Au moment où il mène une guerre, même de soutien, féroce contre les Israéliens, le Hezbollah craint de devoir faire face à des troubles internes. À l'heure où les habitants du Sud ont repris le chemin de l’exode en raison de la violence des bombardements israéliens dans leur région, des voix politiques et autres se sont élevées pour critiquer le Hezbollah et lui demander de fermer le « front de soutien ». C’est peut-être une pure coïncidence ou l’expression d’un malaise populaire au sujet de ce front et face à la perspective de son élargissement, mais c’est peut-être aussi une étape dans un plan visant à mettre le Hezbollah au pied du mur, en prélude à son affaiblissement.
Après avoir plus ou moins évité, notamment après l’escalade israélienne de ces derniers jours, de critiquer trop ouvertement le Hezbollah, des figures politiques ont ainsi décidé de hausser le ton. Cela peut être d’ailleurs totalement justifié par l’intensification et l’élargissement des attaques israéliennes contre plusieurs régions du Liban ainsi que par les menaces d’une invasion terrestre, mais la simultanéité de ces critiques pousse le Hezbollah à se poser des questions.
Alors qu’il est la cible d’attaques meurtrières et qu’il mène une enquête interne au sujet d’éventuelles infiltrations qui d’ailleurs sont exploitées par ses adversaires pour ébranler sa crédibilité auprès de ses partisans, le Hezbollah se demande si cette soudaine vague de critiques est spontanée ou si elle est au contraire orchestrée par des parties étrangères. Il se demande aussi s'il s’agit juste d’un moyen indirect de faire pression sur lui pour qu’il accepte certaines conditions ou bien d’un plan plus vaste.
Ce qui retient son attention en effet, c’est le timing de cette campagne qui intervient au moment où des négociations pour une trêve doivent être menées à New York. Ces pourparlers, menés par les Américains et les Français, devraient en principe porter sur un arrêt des combats de 21 jours, le temps de parvenir à un accord sur une solution en profondeur pour la situation à la frontière sud du Liban. Le Hezbollah et avec lui le Liban officiel insistent pour que l’accord couvre aussi Gaza, mais les Israéliens, ainsi que les Américains, veulent dissocier les deux dossiers. Ils pourraient ainsi tenter d’exercer des pressions sur le Hezbollah pour le faire changer d’avis sur ce dernier point.
Toutefois, le Hezbollah est catégorique sur sa décision de continuer à soutenir le Hamas à Gaza par le biais du front ouvert au sud du Liban. Il considère que toutes les tentatives destinées à le faire changer d’avis sont vouées à l’échec, d’autant qu’après les dernières attaques israéliennes, toute concession de sa part serait interprétée comme une défaite. Il est donc prêt à faire face aux conséquences de cette position, mais ce qui l’inquiéterait, c’est que cette soudaine vague de critiques ne soit le prélude à des troubles internes. Il aura ainsi à affronter, en plus des attaques israéliennes, la fameuse discorde intercommunautaire qui, depuis le coup de force du 7 mai 2008 et les affrontements qui ont suivi, est devenue chez lui une obsession.
Au cours des derniers mois, les proches du Hezbollah considèrent que l’une des plus grandes réalisations de l’ouverture du « front de soutien », c’est justement la consolidation des relations entre les partisans de cette formation et la rue sunnite favorable au Hamas. Cette sorte de « lune de miel » que vivent actuellement les sunnites et les chiites du Liban, unis pour la cause palestinienne, permet au Hezbollah de sentir que ses arrières sont protégés et il peut donc se consacrer totalement au front et à son environnement populaire. D’ailleurs, le fait que de temps à autre, des combattants palestiniens et d’autres de diverses formations sunnites lancent des missiles contre le Nord israélien à partir du Sud est une manière de montrer l’étendue de l’entente et de la coordination qui règnent entre eux et le Hezbollah. De même, l’accueil réservé aux déplacés du Sud dans les régions à majorité sunnite est une preuve de plus des bonnes relations qui existent actuellement. Ce qui porte un coup terrible à toute tentative de déclencher une discorde entre sunnites et chiites. Même après les attaques dites des bipeurs et des talkies-walkies, de nombreux jeunes sunnites, notamment de Tarik Jdidé, se sont précipités pour donner leur sang aux blessés.
Sur le plan de la communauté druze, le Hezbollah peut aussi être tranquille en raison des positions du leader Walid Joumblatt qui a exprimé à plusieurs reprises son soutien à la cause palestinienne et au Hamas en particulier dans cette guerre qui dure depuis plus de 11 mois. Il a aussi pressé, dans de nombreuses déclarations, les habitants de la Montagne à ouvrir leurs portes aux déplacés du Sud et il a multiplié les rencontres dites de réconciliations et de rapprochement avec de nombreux partis dans la Montagne et ailleurs, dans l’objectif déclaré de tuer dans l’œuf toute tentative de discorde interne.
Restent les chrétiens qui, dans la période actuelle, semblent plus difficiles à gérer pour le Hezbollah. Ses relations avec le CPL sont devenues plus compliquées et il ne peut plus compter sur un appui sans faille de la base de ce parti. Certes, le CPL a établi un plan pour aider les déplacés du Sud, mais la sensibilité de sa base n’est plus aussi favorable au Hezbollah. Les autres composantes lui sont par contre en grande partie carrément hostiles et même si leurs leaders ont attendu avant d’exprimer ouvertement leurs critiques, celles-ci étaient déjà dans l’air.
Sur ce plan, il n’y a sans doute aucune nouveauté. Mais des rumeurs ont circulé récemment sur le fait que des parties seraient en train de s’organiser et de s’entraîner en vue d’une confrontation éventuelle avec le Hezbollah. Immédiatement, le spectre de la guerre civile, dans toutes ses étapes, qui a eu lieu entre 1975 et 1990, est réapparu. Bien entendu, les parties concernées nient toute volonté de se lancer dans une nouvelle confrontation armée et affirment que leurs critiques ne sont que l’expression d’une position politique justifiée. De même, des sources militaires bien informées démentent totalement les rumeurs sur une éventuelle militarisation du conflit politique, assurant qu’il n’y a aucune préparation en ce sens. Des affirmations rassurantes en ces temps d’angoisse. L’heure ne serait donc pas à la discorde.
l’ennemi est celui qui nous empêche de vivre comme les autres pays au monde en prospérité paix Qui lance le slogan لاشيء يعلو فوق صوت المعركة
15 h 29, le 28 septembre 2024