Alors que le Liban était toujours sous le choc des explosions de bipeurs de membres du Hezbollah le mardi 17 septembre, ayant fait 12 tués et quelque 2 800 blessés, de nouvelles détonations ont été entendues vers 17 h mercredi, dans diverses régions libanaises. Cette fois, des talkies-walkies de responsables du parti chiite étaient visés.
Vers 12, un communiqué du ministère de la Santé a fait état d'un bilan de 20 morts et 450 blessés. Des informations collectées par notre correspondante dans la Békaa et par l’Agence nationale de l’information (ANI, officielle), avaient déjà fait état de trois morts à Sohmor, un village de la Békaa-Ouest. Une autre personne a été tuée à Bint Jbeil, dans le chef-lieu du caza du même nom, ont indiqué des habitants à notre correspondant au Liban-Sud.
En soirée, le Premier ministre sortant Nagib Mikati, qui avait suivi la nouvelle vague d’attentats depuis le ministère de la Santé, a assuré que cette seconde vague en deux jours au Liban était « terminée » et qu'il n'y avait pas de nouvelles arrivées dans les hôpitaux.
Le Haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, a condamné « les attaques qui mettent en péril la sécurité et la stabilité du Liban et augmentent le risque d'escalade dans la région », qualifiant la situation de « préoccupante ». De son côté, le ministre libanais sortant des Affaires étrangères, Abdallah Bou Habib, a estimé que l'attaque aux bipeurs attribuée au Hezbollah augure une escalade de la guerre, en référence à la première vague d'explosions. « Après les bipeurs, ce sont désormais les talkies-walkies », a-t-il ajouté, soulignant l'évolution de la situation.
Après les bipeurs, les talkies-walkies
Selon une source de sécurité et des témoins cités par l'agence Reuters, ce sont des appareils de communication plus récents utilisés par le Hezbollah qui ont explosé cette fois-ci, au Liban-Sud et la banlieue sud de Beyrouth. Il s’agirait de talkies-walkies employés par les membres du Hezbollah pour communiquer entre eux. Le parti avait acheté ces radios portables il y a cinq mois, à peu près au même moment que les bipeurs qui ont explosé la veille, indique une source sécuritaire à Reuters.
Selon la chaîne américaine CNN, citant une source de sécurité, ces talkies-walkies sont surtout utilisés par des personnes chargées de rassemblements. Les explosions de mercredi ont été provoquées par des batteries piégées, importées par le Hezbollah il y a deux semaines, selon le quotidien israélien Haaretz.
Les détonations ne se sont apparemment pas limitées aux appareils de communications. Selon l’ANI, des systèmes de panneaux solaires dans plusieurs régions de Beyrouth ont également explosé en même temps que les appareils du Hezbollah.
Les attaques de mardi et mercredi contre des membres du Hezbollah à travers leurs appareils de communication ne sont pas passées par le réseau officiel. « Nous n'avons enregistré aucune violation du réseau national par l'ennemi (israélien) ni par toute autre partie », a affirmé l'opérateur public chargé de gérer la téléphonie et l'internet fixes au Liban, Ogero, mercredi. « Nos équipes techniques travaillent 24 heures sur 24 pour protéger le réseau national », ajoute l’opérateur dans un message sur X, assurant que ces attaques « n'ont pas touché au réseau national ».
Dans ce contexte tendu, l'armée libanaise a appelé les habitants à ne pas se rassembler dans les lieux où surviennent « des incidents sécuritaires » afin de faciliter le passage des équipes médicales. La Défense civile, de son côté, a déclaré que son personnel a éteint les incendies qui se sont déclarés dans 60 maisons et magasins (y compris un magasin de piles au lithium à Majdel Selm), 15 voitures et des dizaines de motos à la suite de l'explosion de radios et de deux dispositifs de prise d'empreintes digitales dans plusieurs zones du gouvernorat de Nabatiyé.
Pour sa part, le ministre sortant de l'Intérieur, Bassam Maoulaoui, a donné des directives à la direction générale des Forces de sécurité intérieure (FSI) et aux autres agences de sécurité pour que leurs effectifs restent prêts à aider la population et les services d’urgence dans toutes les régions du pays, selon un communiqué officiel.
Réunion du Conseil de sécurité de l'ONU
Les réactions internationales aux attaques de mardi et mercredi n’ont pas tardé. Le Conseil de sécurité de l'ONU se réunira vendredi à 15h, heure de New York (22 heures, heure de Beyrouth), pour discuter des explosions qui ont visé des dispositifs de communication au Liban. Le gouvernement allemand a, pour sa part, suspendu les permis d'exportation d'armes du pays vers Israël, selon une source proche du ministère allemand de l'Économie contactée par Reuters. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a appelé le Premier ministre Mikati pour lui exprimer sa solidarité.
Alors que le Hezbollah n’avait toujours pas publié de communiqué sur cette nouvelle vague d’explosions en soirée, Hachem Safieddine, chef de son conseil exécutif, a affirmé que le parti chiite est confronté à « une nouvelle phase » et que « le châtiment (contre Israël, auteur présumé de ces attaques, NDLR) arrivera », rapporte Reuters.
Côté israélien, le ministre de la Défense Yoav Gallant a déclaré mercredi, selon le Haaretz : « Nous entrons dans une nouvelle phase de la guerre », alors que les forces armées se déplacent vers la frontière libanaise.
Un engin explosif devant l’AUB
La seconde vague d’explosions a commencé à Beyrouth, avec une première détonation survenue lors des funérailles du fils du député Ali Ammar, Mehdi, à Ghobeiri, dans la banlieue sud de Beyrouth, tué dans les explosions de mardi, selon nos journalistes.
Ailleurs dans la capitale, un correspondant du quotidien an-Nahar a rapporté qu’un « engin » a explosé dans une voiture devant l'hôpital de l'AUB, le centre médical rattaché à l'Université américaine de Beyrouth, qui a accueilli de nombreuses victimes depuis la veille. Selon notre journaliste Mohammad Yassine qui s’est rendu sur place, les forces de sécurité ont fait exploser en soirée un autre engin qui n'avait pas détonné.
La plaine de la Békaa a été particulièrement touchée par cette vague d’explosions. À Baalbeck (Békaa Nord), une explosion s'est produite dans une voiture conduite par un ressortissant syrien, qui s'en est sorti indemne. Des colonnes de fumée ont été vues à Hermel, également dans la Békaa Nord.
Dans le village de Libbaya, dans la Békaa occidentale, plusieurs personnes ont été blessées suite à l'explosion de radios.
Au Liban-Sud, selon des témoins cités par notre correspondant, sept personnes ont été blessées, dont une grièvement, dans la localité de Bint Jbeil à la suite d'explosions survenues à l'intérieur de maisons et de voitures. Quatre personnes ont été légèrement blessées dans l'explosion d'une voiture à Jdeidet Marjeyoun (caza de Marjeyoun).
Dans le caza de Tyr, quatre voitures ont pris feu à Abbassiyé suite à des explosions, faisant trois blessés, une maison a brûlé dans le village de Toura et deux à Tayr Debba, et des détonations ont été entendues à Srifa.
Une source de l'association des scouts de Risala, affiliée au mouvement chiite Amal, a déclaré à notre correspondant que ses membres ont éteint plus de 15 incendies causés par des explosions dans des maisons et des voitures. L'association aurait par ailleurs transporté plus de 60 blessés vers les hôpitaux de Tyr et de Saïda.
Une forte explosion s'est par ailleurs produite dans le bureau de Mohammad Kanso, directeur du bureau du député du mouvement Amal Hani Kobeissy, dans le village de Doueir (caza de Nabatiyé), causant d’importants dégâts mais sans faire de victimes.
Le caza de Jezzine n’a pas été épargné. Deux personnes ont été blessées à Kfar Houné, selon des habitants. Du côté de la localité de Marjeyoun, des explosions ont fait quatre blessés légers. Des explosions ont également été entendues dans les villages de Sarafand, Ghaziyé, Kharayeb (caza de Saïda, au Liban-Sud) et Kfarjoz (Nabatiyé).