L'arrestation inattendue mardi de Riad Salamé, ancien gouverneur de la Banque du Liban, a provoqué un véritable séisme au pays du Cèdre et suscité de nombreuses réactions, aussi bien au sein de la classe politique que dans les milieux associatifs et, évidemment, sur les réseaux sociaux.
M. Salamé, qui s'était retiré en juillet 2023 après trente ans à la tête de l'institution financière, est poursuivi par les tribunaux nationaux et plusieurs pays européens, accusé d'avoir détourné des centaines de millions de dollars au détriment de l'État libanais et blanchi ces fonds à l'international.
Considéré par de nombreux Libanais comme l'un des principaux architectes de l'effondrement financier et monétaire de 2019, il a été interpellé à Beyrouth et placé en détention provisoire après avoir été interrogé pendant trois heures par le procureur général, concernant des soupçons de détournement de plus de 40 millions de dollars de la Banque du Liban, selon une source judiciaire anonyme citée par l'AFP.
Suite à cette arrestation, le réseau social X s'est rapidement enflammé, relayant de nombreuses réactions empreintes de cynisme et d'ironie, témoignant de la désillusion des Libanais mais aussi de leur sens de l'humour à toute épreuve. Certains internautes ont exprimé leur joie sans détour, comme celui-ci, qui, partageant le tweet de la chaîne télévisée libanaise LBCI relayant l'arrestation, se questionne sur un ton jubilatoire : « Aujourd'hui, c'est la fête nationale ou quoi ? »
D'autres, à l'instar d'une internaute régulièrement critique envers les Forces libanaises et soutenant le Courant patriotique libre (aouniste), ont interpellé Riad Salamé sur X, truffant leurs messages de jeux de mots sur les noms et surnoms des différents acteurs politiques, accompagnés d'une photo de Ghada Aoun, procureure connue pour avoir engagé à plusieurs reprises des poursuites à l'égard de M. Salamé avant d'être empêchée et évincée de la procédure.
« Riad, ya Riad, allo ya Riad ! Écoute ce que j'ai à te dire », commence-t-elle, avant de dire qu'elle allait « apporter (en jouant sur le nom du Premier ministre Nagib Mikati) des pâtisseries et les distribuer » pour célébrer son arrestation, une coutume courante au Proche-Orient lors de grands événements. « Avec l'aide (« Aoun », pour l'ancien président Michel Aoun) de Dieu, nous serons victorieux », ajoute-t-elle. « Le hakim (le docteur, le surnom donné à Samir Geagea) a besoin d'un médecin, et Saad (qui peut se traduire « celui qui est heureux », en référence à l'ex-Premier ministre Saad Hariri) est déprimé », écrit cette utilisatrice, avant de mentionner « Walid » Joumblatt, qui « aurait souhaité ne pas être né », avec un jeu de mots sur le verbe « naître », qui a la même racine que le prénom Walid.
Nombreux sont ceux qui ont pris un malin plaisir à souligner la lenteur du système judiciaire et les obstacles qui l'entravent, comme cet internaute qui a accompagné son tweet « Riad Salamé arrêté quatre ans plus tard » d'une vidéo montrant la chanteuse libanaise Najwa Karam, scandant en boucle « enfin, enfin, enfin !... » Cet extrait vidéo est tiré d'une émission d'Arab Got Talent, dont la chanteuse est membre du jury.
Le journaliste Charbel el-Khoury s'est pour sa part amusé de la relation privilégiée entre Marcel Ghanem, le présentateur vedette du talk-show politique libanais Sar el-Wa'et et Riad Salamé : « J'imagine que le professeur Marcel va écourter ses vacances d'été et revenir aujourd'hui. » En effet, le journaliste est connu pour les nombreuses interviews qu'il a menées avec M. Salamé, et jugées complaisantes par ses détracteurs.
Le compte « Lebanese Lira », qui personnifie la monnaie nationale sur un ton plutôt satirique, a choisi de faire allusion aux prises de position rassurantes devenues virales de l'ancien banquier vis-à-vis de la livre libanaise, avec un simple et percutant « Oh Papa ».
Bien entendu, les réactions évoquant les relations présumées de Riad Salamé avec les femmes n'ont pas échappé aux utilisateurs du réseau. Des procédures judiciaires ont été engagées au Liban et dans plusieurs pays contre des femmes de l'entourage de l'ancien financier, notamment son épouse actuelle, l'actrice Stéphanie Saliba, réputée proche de l'ex-gouverneur, la mère de sa fille, Anna Kosakova, et son ancienne assistante Marianne Hoyek. « Si vous le pouvez, n'emprisonnez pas Riad Salamé dans une prison pour femmes, car, par Dieu, nous n'avons plus une seule livre pour financer ses relations. »
Pour conclure cette vague de réactions plutôt légères, l'influenceur Hady Osaily s'est contenté d'accompagner la nouvelle de l'arrestation, relayée par le compte X de la chaîne télévisée al-Jadeed, en s'interrogeant ironiquement : « Pourquoi, qu'est-ce qu'il a fait ? »
C’est bien ce qu’espèrent les Libanais spoliés ! De noms! Des noms! Et les preuves qu’il a en sa possession!
17 h 44, le 05 septembre 2024