« Franchement, qui regarde ? » : si les sportifs chinois survolent les Jeux paralympiques de Paris, avec 94 médailles d’or, très loin devant les autres nations, ils génèrent pourtant un intérêt médiatique et populaire limité en Chine.
Pas d’écrans géants en vue dans les lieux publics, les épreuves ne suscitent quasiment pas de discussions entre amis ni sur les réseaux sociaux et rares sont ceux qui pourraient citer le nom d’un seul champion paralympique chinois.
Et pourtant, la Chine a écrasé littéralement la compétition lors de ces Jeux en décrochant 220 médailles (94 d’or, 76 d’argent, 50 de bronze), avec un Royaume-Uni et des États-Unis qui ne sont que de lointains poursuivants, à plusieurs dizaines d’unités derrière.
« Je me souviens avoir écrit un article en 2014, il y a 10 ans, lors des Jeux paralympiques d’hiver, qui déplorait le fait qu’ils ne bénéficiaient alors pratiquement d’aucune couverture en Chine », déclare Mark Dreyer, analyste spécialisé dans le sport et basé à Pékin.
« La couverture médiatique est meilleure aujourd’hui. Mais sur les sites d’information chinois ces derniers jours, les sports paralympiques sont plus ou moins relégués au second plan. Il y a bien un article çà et là, mais pas grand-chose. »
« Chirurgie esthétique »
Détentrice des droits, la télévision publique chinoise CCTV, sur ses deux chaînes de sport gratuites, a diffusé de nombreuses épreuves en direct. Avec un dispositif toutefois modeste comparé aux Jeux olympiques malgré les succès très prévisibles des sportifs chinois, qui dominent les Paralympiques depuis Athènes en 2004.
« Franchement, qui regarde ? » s’interrogeait un utilisateur du réseau social Weibo, au diapason de nombreux autres peu intéressés par les épreuves.
Les défaites des footballeurs face au Japon (7-0), en match de qualifications pour la prochaine Coupe du monde en 2026, ou l’élimination de la championne olympique de tennis Zheng Qinwen en quarts de finale à l’US Open ont suscité bien plus d’intérêt.
À l’inverse, la septième médaille d’or de la jeune para-nageuse Yuyan Jiang, 19 ans et athlète la plus titrée des Jeux, n’a pas rencontré un grand écho.
« La Chine a de superperformances à ces Paralympiques. Alors pourquoi l’intérêt est-il si faible ? Quand c’est une célébrité du cinéma ou de la chanson qui se fait refaire le visage par chirurgie esthétique, là tout le monde en parle... » déplorait toutefois un autre.
Si la presse chinoise parle des succès chinois aux Paralympiques, ce qui suscite généralement les félicitations des internautes envers leurs champions, il s’agit souvent de comptes rendus factuels, sans particulièrement mettre en lumière de potentielles stars susceptibles de soulever l’enthousiasme des foules.
Comme par exemple a pu le faire le Brésil avec Gabriel dos Santos Araujo, dit « Gabrielzinho », ce nageur sans bras devenu un des chouchous des Jeux.
« Il faut du temps »
« Les grands médias officiels chinois ne s’intéressent pas trop » aux Paralympiques, résume un utilisateur de Weibo. Si c’était le cas, les réseaux sociaux – qui souvent en Chine orientent l’opinion publique en diffusant et recommandant des informations validées par les organes de presse étatiques – auraient contribué à ce que les internautes reçoivent passivement les informations sur les Paralympiques. « Alors que là, si tu veux des infos, faut vraiment aller les chercher », estime cet internaute.
Samedi, au moment où les épreuves n’avaient pas encore commencé à Paris, plutôt que des images des Paralympiques, CCTV préférait rediffuser un meeting d’athlétisme datant de fin août ou un match, vieux de plusieurs semaines, du pongiste français Félix Lebrun aux JO.
Dans les rues, les visages des stars chinoises au JO sont toujours placardés sur les panneaux d’affichage dans tout le pays, contrairement à leurs homologues paralympiques.
« Il faut du temps » pour susciter l’intérêt pour le parasport, souligne Mark Dreyer, d’autant plus que les personnes ayant un handicap sont encore peu visibles en Chine et faiblement intégrées au marché du travail.
« Je me souviens qu’au Royaume-Uni, il y a quelques années, (la télévision publique) Channel 4 n’avait diffusé qu’une seule heure de programme pour l’ensemble des Jeux paralympiques. Aujourd’hui, ils ont des heures et des heures de couverture en direct. »
Source : AFP