« C’est une mise à jour importante, conçue pour que les parents aient l’esprit tranquille », résume Antigone Davis, vice-présidente du groupe californien chargée des enjeux de sûreté.
En pratique les utilisateurs âgés de 13 à 17 ans auront désormais des comptes privés par défaut, avec des garde-fous sur les personnes qui peuvent les contacter et les contenus qu’ils peuvent voir.
Les adolescents de moins de 16 ans qui veulent un profil public et moins de restrictions – parce qu’ils désirent devenir influenceurs, par exemple – devront obtenir la permission de leurs parents. Et ce qu’ils soient déjà inscrits ou nouveaux sur la plateforme.
« C’est un changement fondamental (...) pour nous assurer que nous faisons vraiment les choses bien », souligne la responsable. Les adultes pourront superviser les activités de leurs enfants sur le réseau social et agir en conséquence, y compris en bloquant l’application.
La maison mère de Facebook, Instagram, WhatsApp et Messenger, durcit en outre son règlement sur l’âge.
« Nous savons que les ados peuvent mentir sur leur âge, notamment pour essayer de contourner ces protections », fait remarquer Antigone Davis. Désormais, si un adolescent essaie de modifier sa date de naissance, « nous allons lui demander de prouver son âge ».
Addiction et cyber-harcèlement
La pression monte depuis un an contre le numéro deux mondial de la publicité numérique et ses concurrents. En octobre dernier, une quarantaine d’États américains ont porté plainte contre les plateformes de Meta, leur reprochant de nuire à la « santé mentale et physique de la jeunesse », à cause des risques d’addiction, de cyber-harcèlement ou de troubles de l’alimentation.
De Washington à Canberra, les élus travaillent sur des projets de loi pour mieux protéger les enfants en ligne. L’Australie devrait ainsi bientôt fixer entre 14 et 16 ans l’âge minimal pour utiliser les réseaux sociaux.
Meta refuse pour l’instant de contrôler l’âge de tous ses utilisateurs, au nom du respect de la confidentialité. « Si nous détectons que quelqu’un a certainement menti sur son âge, nous intervenons », indique Antigone Davis, « mais nous ne voulons pas obliger 3 milliards de personnes à fournir une pièce d’identité ».
Selon la dirigeante, il serait plus simple et plus efficace que le contrôle de l’âge ait lieu au niveau du système d’exploitation mobile des smartphones, c’est-à-dire Android (Google) ou iOS (Apple).
« Ils disposent d’informations significatives sur l’âge des utilisateurs », argumente-t-elle, et pourraient donc « les partager avec toutes les applications utilisées par les adolescents ».
Spirales infernales
« Difficile de savoir dans quelle mesure l’annonce d’Instagram va satisfaire les autorités », a réagi Casey Newton, auteur de la newsletter spécialisée Platformer.
L’inquiétude a pris des proportions telles que le médecin-chef des États-Unis a récemment appelé à obliger les réseaux sociaux à afficher des informations sur les dangers courus par les mineurs, comme les messages de prévention sur les paquets de cigarettes.
« Instagram crée une dépendance. L’appli conduit les enfants dans des spirales infernales, où on leur montre non pas ce qu’ils veulent voir, mais ce dont ils ne peuvent pas détourner le regard », estime Matthew Bergman.
Cet avocat a fondé en 2021 une organisation pour défendre les « victimes des réseaux sociaux » en justice. Elle représente notamment 200 parents dont un enfant s’est suicidé « après y avoir été encouragé par des vidéos recommandées par Instagram ou TikTok ».
Matthew Bergman cite aussi les nombreux dossiers où des jeunes filles ont développé des troubles alimentaires graves. Meta empêche déjà la promotion de régimes extrêmes sur ses plateformes, entre autres mesures prises ces dernières années.
« Ce sont des petits pas, dans la bonne direction, mais il y a tellement plus à faire », juge l’avocat. Il suffirait selon lui que les groupes rendent leurs plateformes moins addictives – « et donc un peu moins rentables » – sans perdre leurs qualités pour les utilisateurs, pour communiquer ou explorer des centres d’intérêt.
Auditionné par le Congrès fin janvier, le patron de Meta Mark Zuckerberg avait présenté de rares excuses aux parents de victimes, se disant « désolé pour tout ce que vous avez vécu ».
Julie JAMMOT/AFP