Critiques littéraires Bande dessinée

Beyrouth, notre ville de cœur

Beyrouth, notre ville de cœur

2016. Le docteur Robert Sacy fonde l’un des rares services de pédiatrie dans un hôpital public libanais. Quatre ans plus tard, Sophie Guignon et Chloé Domat, journalistes installées au Liban, collaboratrices des médias Arte, France 24, la RTBF et France 2, le rencontrent, assis dans les décombres de son service, au lendemain de l’explosion du 4 août. Ces deux instantanés portent en eux la synthèse d’un pays où ce qui pourrait aller de soi est affaire de combat et d’initiative personnelle. Un pays où tout est sans cesse à recommencer.

De cette rencontre naissent une confiance puis des échanges durant lesquels le docteur Sacy , récemment décédé, retrace les jalons d’une vie d’engagement qui bat au rythme des mouvements de marée – un coup haute, deux coups basse – d’un pays bouillonnant.

Un reportage vidéo, plus tard, fait naître l’envie de poursuivre l’aventure dans un format long, celui d’une bande dessinée qui se donne les moyens et la place de faire un vrai travail de contextualisation. Kamal Hakim, auteur de BD (mais qui cache aussi dans sa besace les traces d’études en sciences politiques) entre dans l’aventure, en charge du dessin.

Se crée alors un dialogue réjouissant qui mêle, sur plus de 140 pages, des registres divers : celui de la touchante introspection, avec les mots d’un homme d’action au crépuscule de sa vie (le docteur Sacy), celui du journalisme à travers une ample présentation par les deux scénaristes du contexte libanais, sans concession mais avec doigté, et celui du quotidien, puisque le récit est habité, palpable, prenant racine dans la vie des trois auteurs. Des registres qui se chevauchent, se donnent joyeusement le relai et qui permettent de raconter un pays sous des angles qui se nourrissent l’un de l’autre.

Au dessin, Kamal Hakim tire le meilleur d’un trait qui a la capacité à être malléable, penchant, selon les besoins des scènes, tantôt vers le réalisme, tantôt vers le schéma, tantôt vers le « cartoonesque » du jeu d’acteur. Il donne chaire aux propos comme si, Beyrouthin dans la peau, il fournissait par le dessin une matière première organique, vivante, qui a sa propre vie, un peu virevoltante, entre les lignes de textes.

L’album s’intitule Beyrouth, malgré tout, un titre qui cache difficilement l’attachement affectif que les auteurs entretiennent avec le Liban et qui déborde de chaque planche, des plus acides aux plus tendres. Il sort en octobre dans un écrin taillé pour lui : la collection Témoins du monde, coéditée par Steinkis et Les Escales, et qui met en lien journalistes et auteurs de bande dessinée sur des sujets qui éclairent l’état du monde.

Si nous avons tous, à un moment, résumé à des amis de l’étranger, par une liste à la Prévert, les catastrophes successives de ces dernières années (une révolution avortée, la Covid, l’explosion du 4 août, la crise financière et économique, le vide étatique), il nous manquait un album nuancé, clair, sensible et intelligent, à mettre entre les mains de ceux qui posent la question. Il est désormais là.

Beyrouth, malgré tout de Sophie Guignon, Chloé Domat et Kamal Hakim, Steinkis / Les Escales, 2024, 152 p.

2016. Le docteur Robert Sacy fonde l’un des rares services de pédiatrie dans un hôpital public libanais. Quatre ans plus tard, Sophie Guignon et Chloé Domat, journalistes installées au Liban, collaboratrices des médias Arte, France 24, la RTBF et France 2, le rencontrent, assis dans les décombres de son service, au lendemain de l’explosion du 4 août. Ces deux instantanés portent en...
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