Alors que la frappe sur Basta al-Faouqa ce 23 novembre à l'aube a exacerbé les craintes quant à la sécurité des populations civiles, nous vous proposons la relecture de cet article, initialement publié en date du 28 septembre 2024.
Depuis lundi dernier, de lourdes frappes israéliennes au Liban ont fait au moins 700 morts, selon les derniers bilans compilés du ministère de la Santé, suite au lancement ce jour-là de l'opération militaire israélienne « Flèches du Nord », avec l'objectif annoncé de ramener les familles israéliennes du nord du pays chez eux, ainsi que le bombardement massif vendredi soir dans la banlieue sud de Beyrouth, qui a tué le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah. Dans ce contexte de guerre, de nombreuses habitations ont été ciblées au Liban-Sud, dans la vallée de la Békaa et dans la banlieue sud de Beyrouth, exposant la vie des populations à divers risques, que ce soit en termes d’intégrité structurelle des habitations ou bien de santé, autant à court qu'à moyen terme.
Quels sont ces risques et comment s'en protéger ? L'Orient-Le Jour fait le point.
Les risques liés aux problèmes d’intégrité structurelle
S’agissant de ce premier sujet, Rodolphe Matar, ingénieur en structures de bâtiments, souligne qu’il y a certainement eu « beaucoup de bâtiments partiellement endommagés et qu’en attendant un état des lieux complet, il s’agit de faire très attention aux fissures apparentes sur les murs afin de déterminer si le logement est encore habitable ». En cas de fissures, « la première chose à faire est de regarder s’il y a moyen de renforcer les bâtiments concernés afin d’éviter tout effondrement. Si c’est le cas, les habitants peuvent demander d’effectuer des travaux rapides de renforcement autour des dalles ou des poutres qui seraient endommagées, en attendant d’élargir l’ampleur des travaux ». En revanche, si les dalles ou les colonnes ont été plus sérieusement endommagées et/ou déplacées de leur endroit, les habitants doivent évacuer les lieux.
Sany Jamal, architecte et professeur à l’Université américaine de Beyrouth (AUB), souligne aussi la nécessité de tenir compte de l’âge du bâtiment, de son emplacement (s’il est protégé derrière d’autres structures solides), de sa hauteur et de la nature des fissures apparentes. « Certains bâtiments sont plus résistants à ce genre de chocs, notamment s’ils ont été construits récemment et respectent les normes antisismiques requises », indique-t-il. Néanmoins, même ce type de construction ne pourra pas résister aux chocs causés par des armes du type « bunker-buster » utilisées dans l’attaque de vendredi soir sur la banlieue sud de Beyrouth. « Celles-ci sont conçues de sorte à tout détruire », avance-t-il. Dans des cas pareils, ou lorsque les déflagrations sont très importantes, il recommande de s’éloigner des bâtiments situés dans les environs.
Les risques liés à la pollution
En ce qui concerne les risques liés à la pollution, le premier geste de protection basique consiste à s’éloigner des endroits où des explosions ont eu lieu. « La plus grande concentration de particules nocives qui circulent dans les airs se retrouve dans les premiers kilomètres autour des endroits frappés », souligne Charbel Afif, expert en pollution et directeur du département de chimie à la Faculté des Sciences de l'Université Saint-Joseph de Beyrouth.
Pour ceux qui ne sont pas en mesure de s’éloigner suffisamment et durant leur déplacement à l’extérieur, l’expert recommande le port du masque ou celui d’un morceau en tissu humide pour ceux qui n’ont pas de masques à disposition afin de réduire, dans la mesure du possible, l’exposition aux matières toxiques dégagées suite aux détonations. « La poussière et les matières dégagées suite aux déflagrations, qui comportent des particules très fines, peuvent causer des problèmes respiratoires à court terme, notamment pour les personnes asthmatiques, et à plus long terme augmenter le risque de cancer suite aux composants très nocifs comme les métaux lourds et les composants organiques polycycliques qui y sont absorbés », indique-t-il.
Autre conseil pour les personnes vivant aux abords d’endroits frappés : entrouvrir légèrement les fenêtres. Cela permet de limiter l’exposition à la poussière environnante et surtout réduire la pression et les vibrations causées par les frappes, qui pourraient faire éclater les vitres et causer des blessures.
D’un autre côté, il relève que le risque d’exposition à l’amiante reste faible, notamment parce que les bâtiments ciblés dans la banlieue sud de Beyrouth ont été récemment construits, tandis que l’utilisation de l’amiante était plutôt répandue au Liban avant les années 1980. Le risque pourrait être élevé aux abords des anciens bâtiments frappés hors de Beyrouth. La population proche des bombardements, notamment au Liban-Sud, est aussi exposée aux risques liés à la fumée que dégagent les tirs israéliens au phosphore blanc, et dont l’utilisation remonte au début du conflit. « L’exposition à cette matière peut causer de graves brûlures et engendrer d’importants problèmes respiratoires », souligne de son côté la députée Najat Aoun Saliba, spécialiste de l’environnement.