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Nos Lecteurs ont la Parole

Réponse au discours de Geagea


Geagea : « L’après-guerre ne sera pas au Hezbollah. »

Malheureusement, comme l’avant-guerre était au Hezbollah, ainsi que la guerre, l’après-guerre le sera, et ce quelle que soit l’issue de cette guerre.

Si le parti chiite en sort perdant, il renforcera sa mainmise sur le Liban, par esprit de revanche compensatoire.

Et s’il en sort gagnant, il gagnera en domination à la faveur d’une autre « victoire divine ». Vous ne pouvez absolument rien dicter par les voies politique, démocratique ou diplomatique parce que nous vivons dans une jungle où « la raison du plus fort est toujours la meilleure », selon la fable de La Fontaine.

Nasrallah pourrait très bien reprendre la question de Staline à propos du pape de son époque et demander : « Geagea, combien de divisions ? » En effet, vos divisions, vous les avez naïvement dissoutes en application de l’accord de Taëf qui était d’ailleurs étrangement absent de votre discours à la messe annuelle en l’honneur des martyrs des Forces libanaises.

Pour avoir livré unilatéralement vos armes – et en présence de l’occupant syrien – vos partisans et vous-même en avez payé le prix exorbitant en détention, persécutions, humiliations, tortures et annihilation, outre la déprime chrétienne en général.

Vous aviez délaissé le « droit du plus fort » pour un droit constitutionnel sans État indépendant pour l’exercer, lequel a donné le droit à toutes les formations de la soi-disant « résistance à l’ennemi sioniste », aujourd’hui regroupées sous le label « moumanaa », de conserver leurs armes pour mettre le pays et ses institutions sous leur coupe et sous la domination de la force tutélaire, hier syrienne, aujourd’hui iranienne.

Face au monopole des armes du camp adverse (Hezbollah, Amal, Jamaa islamiya, PSNS, etc.), vous n’avez que le verbe, et vous n’êtes pas le bon Dieu pour dire : « Que la lumière soit, et la lumière fut »...ou que l’après-guerre ne soit pas au Hezbollah.

Geagea : « À la fin de la guerre, tout le monde se sentira obligé de soutenir notre vision de la création de l’État, car tout le monde veut la stabilité du Liban, qui constitue une garantie pour tous, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. »

Sur quelles données probantes, passées ou présentes, basez-vous cette affirmation ? Qui vous dit que l’adversaire, à la fin de la guerre, armé et face à vous qui êtes désarmé, fût-il défait ou victorieux, se sentira obligé d’adopter votre vision de l’État libanais ? Pourquoi n’imposerait-il pas sa propre vision de la république ? Par la force de ses armes ? Pourquoi ferait-il des concessions à un vis-à-vis qui ne sait et ne peut que discourir ? Et qui vous dit que votre adversaire cherche la stabilité du Liban ? Vous savez fort bien que c’est, au contraire, son instabilité qui le nourrit et le fortifie !

Geagea : « Ça nous fait de la peine de voir nos frères et nos partenaires dans ce pays mourir. »

Ça me fait de la peine aussi, mais pourquoi faut-il que l’on soit toujours aussi compatissants et conciliants, que l’on donne l’impression de vouloir plaire à nos ravisseurs qui, eux, ne se gênaient pas de distribuer, en pleine rue, des « baklawa » lorsque nos meilleures gens se faisaient assassiner par leurs mains (directement ou indirectement) ? Serait-ce une manifestation du syndrome de Stockholm ? Pourquoi n’ont-ils jamais exprimé leur peine de voir nos figures politiques, journalistiques, intellectuelles... sauvagement assassinées ?

Geagea : « Le chemin vers Baabda ne passe pas par Haret Hreik, ni par la porte de Aïn el-Tiné et ses conditions.

Il passe uniquement par le Parlement et la place de l’Étoile. »

Vous savez très bien, par expérience, que Haret Hreik et Aïn el-Tiné ont été le passage obligé vers Baabda pour les présidents de l’après-Taëf, et vous savez pertinemment que Aïn el-Tiné se trouve, aussi, à la place de l’Étoile.

Geagea : « (...) et que le meilleur gagne, loin de tout blocage. »

Le meilleur à gagner est, plus que jamais, et avec l’ajout des voix « libérées » du CPL, votre bête noire Frangieh ! Pourquoi est-il permis à la partie adverse de contrevenir impunément aux règles, aux règlements et à la Constitution, de recourir au blocage jusqu’à faire élire le président de son choix, et n’est-il pas permis à l’opposition d’adopter cette même tactique, légitime si ce n’est légale ? Pourquoi faut-il que vous soyez – à vos dépens – les fidèles gardiens d’une Constitution violée de toutes parts ? Nous ne voulons pas d’un président de République aliéné au camp hostile à notre république, comme le précédent, d’un président à tout prix ! La vacance présidentielle s’avère, paradoxalement, moins préjudiciable pour le Liban qu’une présidence otage de ses parrains étrangers. À titre d’exemple, en quoi le dernier président a-t-il été utile et bénéfique pour le pays ?

Geagea : Notre slogan est « l’avenir est à nous ».

« Non, l’avenir n’est à personne ! Sire, l’avenir est à Dieu ! » (Victor Hugo)

Et par le laisser-aller et le laisser-faire, par les slogans creux, par les déclarations de pure forme et sans effet (comme l’appel à appliquer la résolution 1701), il est fort à craindre que l’avenir soit au parti de Dieu !

La voie efficace qui s’offre à vous, face au diktat des armes (illégales), n’est pas politique, ni démocratique, ni diplomatique, mais populaire, par la création d’un mouvement national, transcommunautaire et révolutionnaire, à l’image de celui du 14 Mars dont vous êtes l’un des principaux fossoyeurs. À vous d’œuvrer à lui donner ou redonner vie ! Il n’y a pas d’autre solution pragmatique.

Seule la pression populaire, massive, soutenue et assidue, par des marches et des sit-in, pourrait faire fléchir le bras à la mitraillette, hargneusement levée, qui s’était pointée dans notre direction un certain « 7 mai glorieux » 2008.

Seul un front uni libanais, national, souverainiste, patriotique, non confessionnel, porté par une marée civile et civilisée, pourrait affronter l’occupant et lui faire perdre pied.

Vous aurez beau gesticuler, prophétiser, prononcer des discours pompeux et solennels, vous faire applaudir par un parterre acquis, donner la chair de poule à votre auditoire par des formules chocs, mettre les larmes aux yeux... rien n’y fera.

Le sayyed s’en moque comme de l’an quarante.

Les seules fois où sa nervosité et son inquiétude étaient palpables, c’était lors des manifestations du 14 mars et du 17 octobre.

C’est dire combien les mouvements de foule peuvent déranger les despotes.

À vous donc de prendre l’initiative et devenir dérangeant, par des actes et non des paroles en l’air.

Vous pourriez commencer par mobiliser votre propre base partisane.

Elle doit bien compter quelques milliers.

Pour la motiver, vous pourriez instaurer un climat électoral, particulièrement mobilisateur.

Les bases d’autres partis suivront, forcément, pour ne pas être en reste.

La contagion ne tardera pas à produire son effet et le mouvement fera boule de neige.

Vous vous retrouverez, à nouveau, sur la tribune de la place des Martyrs plutôt qu’à Meerab, à haranguer une foule spontanée, enthousiasmée, dans une ambiance festive, comme au bon vieux temps ! N’en avez-vous pas la nostalgie ? Vous y retrouverez le vieux slogan : « Non aux armes illégales ! » dont l’écho résonne encore sur la grand-place, pour qui sait tendre l’oreille.

Il faut commencer par ce slogan pour que l’avenir soit à nous ! Sinon, il sera à eux !

Article de référence : « Geagea : L’après-guerre ne sera pas au Hezbollah », L’Orient-Le Jour, 2 septembre 2024.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

Geagea : « L’après-guerre ne sera pas au Hezbollah. » Malheureusement, comme l’avant-guerre était au Hezbollah, ainsi que la guerre, l’après-guerre le sera, et ce quelle que soit l’issue de cette guerre.Si le parti chiite en sort perdant, il renforcera sa mainmise sur le Liban, par esprit de revanche compensatoire.Et s’il en sort gagnant, il gagnera en domination à...
commentaires (2)

Placer et opposer les Libanais contre les uns et les autres est clairement et dangeusemet contre productif. Adversaires (??). On va trop loin. On sait bien que le Liban subit les ideologies régionales les plus conflictuelles. Au lieu de compter combien de soldats l'un ou l'autre camp possède, il vaudrait mieux, peut-être, trouver des dénominateur communs afin d'arrêter l'hémorragie politique et surtout économique. Assez de discours populistes et..pervers.

Raed Habib

12 h 12, le 07 septembre 2024

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Commentaires (2)

  • Placer et opposer les Libanais contre les uns et les autres est clairement et dangeusemet contre productif. Adversaires (??). On va trop loin. On sait bien que le Liban subit les ideologies régionales les plus conflictuelles. Au lieu de compter combien de soldats l'un ou l'autre camp possède, il vaudrait mieux, peut-être, trouver des dénominateur communs afin d'arrêter l'hémorragie politique et surtout économique. Assez de discours populistes et..pervers.

    Raed Habib

    12 h 12, le 07 septembre 2024

  • Le parti de Dieu ou le parti du diable?

    Eleni Caridopoulou

    10 h 49, le 05 septembre 2024

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