C’est un discours sans surprises qu’a prononcé jeudi le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah. Malgré les explosions sanglantes qui ont secoué le Liban ces derniers jours, faisant 37 morts et des milliers de blessés, le chef du Hezbollah a puisé dans son registre classique lors de cette allocution, décidée à la dernière minute puisqu’il comptait initialement « attendre le premier anniversaire du 7 octobre » avant d’apparaître de nouveau sur les écrans. « Ce qui m’a poussé à parler aujourd’hui, ce sont les événements qui se sont déroulés au cours des deux derniers jours, et cela requiert des paroles, une évaluation et une prise de position », a-t-il lancé. Dans ce cadre, il a estimé que l’opération de sabotage israélienne, qui a provoqué l’explosion de milliers d’appareils de télécommunication sans fil (bipeurs et talkies-walkies) utilisés par les membres du Hezb, était non seulement « une agression majeure et sans précédent » mais aussi un « coup dur » pour le parti. Il a toutefois estimé que malgré la supériorité technologique qu’il a démontré, Israël n’a réussi à réaliser aucun de ses trois objectifs à travers cette opération.
« Toi, Netanyahu »
Selon le chef du Hezbollah, Israël avait d’abord pour objectif d’exercer une pression sur le mouvement pour l’inciter à fermer le « front de soutien » au Hamas, ouvert le 8 octobre dernier dans le cadre de « l’unité des fronts » voulue par l’Iran, dont le parti chiite est l’obligé. Depuis, des dizaines de milliers d’Israéliens ont dû évacuer le Nord, sans perspective de retour avant la fermeture de ce front. Une pression financière, politique et populaire dont le gouvernement du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu se passerait volontiers. « Israël a violé toutes les lois et lignes rouges, sans égard pour quoi que ce soit, ni sur le plan humanitaire ni sur le plan éthique, et a essayé de tuer 5 000 hommes en moins de deux minutes, a martelé le dignitaire chiite. Mais nous disons à l’ennemi que le front libanais ne s’arrêtera pas avant la fin de la guerre à Gaza ! Cela fait bientôt 12 mois que nous le disons. Malgré tous ces massacres, je le dis : quels que soient les obstacles et les sacrifices, la résistance au Liban n’arrêtera pas son soutien à Gaza, à la Cisjordanie et à la Palestine. » Le chef du Hezbollah a même considéré que son « front de soutien » était l’une des principales cartes de négociation dont dispose le Hamas dans les pourparlers avec Israël pour un cessez-le-feu dans l’enclave palestinienne. Il a également réitéré que l’arrêt de la guerre à Gaza était « la seule solution » pour permettre le repeuplement des localités frontalières avec le Liban. Interpellant le chef du gouvernement israélien, il a lancé : « Toi, Netanyahu, tu penses vraiment pouvoir les ramener par la force ? »
Deuxième objectif « déjoué » par le Hezbollah selon Nasrallah : affaiblir le soutien populaire à la « résistance ». « Ils voulaient que notre peuple nous dise “assez” et nous pousse à reculer, a affirmé le chef de la formation. Sauf qu’au final, même les blessés manifestent leur force et leur envie de retourner sur le terrain une fois rétablis. Et ça, c’est déjà une riposte à l’ennemi. » Il a remercié dans ce contexte le peuple libanais pour la « solidarité, loin de la politique », dont il a fait preuve avec les victimes, évoquant « la plus grande campagne de don de sang de l’histoire du Liban ». Après la première vague d’explosions mardi, les opposants au groupe chiite, tels que le chef des Forces libanaises Samir Geagea, avaient exprimé leur compassion avec les milliers de victimes et affirmé que « ce n’était pas le moment de parler politique ». De même, des images de jeunes hommes attendant leur tour pour faire un don de sang devant un hôpital du quartier sunnite de Tarik Jdidé à Beyrouth, théâtre d’affrontements entre cette communauté et le Hezb une vingtaine d’années plus tôt, ont fortement circulé. « Nous remercions le gouvernement libanais, le ministère de la Santé, les hôpitaux, les centres de santé, les institutions de soins de santé, les médecins et les infirmiers », a dans ce cadre dit Nasrallah. S’il a également tenu à remercier des « pays amis » qui ont fourni des aides et exprimé leur solidarité avec le Liban, il n’a mentionné que ceux positionnés dans l’axe pro-iranien (l’Iran, l’Irak et la Syrie), omettant d’autres États du camp adverse, comme la Jordanie ou l’Égypte.
Enfin, Israël viserait également à frapper la « structure » du parti en assassinant des responsables. « L’ennemi sait que ce qu’il a fait n’ébranle ni notre organisation, ni notre force, ni notre détermination. Au contraire, cela nous renforce davantage », a-t-il toutefois tenu à « rassurer ceux qui en doutaient ». Il a d’ailleurs révélé que les hauts commandants du Hezbollah disposaient de modèles de bipeurs « anciens » qu’Israël n’aurait pas réussi à piéger. « Nous ne tomberons pas. Nous deviendrons plus forts et nous nous préparerons à affronter pire », a-t-il scandé.
« Votre enfer »
Concernant l’avenir du front de soutien après cette opération de sabotage et les menaces que les dirigeants israéliens ne cessent de répéter, Hassan Nasrallah a évoqué plusieurs hypothèses. « Certains parlent d’une escalade militaire, d’autres de journées de combat, voire d’une guerre », a-t-il dit. Et d’estimer : « Toutefois, le scénario d’une guerre totale est exagéré. » Partant, il a prévenu Tel-Aviv contre toute tentative de mener une opération terrestre au Liban. « Le commandant de la région nord, un imbécile, a proposé de créer une zone de sécurité. Soyez les bienvenus, nous souhaitons vraiment que vous mettiez un pied au Liban, a-t-il ironisé. Car ce que vous considérez comme une menace est pour nous une opportunité. Le Liban-Sud sera pour vous un piège, un gouffre et un enfer. » Le leader chiite a de surcroît souligné qu’une zone tampon au Liban-Sud ne signifierait pas un arrêt des bombardements contre le nord d’Israël, et donc un retour des habitants dans leurs villes et villages. « Nous dirigerons nos attaques sur les deux fronts », a-t-il promis, dans une tentative d’intimider Israël, mais aussi de rassurer sa base populaire face à la perspective d’un retour de l’occupation israélienne au Liban-Sud, 24 ans après la libération.
Enfin, concernant la riposte de son parti aux « massacres » perpétrés par Israël, le chef du Hezbollah s’est montré évasif (encore plus que d’habitude). Une façon de gagner du temps et d’éviter une riposte brutale qui pourrait conduire la région dans l’inconnu. « Il ne fait aucun doute qu’un châtiment sévère suivra l’agression, là où les Israéliens s’y attendent et là où ils ne s’y attendent pas », a-t-il commencé par dire, comme il le fait à chaque fois. La formation pro-iranienne a besoin de riposter à ces opérations pour sauver ce qui reste de sa capacité de dissuasion, notamment après l’échec apparent de sa réponse après l’assassinat de son chef militaire Fouad Chokor. Et de toutefois préciser : « Permettez-moi de changer de méthode : je ne parlerai pas du moment ni du lieu de la riposte. Personne ne le saura que le moment venu, à part le cercle le plus restreint du commandement. » Ce dernier point semble refléter un sentiment de suspicion au sein du parti chiite, clairement pénétré par Israël. Le niveau de confidentialité évoqué pourrait aussi signifier que la riposte du Hezbollah sera de nature sécuritaire plutôt que militaire. D’abord parce que le Hezb veut montrer qu’il est capable de rendre la pareille aux Israéliens, malgré leur supériorité technologique. Ensuite, parce que l’option d’une attaque puissante pourrait offrir à Benjamin Netanyahu le parfait prétexte pour lancer une guerre totale contre le Liban. Un scénario que le parti semble redouter, quand bien même il a qualifié les opérations israéliennes de mardi et mercredi de « déclaration de guerre ».
Israël a échoué, ha ha ha , pauvre Hassouna
20 h 06, le 20 septembre 2024