Le tragique flot a commencé il y a plusieurs jours. Depuis lundi dernier, et les frappes massives israéliennes sur le Liban-Sud et la Békaa, plus d'une centaine de milliers d'habitants de ces régions ont dû les fuir. Vendredi soir, c'est un nouvel exode, dans la panique et la terreur, qui s'est produit depuis la banlieue sud de Beyrouth, pilonnée avec une intensité inégalée depuis le début de des affrontements entre le Hezbollah et Israël, le 8 octobre 2023.
Au petit matin, en divers lieux de Beyrouth, des familles hébétées après avoir fui leur maison, dans la terreur au milieu de la nuit, attendaient de savoir quoi faire. Car, comme le disait un vieil homme et son épouse posés sur un trottoir de Saïfi, dans le centre-ville de Beyrouth : « Personne ne nous aide. L'Etat est aux abonnés absents ».
Nos journalistes sont allés à la rencontre de ces personnes, dont nombre d'entre elles ont dû passer la nuit dehors, notamment sur la place des Martyrs, dans ce centre-ville de Beyrouth, ou encore sur la Corniche ou la plage de Ramlet el-Baïda.
« Nous avons emmené nos petits-enfants à Batroun, puis sommes revenus ici... Nous n'avons nulle part où aller », confie une femme qui a fui le camp de Bourj el-Brajné, dans la banlieue-sud. « On a vu les frappes et cru qu'on allait mourir. On voyait tout, c'était un vrai génocide », dit-elle depuis Saïfi, dans le centre-ville de Beyrouth, où elle a trouvé refuge.
Pour nombre de déplacés, les bombardements de la nuit dernière réveillent les mauvais souvenirs de la guerre de 2006 entre Israël et le Hezbollah. A l'époque, la banlieue sud de Beyrouth avait été littéralement rasée par les bombardements israéliens. Mais pour cette femme qui ne souhaite pas donner son nom, les « dix frappes » qui ont touché, vendredi vers 18h30 le QG du Hezbollah dans la banlieue, étaient d'une intensité bien plus forte que celles de la guerre de 2006. « Il faut fuir, on ne retournera plus là-bas », lance encore cette femme, originaire du Liban-Sud, qui dit n'avoir aucune affiliation politique. Puis elle ajoute : « Le prix de cette guerre est beaucoup trop cher ». Sa fille, qui vient de se marier, renchérit : « Ce qu'il s'est passé hier était comme les images que l'on voyait de gaza. Cette guerre doit se terminer ».
Comme à Gaza, également, l'armée israélienne a lancé de multiples avertissements, hier soir, appelant, cartes à l'appui, les habitants de certains quartier à fuir au plus vite avant des bombardements. S'en sont suivies des scènes terribles de civils fuyant à pied, en voiture, comme ils le pouvaient, leur maison située dans un quartier qui allait finir par être bombardé par Israël.
Mohammad Jomaa est, lui, assis sur un bout de trottoir dans le quartier de Sanayeh. Il y est arrivé après avoir marché une dizaine de kilomètres, depuis son quartier de Laylaké, dans la banlieue sud. Cette zone faisait partie de celles identifiées par l'armée israélienne comme abritant des « armes du Hezbollah » et pour lesquelles des ordres d'évacuation avaient été lancés. Des allégations rejetées par le parti chiite. « Je ne sais pas où aller », affirme-t-il. Non loin de là, des dizaines de famille campent dans les environs du jardin. À l'arrière d'un van, un enfant dort sur un matelas de fortune. Ses parents, sur les sièges avant, sont rivés à leurs téléphones. Depuis l'aube, des déplacés sillonnent le quartier, en voiture, à la recherche d'un abri. Dans l'une d'elle, on peut voir, sur un siège, un petit oiseau en cage.
Sur les trottoirs du centre-ville, l'on voit des familles avec bagages. Certaines n'ont rien. La fuite a été trop rapide.
Assis sur des draps sur un de ces trottoir, les membres d'une famille de Bir Hassan mangent, ce samedi matin, des manakichs distribuées par des volontaires. Ils viennent de Bir Hassan. « On a fui après la première frappe israélienne sur la banlieue sud, qui a eu lieu vers 18h30. Depuis on est à la rue. On n’a rien pris avec nous », explique la mère de famille. « On ne sait pas où on va dormir cette nuit », poursuit-elle. Son mari, lui, est resté à la maison jusqu’à 4h du matin. « Ils frappaient. Tout le monde hurlait dans le quartier », raconte-t-il. « En juillet 2006 (lors de la guerre entre le Hezbollah et Israël), nous avions fui en Syrie. Mais les bombardements de cette nuit étaient pires que ceux de 2006 », ajoute-t-il.
Les bombardements ressemblent « aux bombardements de l’invasion israélienne de Beyrouth en 1982 », estime un autre réfugié de la banlieue sud installé sur la place des Martyrs, dans le centre-ville. « Ils nous ont dit d’évacuer comme si on était des animaux », poursuit-il en référence aux différents messages d'« évacuation immédiate » envoyés par l'armée israélienne vendredi dans la nuit. « Mais à chaque fois que l’on fuyait, de nouvelles bombes nous tombaient dessus », poursuit cet homme qui dit être parti de chez lui à 2h30 du matin.
Interrogé sur le sort du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, il déclare : « Ce n’est pas grave si le Sayyed (Nasrallah) est mort en martyr. Dieu le voulait ». « Israël n’a aucun respect. Nous allons les piétiner, nous serons victorieux », ajoute-t-il. vers 11h, samedi matin, l'armée israéliennes affirmait que Hassan Nasrallah avait été tué dans la frappe de 18h30 sur el Qg du parti. Une source proche du Hezbollah disait ) l'AFP, que le « contact était perdu » depuis vendredi soir avec le secrétaire général du parti.
Et puis, dans le flot des déplacés, il y a aussi beaucoup de Syriens. Une jeune femme, originaire d'Alep, n'a eu le temps d'attraper que quelques vêtements et un bec à gaz, avant de fuir. « On a fui dès la première frappe de la banlieue sud. On était complètement terrorisés. On ne sait pas ce que l’on va faire. Personne n’aide les syriens et on a peur que la guerre ne se développe davantage », ajoute-t-elle.
Sur la place des Martyrs, un homme est assis sous un arbre. Il dit : « Nous venons de la banlieue sud de bBeyrouth. Après les appels israéliens à évacuer, nous sommes partis. Nous sommes venus ici, nous n’avons pas de terre, nous n’avons pas de maison, nous n’avons rien. Nous sommes assis sous cet arbre. Je le répète : le drapeau libanais a un arbre au milieu, nous sommes venus nous cacher sous l’arbre. De tous les responsables libanais, aucun ne nous regarde. Regardez comment les gens sont assis là. Regardez comment les gens vivent »
« Le prix de cette guerre est beaucoup trop cher ». Dans la guerre comme d’ana toute opération, on doit évaluer le rapport profits/pertes. Cette guerre voulue par Nasrallah na rien rapporté, ni au Liban (évidemment!), ni au Hamas, nii même au Hezbollah. Dès lors, pour un bénéfice nul, un seul mort, c’est déjà trop cher, que dire de centaines?
16 h 42, le 28 septembre 2024