L’explosion simultanée de milliers de bipeurs du Hezbollah fait douze morts et plus de 3 000 blessés

De la banlieue sud de Beyrouth jusqu’aux villages frontaliers du Liban-Sud, en passant par la Békaa, ils sont des milliers de membres du Hezbollah à avoir été blessés dans l’explosion simultanée d’un dispositif de télécommunication d’une autre époque : les bipeurs. Il s’agit, selon un responsable du parti chiite cité sous couvert d’anonymat par l’agence Reuters, de « la plus grande faille sécuritaire à ce jour » subie par le Hezbollah. Ces explosions, survenues mardi peu après 15h, suite à un « piratage israélien », selon une source proche du parti à l’AFP, ont fait douze morts et blessé plus de 3 000 personnes.

Une fillette de dix ans, des « responsables » du Hezbollah

Parmi les victimes, on dénombre principalement des actifs au parti chiite, les seuls au Liban à disposer de bipeurs en raison des craintes sécuritaires liées aux téléphones portables : notamment le fils du député Ali Ammar, Mahdi. Si une annonce a été faite mardi en soirée selon laquelle le fils du député Hassan Fadlallah avait également été tué, l’information a été démentie par ce dernier. Son fils serait toutefois gravement blessé, selon certains médias locaux. Selon le quotidien israélien Haaretz, qui cite la presse saoudienne, de hauts responsables du Hezbollah auraient été blessés dans les explosions, une information que le parti chiite n’a pas évoquée dans ses communiqués. Une fillette de dix ans qui se trouvait chez elle à Saraïne, dans la Békaa, a également été tuée dans l’explosion d’un bipeur à l’intérieur de la maison où elle se trouvait, selon notre correspondante Sarah Abdallah.

L’ambassadeur d’Iran au Liban, Mojtaba Amani, a confirmé en soirée sur le réseau X avoir été « légèrement blessé » dans l’explosion de son bipeur et que son « état général était bon ». Le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah n’a, lui, pas été atteint, selon un responsable du parti cité par Reuters.

Ces bipeurs, qui étaient surtout utilisés dans les années 90 et le sont toujours, notamment par le personnel hospitalier, sont de petits appareils de télécommunication sans fil. Contrairement aux téléphones portables, ils sont difficiles à tracer et fonctionnent dans des zones où la couverture téléphonique est limitée. Ces appareils ne nécessitent pas de carte SIM ou de connexion internet, ce qui rend leur localisation et surveillance plus difficiles. Constitués d’un petit écran, les appareils qui ont explosé seraient « le dernier modèle » introduit par le Hezbollah au cours des derniers mois. Certains de leurs propriétaires auraient ressenti que l’appareil surchauffait et l’ont jeté, avant qu’il n’explose.

Les hôpitaux en « alerte maximale »

Dans les hôpitaux surchargés, mis en « état d’alerte maximale » par le ministère de la Santé, les victimes ont perdu soit quelques phalanges, soit souffraient d’une plaie béante au niveau de l’abdomen. Autour des établissements de santé, les ambulances vont et viennent, sirènes à fond, pendant que des proches des victimes se pressent aux alentours, ont pu observer nos journalistes.

Le Dr Hassan Wazni, directeur de l’hôpital Nabih Berry de Nabatiyé où ont été accueillis 47 blessés graves, décrit une scène d’horreur. « Tous les blessés sont arrivés en même temps, la plupart étaient blessés au visage et aux mains, certains au ventre ; il a fallu faire des scanners, radios et examens avant de les opérer dans l’urgence absolue », explique-t-il à notre journaliste Emmanuel Haddad, tandis que les appels à faire des dons de sang se succèdent sur les réseaux sociaux. Selon le ministère, les victimes seront soignées aux frais de l’État. La Croix-Rouge libanaise et la Défense civile se sont également mobilisées intensivement pour transporter les blessés et assurer les unités de sang nécessaires. 

Interrogé par L’Orient-Le Jour, le directeur de l’hôpital Sainte-Thérèse, dans la banlieue sud de Beyrouth, a affirmé que les établissements hospitaliers étaient « prêts » à faire face à un tel afflux de blessés, grâce notamment aux mesures prises ces derniers mois par le ministère, mais que du matériel supplémentaire restait nécessaire.

En Syrie aussi

Et le Liban n’est pas le seul à avoir été visé par ces attaques. L’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), une ONG syrienne basée à Londres et proche de l’opposition, indique qu’un « certain nombre de membres du Hezbollah », mobilisé en territoire syrien aux côtés des forces du régime, ont été hospitalisés à Damas après l’explosion d’appareils radio qu’ils transportaient. Un talkie-walkie aurait explosé à l’intérieur d’une voiture qui circulait sur une route près du quartier de Kafr Sousa à Damas.

Si Israël n’a jusqu’à présent revendiqué aucune opération, et que le Hezbollah avait initialement omis de mentionner l’État hébreu dans un premier communiqué publié une heure après la frappe, le parti chiite a finalement accusé peu après Israël d’être responsable de cette attaque, décrite par un journaliste anti-Hezbollah comme le « 11-Septembre libanais », et promis d’infliger un « juste châtiment » en riposte. De son côté, Washington a assuré ne pas avoir été tenu au courant à l’avance de cette opération israélienne. 

Les explosions de bipeurs sont survenues alors que les frappes israéliennes n’ont pas connu de répit le long de la ligne bleue, faisant au moins cinq morts : trois dans un raid aérien sur Blida, deux combattants du Hezbollah et un du Jihad islamique, et deux dans un tir sur Majdel Selm, selon le ministère de la Santé.