« Je voudrais que quand on vient, de partout, à Paris, on ait envie de venir à La Villette parce qu'on sait qu'il va toujours s'y passer quelque chose » , affirme la chorégraphe franco-espagnole, 60 ans, longue robe noire à paillettes, rencontrée dans son bureau.
Choisie par l'État au printemps, elle fait sa rentrée à la tête de cette institution publique parisienne. Ce lieu multiculturel, né dans les années 1980, propose danse, cirque, théâtre, magie, festival de cinéma en plein air et pratiques sportives.
Il comprend notamment la Grande Halle, un espace chapiteau, une ferme pédagogique et un parc de 55 hectares (215 emplois, budget d'environ 43 millions d'euros, 12 millions de visiteurs dans le parc). Pendant les Jeux olympiques et paralympiques de Paris, il a aussi accueilli un « parc des Nations » sous forme de pavillons, ainsi que le Club France, pour célébrer les exploits des athlètes.
Blanca Li a mis en scène des ballets, des opéras et des comédies musicales, réalisé trois longs-métrages et collaboré avec de grands noms du cinéma, de la musique et de la mode (Pedro Almodovar, Daft Punk, Paul McCartney, Beyoncé, Jean-Paul Gaultier, Chanel...). Elle n'est pas à l'origine de la programmation de la saison qui s'ouvre mais elle s'est fixé trois grandes priorités pour la suite.
« La création liée aux nouvelles technologies m'intéresse. J'aimerais que ces nouvelles formes de narration puissent avoir un espace à La Villette, que les artistes (engagés dans cette voie) puissent exposer leur travail, spectacles, œuvres d'art digitales », dit-elle.
« Ça va très vite. On vit une révolution », ajoute-t-elle. En 2021, elle-même a créé Le Bal de Paris de Blanca Li, spectacle en réalité virtuelle qui avait plongé les spectateurs, au contact de danseurs réels, dans un univers fantastique, primé du Lion de la meilleure expérience VR au 78e Festival international de Venise.
Blanca Li, qui a revisité le ballet classique Casse-Noisette en version hip-hop, souhaite également promouvoir les arts urbains : pousser « l'art des graffitis », faire davantage de « battles de hip-hop », avoir des « artistes en résidence », des expériences participatives, inviter « des DJ qui viendraient s'entraîner »...
Elle, qui a toujours aimé « habiller les mouvements » de ses danseurs, veut aussi faire plus de place à la mode, à travers des défilés et « pourquoi pas, des expositions ».
« Muscle en activité »
Pour attirer davantage les publics éloignés de la culture, Blanca Li entend multiplier les « événements populaires, festifs et gratuits » : par exemple « faire une grande fête de la danse dans le parc » avec de multiples ateliers de danses du monde. Ou instituer une « Nuit blanche ou encore un Festival Molière ».
Hasard du calendrier, sa dernière création, Didon et Énée, est programmée par le Théâtre national de la danse-Chaillot (en travaux)... à La Villette, en octobre. Un ballet qu'elle a imaginé après avoir fait la mise en scène de l'opéra, désireuse d'explorer toute la palette d'émotions : « La passion, la trahison, la mort. »
Née à Grenade, l'artiste, qui a commencé la danse à 15 ans après des débuts en tant que gymnaste dans l'équipe nationale espagnole, avait créé son premier spectacle à New York à 18 ans, après avoir suivi les cours de l'Américaine Martha Graham, figure fondatrice de la danse contemporaine. « Et je n'ai jamais pu m'arrêter de créer », dit-elle. Comme sa compagnie, établie depuis 32 ans en France – son « pays d'adoption ». Elle a toutefois renoué avec ses racines ces quatre dernières années, à Madrid où elle dirigeait le Teatro del Canal.
Prochain projet : un spectacle avec l'Institut de recherche et coordination acoustique/musique (Ircam), sur de la musique électroacoustique, en réalité augmentée. « Créer est un espace de jeu, joyeux », confie-t-elle, dans un large sourire. « C'est comme un muscle qui est en activité, constamment. »