Il n’en est pas à son coup d’essai. D’après un rapport d’Axios publié lundi 9 septembre, Israël a lancé une large offensive diplomatique aux États-Unis visant à inciter l'Afrique du Sud à retirer la plainte déposée en décembre dernier contre l’État hébreu devant la Cour internationale de justice (CIJ), pour violations présumées de la Convention sur le génocide. Particulièrement ciblés, les membres du Congrès américain, que Tel-Aviv espère convaincre afin de menacer Pretoria de conséquences en cas de maintien de sa requête.
Un « lourd prix à payer »
Selon le câble diplomatique confidentiel consulté par le média américain, le ministère israélien des Affaires étrangères a appelé ses diplomates à approcher les législateurs et gouverneurs américains, ainsi que les organisations juives aux États-Unis, en vue de faire pression sur l'Afrique du Sud, menaçant d’un « lourd prix à payer » si cette dernière poursuivait ses actions. L’État hébreu aurait ainsi poussé pour faire voter au niveau fédéral et étatique des législations contre le pays, ainsi que tenir des audiences sur la politique sud-africaine à son égard. Le tout, en maximisant la couverture médiatique de leurs efforts sur le sol américain. Reste qu’il est peu probable que les États-Unis exercent une forte pression sur Pretoria, alors que Washington souhaite éviter une montée de l'influence chinoise et russe dans le pays.
Alors que l’Afrique du Sud a jusqu’au 28 octobre pour présenter ses arguments écrits à la CIJ, Israël compte aussi sur le récent changement de gouvernement à Pretoria pour atteindre son objectif. Pour la première fois depuis 30 ans de règne, le parti de Nelson Mandela, le Congrès national africain (ANC), a dû former une coalition avec des partis nationalistes et de centre droit pour se maintenir au pouvoir. Si l’ANC a affirmé qu'il poursuivrait son recours devant la CIJ, certains de ses partenaires, plus favorables à Israël, pourraient plaider pour une rhétorique plus modérée. La plainte sud-africaine a porté un coup à la réputation d’Israël sur la scène internationale, alors que la Convention contre le génocide avait été portée en 1948 par l’État hébreu après l’Holocauste.
Revenant sur plus de 76 ans d’occupation, Pretoria accuse Israël de mener des actions « génocidaires » avec l'intention de « détruire une partie substantielle du groupe national, racial et ethnique palestinien ». Déposée moins de trois mois après le début de la guerre à Gaza, la plainte visait en outre à réclamer des mesures conservatoires urgentes pour freiner voire arrêter l’offensive israélienne contre l’enclave palestinienne. Alors que le conflit est entré dans son douzième mois, plus de 41 000 Palestiniens ont été tués, des femmes et des enfants pour la plupart, selon le ministère de la Santé de Gaza, tandis qu’Israël a été accusé de cibler des écoles, des hôpitaux, des mosquées ou encore des refuges pour déplacés.
Moyens israéliens de pression, d'intimidation et de surveillance
Bien que la cour onusienne n’ait pas encore examiné le fond de la plainte, un processus qui prend souvent des années, elle a ordonné en janvier de premières mesures provisoires au vu du « risque plausible » qu’un génocide soit commis. Selon celles-ci, Israël devrait protéger les civils à Gaza, réprimer toute incitation publique au génocide et permettre l'acheminement de l'aide humanitaire. En mai, une deuxième série de mesures a ordonné la suspension de toute opération militaire à Rafah, alors que plus d’un million de déplacés se trouvait dans cette ville à la frontière égyptienne. Faute de mécanisme d’application, ces mesures, pourtant contraignantes, semblent avoir été largement ignorées par le gouvernement israélien. L’État hébreu a pour sa part rejeté les accusations lui reprochant de commettre des actes « génocidaires », dénonçant l’initiative sud-africaine comme de l’antisémitisme et du « terrorisme diplomatique ». Dans une autre affaire, l'occupation israélienne a été déclarée en juillet dernier « illicite » par La Haye.
S’il n’est pas sûr que la campagne diplomatique israélienne porte ses fruits, des efforts passés d’intimidation et de surveillance au cours d’enquêtes de la justice internationale ont pu jouer à l’avantage d’Israël. Les services de renseignements israéliens se sont ainsi déjà livrés à des opérations de pression et d’espionnage contre des représentants de la Cour pénale internationale (CPI), qui juge des individus plutôt que des États, après que celle-ci a lancé une investigation sur les crimes israéliens en Palestine. Une compétence qui s’est ouverte à la Cour suite à la reconnaissance de l’État de Palestine comme membre de la CPI en janvier 2015, permettant aussi à cette dernière d’enquêter sur les crimes commis par des ressortissants palestiniens. Selon une enquête menée par The Guardian et le magazine israélien +972, le Premier ministre Benjamin Netanyahu aurait personnellement supervisé des opérations de renseignement visant notamment l’ancienne procureure Fatou Bensouda. De quoi permettre à Israël d’avoir toujours une longueur d’avance sur les enquêteurs.
Et les tentatives d’intimidation continuent depuis que l’actuel procureur Karim Khan a demandé à la Cour d’émettre des mandats d’arrêt à l'encontre de Benjamin Netanyahu et de son ministre de la Défense Yoav Gallant, ainsi qu’à l’encontre de trois responsables du Hamas. Après l’annonce du procureur, plusieurs sénateurs républicains américains avaient menacé la CPI de « graves conséquences » si elle poursuivait ses efforts pour juger des hauts responsables israéliens.
L'Afrique du Sud aurait deja du presenter les preuves au Tribunal. Sans preuve, rien n'est fait.
17 h 02, le 11 septembre 2024