionnelle, ne remettez pas à plus tard vos rêves, ne laissez pas votre maladie vous définir, souvenez-vous que vous avez toujours l’option de sourire et de décider comment réagir »… Des conseils-devises qu’il a bien fait d’appliquer. Suspendre ses études ? Opter pour des rattrapages ? Accepter un traitement de faveur en raison de son état de santé ? Impensable pour le jeune étudiant qui, non seulement a décidé de tracer sa voie personnelle, sociale et professionnelle en suivant des valeurs et des principes bien précis, mais a également prévu un parcours millimétré pour réaliser son rêve de devenir pharmacien clinicien. À commencer par suivre des études exigeantes dans lesquelles il s’est investi à fond pour décrocher un diplôme en pharmacie avec distinction, avant d’entamer à la LAU, à la prochaine rentrée (2024-2025), des études doctorales en pharmacie (PharmD) et de les poursuivre dès le mois de février 2025 au Houston Methodist Hospital au Texas, l’un des dix hôpitaux les plus réputés aux États-Unis, où il envisage de s’établir.Son but ultime ? Intégrer le marché de l’emploi en tant que pharmacien clinicien et aider à son tour ses parents, qui ont tout fait jusque-là pour qu’il puisse concrétiser ses ambitions. « Je viens d’une famille modeste. Mon père souffre de problèmes de santé et a tout perdu lors de la crise, et ma mère est femme au foyer. Avec la crise qui prévaut toujours au pays, il était inconcevable pour moi de suspendre mes études, voire d’ajourner mon rêve, comme le dit si bien Sara. Heureusement, j’ai brillamment réussi mes études. J’ai même passé l’examen d’équivalence (colloquium) auprès de l’ordre des pharmaciens après une séance de chimio », poursuit-il.S’il n’y a pas vraiment de mode d’emploi pour affronter le cancer et que chaque malade est unique, il y a une leçon de vie que Christopher Soujaa a apprise à jamais. « Vous en tirez des leçons, vous en grandissez, mais vous n’êtes pas votre maladie. Votre maladie ne vous définit pas. Vous êtes bien plus, martèle-t-il. Il y a des choses que je ne peux pas contrôler et mon quotidien est rythmé par des hauts et des bas », confie-t-il encore avant d’ajouter : « Ce n’est pas tous les jours que j’ai ce moral de battant, mais j’ai fini par accepter le fait que je suis un patient atteint de cancer, que je dois composer avec, et je fais tout mon possible pour suivre le meilleur traitement qui soit pour surmonter cette épreuve, car la vie doit continuer son cours. »Le regard tourné vers l’avenir, Christopher Soujaa a hâte de commencer un nouveau chapitre, d’autant que les choses s’annoncent plutôt bien pour lui. En effet, le dernier examen d’imagerie médicale qu’il a réalisé a révélé qu’il répond au traitement. De plus, au début du mois d’août, il a été embauché pour un travail en ligne à temps partiel, un emploi qu’il espère garder dans les mois à venir.