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Culture - Entretien

« Beyrouth ne meurt jamais » : Yuksek et son poignant témoignage en photos

Le DJ et musicien, qui s’est produit une dizaine de fois à Beyrouth, revient sous une autre lumière, celle de photographe. Pour son exposition de photo à la biennale d’Aix-en-Provence, il présente une série de diptyques réalisés au Liban en 2023 intitulée « Beirut Ma Bet Mout »*, comme un hommage à la force de vivre des Libanais.

« Beyrouth ne meurt jamais » : Yuksek et son poignant témoignage en photos

Des photos de Yuksek de la série « Beirut Ma Bet Mout » (Beyrouth ne meurt jamais). Avec l’aimable autorisation de l’artiste

Parlez-nous, pour commencer, de votre rapport à Beyrouth.

C’est une histoire qui date d’il y a plus de quinze ans. À l’époque, j’avais été invité par le collectif Decks on the Beach pour jouer à l’une de leurs premières soirées au Sporting Club. J’étais allé à Beyrouth sans rien y connaître et, dans le fond, ce n’était pas anodin que je découvre le Liban aussi tard dans ma vie. C’est là que j’ai rencontré le binôme derrière Decks on the Beach, Olivier Gasnier Duparc et Youssef Harati, qui sont devenus de véritables amis au fil des ans. Grâce à eux et aux autres amitiés qui se sont tissées ces quinze dernières années, j’ai eu des discussions passionnantes qui m’ont permis de comprendre le Liban et de l’aimer. Je ne saurais dire pourquoi, mais Beyrouth, c’est comme nulle part ailleurs. Et c’est sans doute pour cette raison que j’y suis allé me produire au moins une dizaine de fois et que j’y suis revenu, malgré la crise, après 2020.

Yuksek, DJ, musicien et photographe français. Avec l’aimable autorisation de l’artiste

Donc vous avez également témoigné des changements de ces dernières années.

Absolument, mais même depuis toujours, même avant les crises successives que le Liban a subies, ce qui m’avait frappé, c’était cette impression de toujours danser au milieu d’un volcan. Et c’est ce qui donne à Beyrouth et à ses fêtes leur caractère incomparable. La première fois, j’étais arrivé à Beyrouth avec l’imaginaire de la guerre civile, des attentats, et j’étais frappé de voir à quel point les gens avaient cette volonté de vivre et de se relever. Quand je suis revenu en 2022, c’était troublant, mais aussi saisissant, de voir que, malgré tout ce qui avait précédé les trois années avant, cette force de vie était intacte. Bien sûr tout avait été détruit, perdu pour beaucoup, mais il y avait cette énergie fascinante et qui vous porte, qui restait…

C’est pour cette raison que vous avez créé le morceau « Beirut Ma Bet Mout/Beyrouth ne meurt pas », et que vous avez également baptisé votre exposition de photos de la sorte ?

Oui, et je pense que ce slogan fort correspond parfaitement à Beyrouth. Il exprime l’idée que la force de vie l’emporte toujours sur la force de mort. Le Liban ne meurt pas, tout simplement. À chaque coup dur, il y a un retour en arrière, un choc pour les Libanais, mais, à chaque fois, une forme de résilience vient rétablir l’équilibre. Je sais que les Libanais n’aiment pas le mot « résilience », car ils l’associent à une posture victimaire. Mais ici, la résilience à laquelle je rends hommage à travers cette exposition, c’est celle qui montre que, même si les malheurs ne s’arrêtent pas pour les Libanais, rien ne parvient à les empêcher de vivre. Le Liban n’est pas un pays de victimes, et cette série de photos, ainsi que cette exposition, sont ma façon d’honorer cette force de vie extraordinaire.

Des photos de Yuksek de la série « Beirut Ma Bet Mout » (Beyrouth ne meurt jamais). Avec l’aimable autorisation de l’artiste

De la musique à la photo, comment est née cette série, justement ?

J’avais d’abord envisagé de prendre mon nom personnel pour la photographie, mais je crois que ce travail est profondément lié à ma carrière de musicien. C’est cette carrière qui m’a conduit au Liban, au Brésil, au Japon et dans tant d’autres endroits qui me sont chers, où j’ai tissé des liens et où j’éprouve le désir de capter dans l’objectif ce qui m’y attire, ce qui m’y plaît plus qu’ailleurs. J’ai vraiment commencé à photographier durant les temps morts de mes tournées, qui sont nombreux. Je marchais sans but dans les rues, les yeux grands ouverts, cherchant à comprendre ce qui m’entoure. Pour cette première exposition, j’ai composé une bande sonore qui sera diffusée en continu, comme un moyen de lier mes deux médiums. Le morceau Beirut Ma Bet Mout, mais aussi des captures sonores réalisées dans la rue au Liban. En fait, lorsque la biennale d’Aix m’a approché, et que j’ai appris que le Liban en était le thème, tout s’est mis en place naturellement. C’était un rêve pour moi de pouvoir retourner au Liban, mais cette fois-ci avec un regard neuf, à travers le prisme de la photographie, et d’y passer trois semaines sans contrainte ni cahier des charges.

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Comment s’est passée la conception de cette série d’images lors de ce séjour ?

Je suis arrivé à Beyrouth le 7 octobre, et au lieu d’y passer trois semaines, j’ai finalement pu y rester dix jours en raison de la situation. En fait, simplement, j’ai vécu comme un vrai Libanais. Tous les matins, je montais à bord de ma voiture et je conduisais à travers Beyrouth, mais surtout dans le Mont-Liban. J’allais là où mon instinct me portait, sans plan précis. J’avais aussi mon téléphone fixé sur le pare-brise pour réaliser un petit film qui accompagne l’exposition. Je photographiais tout ce que je voyais, et l’idée n’était pas d’adopter un point de vue « exotisant » ou romantique sur le pays, mais plutôt de proposer un regard à la fois extérieur, puisque je ne suis pas libanais, et assez intérieur et éclairé, car j’ai eu le temps, au fil des années, de comprendre le pays. Ce n’est pas un reportage classique, mais plutôt un reportage intime, représentatif de ce qui m’a touché ou a capté mon regard. C’est ma manière de raconter l’histoire du Liban telle que je la ressens.

Des photos de Yuksek de la série « Beirut Ma Bet Mout » (Beyrouth ne meurt jamais). Avec l’aimable autorisation de l’artiste

Pourquoi le choix d’avoir construit cette exposition autour de diptyques ?

En musique comme en photo, je ne réfléchis pas trop, je suis avant tout dans l’instinct. À travers cette série, je voulais simplement montrer ce que je vois et comment je perçois le Liban, loin de tout misérabilisme. L’idée du diptyque s’est imposée d’elle-même, car pour moi, le Liban, c’est comme un clair-obscur. Je me devais de représenter à la fois la part d’ombre et la part de lumière de ce pays. Les diptyques étaient le meilleur moyen d’exposer ces contradictions qui caractérisent le Liban, mais aussi d’exprimer ce que je ressens en étant là-bas. Il y a cette idée d’une peur constante que les Libanais ressentent, mais aussi ce sentiment paradoxal de bien-être, malgré tout.

*« Beirut Ma Bet Mout » de Yuskek à la chapelle des Andrettes, biennale d’Aix-en-Provence, jusqu’au 12 octobre.

Parlez-nous, pour commencer, de votre rapport à Beyrouth.C’est une histoire qui date d’il y a plus de quinze ans. À l’époque, j’avais été invité par le collectif Decks on the Beach pour jouer à l’une de leurs premières soirées au Sporting Club. J’étais allé à Beyrouth sans rien y connaître et, dans le fond, ce n’était pas anodin que je découvre le Liban aussi tard dans ma vie. C’est là que j’ai rencontré le binôme derrière Decks on the Beach, Olivier Gasnier Duparc et Youssef Harati, qui sont devenus de véritables amis au fil des ans. Grâce à eux et aux autres amitiés qui se sont tissées ces quinze dernières années, j’ai eu des discussions passionnantes qui m’ont permis de comprendre le Liban et de l’aimer. Je ne saurais dire pourquoi, mais Beyrouth, c’est comme nulle part ailleurs. Et...
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