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Politique - Analyse

Mort de Nasrallah : tous les scénarios sont désormais sur la table

Que va faire l'Iran ? C'est la question qui va déterminer la durée, la nature et l'issue de cette guerre. 

Mort de Nasrallah : tous les scénarios sont désormais sur la table

Une affiche géante de Hassan Narallah, sur laquelle est écrit "tu nous manques", le 18 juillet 2012 à Beyrouth. Photo by Anwar AMRO / AFP

Un séisme. Un choc. Une nuit d'horreur à regarder la banlieue sud de Beyrouth se faire pilonner par l'armée israélienne. Et le début d'un nouveau monde, où tous les scénarios semblent possibles, pour le Liban et le Moyen-Orient. La mort de Hassan Nasrallah - annoncée par l’armée israélienne puis confirmée par le Hezbollah - est le point d’orgue d’une semaine qui a redistribué toutes les cartes et auquel personne n’était préparé. On anticipait le scénario d’une guerre totale depuis près d’un an, on savait que le rapport de force était largement à l’avantage d’Israël, mais aucun expert, aucun diplomate, et probablement aucun membre du Hezbollah ou de l’axe iranien, ne pouvait imaginer que la milice la plus puissante au monde allait subir de tels coups de massue - et le Liban avec elle - en quelques jours.

On est pour l’instant loin du scénario de 2006 et loin également de ce qui se passe à Gaza : il est désormais clair que l’armée israélienne prépare cette guerre depuis près de vingt ans et qu’elle a des dizaines de coups d’avance sur son ennemi. Elle semble tout connaître du parti chiite : ses planques, ses cadres, ses commandants, ses dépôts de missiles, ses moyens de communication. Le survol de ses drones au-dessus de Beyrouth, jour et nuit, sonne d’ailleurs comme un ultime rappel : Israël surveille le Liban dans ses moindres faits et gestes.

A quel point le parti est-il infiltré ? A quel point a-t-il sous-estimé la force et la détermination de son adversaire ?

Israël a réussi à décapiter presque tout le haut commandement du Hezbollah en quelques jours, quelques semaines au plus si on inclut l’assassinat de Fouad Chokor dans la banlieue sud le 30 juillet dernier. La formation pro-iranienne paraît totalement déboussolée, en témoigne le temps qu'elle a mis à annoncer la mort de son chef. 

Hezbollah à terre 

Plusieurs mythes se sont effondrés au cours de ces derniers jours : celui de l’équilibre de la terreur dont se vantait le Hezbollah ; celui de la toute puissance d’un mouvement qui était devenu une véritable armée régionale ces dernières années ; celui de l’invincibilité de Hassan Nasrallah, l’un des hommes les plus puissants du Moyen-Orient ; et enfin celui de « l’unité des fronts » si cher à l’axe iranien. Le Hezbollah est à terre et personne ne lui est encore venu en aide : ni son parrain iranien, ni les houthis, ni les milices irakiennes et encore moins le régime Assad pour la survie duquel il a pourtant sacrifié des milliers d’hommes.

Malgré tout, la prudence s’impose. Nous ne savons rien de ce qui se passe à l’intérieur du parti, rien non plus des intentions des Iraniens. Israël a mené des milliers de frappes en une semaine, qui ont probablement détruit une partie de l’arsenal du Hezbollah. Mais ni les 150 000 missiles et roquettes qu’il détient, ni les dizaines de milliers d’hommes armés qui forment la milice n’ont toutefois disparu en un claquement de doigt. Même si cela paraît chaque jour plus compliqué, on ne peut pas exclure le fait que le Hezbollah ait encore les moyens de répondre à son adversaire et de mener une guerre totale et de plus longue durée. Le parti est en état de choc. Peut-il se relever ? Il a évidemment ses calculs. Et ces derniers doivent prendre en compte le pouls de sa rue et du Liban, qui ne veulent pas de cette guerre. Mais, en définitive, la décision ne lui revient pas.

C’est à la République islamique de décider si elle accepte sa défaite ou si elle se lance dans une escalade de tous les périls. Elle peut considérer qu’elle doit a minima essayer de rééquilibrer le rapport de force avant d’entamer la phase des négociations, ce qui implique probablement de donner un feu vert au Hezbollah pour utiliser ses missiles de haute précision et d’activer ses autres alliés dans la région.

Mais c’est un pari risqué qui pourrait compromettre à termes la survie du régime, les États-Unis ayant envoyé des signaux très clairs sur le fait qu’ils ne resteraient pas à l’écart de cette guerre. Malgré ses missiles et ses milices, Téhéran n’a pas les ressources nécessaires pour affronter Washington et Tel-Aviv dans un conflit direct, d’autant que les pays du Golfe et la Jordanie se tiendront du côté de l’« ennemi ». Le régime iranien, obsédé par sa survie, peut-il la mettre en péril pour éviter une défaite humiliante au Hezbollah ? Le communiqué du guide suprême Ali Khamenei samedi, affirmant qu’Israël ne pourra pas venir à bout du Hezbollah, peut être interprété de différentes manières. Comme un quasi abandon, ou comme une façon de gagner du temps avant de préparer la riposte.

Et le Liban ?

La République islamique voit se déliter sous ses yeux une grande partie de ce qu’elle a construit pendant plus de quatre décennies. Le 7 octobre et ses suites devaient lui offrir une victoire stratégique sans précédent. Mais elle semble ne pas avoir pris conscience de la détermination d’Israël à l’affaiblir avec le feu vert, à peine dissimulé, de l’administration Biden. Sa priorité est peut-être désormais de préserver son programme nucléaire, perçu comme la dernière assurance-vie du régime.

Et le Liban dans tout cela ? Israël agit sans la moindre retenue ou considération pour les pertes civiles. La frappe visant Hassan Nasrallah, vendredi soir, a fait des centaines de morts selon les estimations de l’armée israélienne auxquels il faut ajouter ceux qui ont dû périr au cours de la nuit, faute d’avoir pu fuir leurs maisons à temps. Tout cela sans la moindre condamnation internationale ! Si l’escalade se poursuit, le bilan atteindra rapidement des milliers de morts et une grande partie des infrastructures du Sud, de la Békaa et de la banlieue sud de Beyrouth sera détruite.

Si un cessez-le-feu est conclu, le pays ouvrira un nouveau chapitre de son histoire, dominée depuis maintenant plus de deux décennies par l’ombre du Hezbollah et le doigt de Hassan Nasrallah. Le secrétaire général du Hezbollah est la personnalité la plus adulée et la plus détestée du pays du Cèdre. Sa mort est une onde de choc sans précédent et sans comparaison, au moins depuis celle de Rafic Hariri. Hassan Nasrallah est le visage et la voix de « l’axe de la Résistance ». Il sera bien sûr remplacé, mais il paraît par bien des aspects irremplaçable. 

Quelle que soit l’issue de la guerre, le Hezbollah en sortira très affaibli. Il lui faudra des années pour reconstruire sa crédibilité vis-à-vis de sa base populaire, de l’ensemble des Libanais et des pays de la région. Mais il ne va pas disparaître pour autant. La formation pro-iranienne va évoluer, muter, mais va rester la plus forte sur la scène libanaise. Va-t-elle redevenir une milice à l’état pur ? Va t-elle tenter au contraire de devenir un parti « comme les autres » ? Il est trop tôt pour le savoir. On peut toutefois imaginer que le Hezbollah va être encore plus paranoïaque, moins enclin à faire la moindre concession, et plus déterminé que jamais à ré-imposer, par tous les moyens possibles, un rapport de force qui lui soit favorable avec les autres parties.

Tous les scénarios sont sur la table. Celui d’une guerre totale, d’une défaite que le parti chiite fera payer au Liban, et d’une opportunité, tellement fragile, d’enfin tirer les leçons de tout ce qui a conduit le Liban, au-delà du Hezbollah, à se retrouver une nouvelle fois dans cette situation.

Un séisme. Un choc. Une nuit d'horreur à regarder la banlieue sud de Beyrouth se faire pilonner par l'armée israélienne. Et le début d'un nouveau monde, où tous les scénarios semblent possibles, pour le Liban et le Moyen-Orient. La mort de Hassan Nasrallah - annoncée par l’armée israélienne puis confirmée par le Hezbollah - est le point d’orgue d’une semaine qui a redistribué...
commentaires (22)

Le Liban possède une occasion unique de reprendre la main, après l'élimination de Nasrallah. Les Chrétiens, Druzes et Sunnites doivent absolument s'allier pour empêcher qu'un Hezbollah "new-look" ne ressuscite sous la férule d'un nouveau dirigeant qui sera - également - un larbin de Téhéran. Aucun israélien ne viendra s'installer au Liban ou même ne songe à le diriger, comme certains esprits dérangés l'ont écrit. Les israéliens veulent une paix ferme et définitive avec le pays du cèdre. C'est aux Libanais de prendre leur destinée en main. L'occasion est unique, elle ne repassera pas !

Frank Nouma

23 h 04, le 29 septembre 2024

Tous les commentaires

Commentaires (22)

  • Le Liban possède une occasion unique de reprendre la main, après l'élimination de Nasrallah. Les Chrétiens, Druzes et Sunnites doivent absolument s'allier pour empêcher qu'un Hezbollah "new-look" ne ressuscite sous la férule d'un nouveau dirigeant qui sera - également - un larbin de Téhéran. Aucun israélien ne viendra s'installer au Liban ou même ne songe à le diriger, comme certains esprits dérangés l'ont écrit. Les israéliens veulent une paix ferme et définitive avec le pays du cèdre. C'est aux Libanais de prendre leur destinée en main. L'occasion est unique, elle ne repassera pas !

    Frank Nouma

    23 h 04, le 29 septembre 2024

  • Il nous reste au moins le boycott !

    Politiquement incorrect(e)

    20 h 17, le 29 septembre 2024

  • Vu de l'Europe : Maintenant que l'une des "six familles" semble avoir perdu une grande partie de son pouvoir, il faut hélas redouter que les cinq autres tentent de profiter du déséquilibre ainsi créé pour "remettre le couvert", rallumant au besoin une guerre civile. Ce serait le résultat le plus épouvantable de l'intervention d'Israël, certes appréciable, pour une fois, sur le plan d'une certaine justice.

    Gaillard Jacques

    15 h 04, le 29 septembre 2024

  • Le Liban doit à HN son existence continue. On peut même dire qu’il est presque responsable à lui tout seul de la survie de ce pays face à deux, même trois menaces existentielles auxquelles il a fait face : 1) Il a tenu tête à l’expansionnisme génocidaire israélien depuis 30 ans bien sûr, l’a tenu en échec jusqu’à maintenant. 2)Son alliance avec l'armée a presque seule prévenu l’invasion par Daesh depuis la Syrie 3) Et surtout, il a transformé le Hezbollah es années 1980, qui était une sorte d’al Qaeda chiite visant à engloutir le Liban dans la révolution iranienne, en parti libanais patriote

    Jean abou Fayez

    14 h 55, le 29 septembre 2024

  • Le Liban sacrifié à l’autel de la Palestine… comme à chaque fois! Il faut bâtir un pays fort et uni, pour pouvoir aider les autres et faire la guerre à des ennemis comme Israël! Ce que nous, libanais devons faire, c’est de nous concentrer à bâtir un état, élire un président, lever le drapeau libanais et rien d’autre! Je prie pour que la propagande et les émotions ne nous emmènent pas à des conflits en interne….

    Feriale du Liban

    12 h 59, le 29 septembre 2024

  • Qui vit par l’épée périra par l’épée, les martyrs du 14 mars ne diront pas le contraire, nil les innocentes victimes de la tragédie du port. Le malheur catastrophique frappant surtout sa propre communauté, le hezbollah , lâché par son parrain et ses alliés, devrait retomber sur terre et miser sur l’Etat libanais, seul garant de la sécurité des Libanais.

    Goraieb Nada

    07 h 37, le 29 septembre 2024

  • IL nous a cuits!

    RAYMOND SAIDAH

    05 h 07, le 29 septembre 2024

  • Le seul scénario plausible est la colonisation de tout le territoire libanais et l'expulsion graduée des libanais en vue de leur remplacement par les colonies sionistes déjá prêtes à renflouer les rangs des nouveaux conquérants . Qui a encore confiance dans un futur Liban entièrement écrasé et soumis aux caprices messianistes des supémacistes et à leur technologie , qui pourra leur résister ? Telle est la question la plus sérieuse ! Nous sommes cuits !

    Chucri Abboud

    22 h 34, le 28 septembre 2024

  • On paie pour la Cause palestinienne depuis plus qu’un demi siècle Ça suffit celui qui va mourrir sur le chemin de Palestine la voix est bien ouverte Le Liban est victime, oui mais c’est due à Fateh land en premier et maintenant aux mollahs land

    William SEMAAN

    21 h 25, le 28 septembre 2024

  • Je comprends le degré de nervosité des éditorialistes, et autres journalistes de service, mais un commentaire très pertinent a disparu de la série des "commentaires". (Ce n'est pas mon commentaire, et je plaide pour sa restauration dans les commentaires). L'heure est grave, comme ce fut lors de l'assassinat de Hariri. Tous les commentaires seront publiés SVP sans aucune restriction. Je l'ai déjà dit ici dans cette rubrique, la censure est un service réservé aux dictatures. Merci de restaurer le commentaire, SVP, il n'a aucune injure à personne. Nous lisons les commentaires et les "analyses".

    NABIL

    21 h 17, le 28 septembre 2024

  • Et pendant ce temps les criminels israéliens continuent le génocide du peuple palestinien en douce. Tout a été calculé par eux! Et le Liban en est victime, au même titre que les Palestiniens.

    Hélène SOMMA

    20 h 05, le 28 septembre 2024

  • Le Hezb paye de la vie de ses cadres dirigeants, mais aussi de celle de milliers de citoyens Libanais, le prix des faux calculs de l'Iran. Le pretendu equilibre de la terreur n'a, en fait, jamais existe. La superiorite militaire d'Israel, soutenue par la technologie et l'argent US a toujours ete totale. On ne combat pas la technologie avec l'ideologie.

    Michel Trad

    18 h 06, le 28 septembre 2024

  • Ce qui est certain, le juge Bitar peut clôturer le dossier du port. Et au cas où il y aurait des dossiers ouverts concernant les assassinats des journalistes, députés et autres personnalités ( tueini, Slim, gemayel, Hariri), ces dossiers pourront être clôturés désormais. Faute de justice terrestre, la justice divine prendra le relais. Nous pleurons uniquement les victimes civiles et familles. Victimes de la sauvagerie de ce bombardement. Que les innocents reposent en paix.

    LE FRANCOPHONE

    18 h 00, le 28 septembre 2024

  • Le scénario n’est qu’à ses débuts. Les Mollahs savent que l’heure des comptes est arrivée. Ils ne bougeront pas un cil, de peur de perdre leur régime en un clin d’œil. Israel ne laisserait jamais les mollahs posséder une arme nucléaire, et ferait de tout pour l’impliquer dans cette guerre, que les mollahs lui ont déclarée. Plutôt tôt que tard, on verra leurs cites nucléaires en miettes . Il paraît que le peuple iranien jubile depuis hier car ils ont compris ce qui va suivre. La terreur ne gagnera jamais. Les libanais devraient se rassembler et redevenir un seul peuple, un peuple libanais.

    Sissi zayyat

    17 h 46, le 28 septembre 2024

  • Pourquoi M. samrani écrivez-vous, je vous cite: La formation pro-iranienne va évoluer, muter, mais va rester la plus forte sur la scène libanaise. Qui ferait la force du HB puisque son leader a disparu, de la même manière qu’il a tué ses opposants. Qui oserait se montrer aussi menaçant que celui qui a payé de sa vie son ego surdimensionné en menaçant tout le monde comme s’il était immortel et intouchable. Qui? Tous ses remplaçants sont déjà sous terre, alors qui pour défier encore les libanais et les Israéliens.? Il paraît que même Khamenei est caché en lieu sûr, c’est dire si le courage de

    Sissi zayyat

    17 h 25, le 28 septembre 2024

  • Ni l'Iran, ni le Hamas, ni le Hezbollah n'ont compris la psychologie d'Israël. Israël se bat pour sa survie et par tous les moyens. Il ne fallait pas lui déclarer la guerre. Nasrallah vient de le payer de sa vie. Souhaitons à présent que le Liban retrouvé une paix lui permettant de se reconstruire. Tout dépend de l'Iran...

    Michel Le Tallec

    17 h 01, le 28 septembre 2024

  • Le seul scénario envisageable pour les chrétiens est soit la partition ou à minima une très forte décentralisation avec en tous cas, un président de la république choisi d’abord et en premier lieu par les chrétiens. Le Hezbollah doit devenir un parti politique uniquement et ses armes doivent être rendues à l’Iran. Sinon aucune possibilité pour le vivre ensemble. Les chrétiens ne peuvent pas être à la merci de chaque illuminé qui surgit tous les quelque temps qui s’appelle une fois Nasser, une autre fois Hafez ou Bachar…

    Lecteur excédé par la censure

    16 h 42, le 28 septembre 2024

  • HASSAN NASRALLAH abandonné par la SYRIE et l IRAN,était caché dans la banlieue sud de BEYROUTH ! Les libanais doivent maintenant chasser tous les membres du HEZB vers l IRAN ,comme ils l ont fait en 2005 avec les syriens.

    HABIBI FRANCAIS

    16 h 38, le 28 septembre 2024

  • Quelle belle journée.

    Achkar Carlos

    16 h 29, le 28 septembre 2024

  • GAME OVER au cas da'arraque de k'Iran les US S y nettent aussi.

    Liban Libre

    15 h 50, le 28 septembre 2024

  • Tres lucide. Tous les scenarios du possible

    sancrainte

    15 h 30, le 28 septembre 2024

  • Que voulez vous que l'Iran y fasse? A part la gestuelle habituelle accompagnée de discours revanchards et de quelques drapeaux brûlés .. Depuis la déclaration d'intention de renégocier sur le traité nucléaire l'Iran a abandonné son affidé du parti de Dieu..et Nasrallah était seul. Pour la forme ils adopteront les discours habituels enflammés avec quelques fanfaronnades mais ce sera tout.

    C…

    15 h 08, le 28 septembre 2024

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