Chez les adversaires de Gebran Bassil, le silence est total. Ces derniers jours, ils se plaisent à contempler le bloc parlementaire du leader du Courant patriotique libre s’effriter à coups de démissions et d’expulsions de militants de la première heure. De quoi porter un sérieux revers à la popularité du courant aouniste, notamment dans les rangs chrétiens. Sauf que contrairement à ce qu’espèrent les détracteurs du leader aouniste, à commencer par son principal rival, Samir Geagea, le chantier « d’épuration » en cours au sein du CPL ne réduit pas l’influence et le rôle-clé du parti, en passe de devenir une sorte de « Gebranistan » sur la scène politique, du moins pas en matière de présidentielle, une échéance qui, tout en étant nationale, concerne les chrétiens d’abord.
Retour une décennie (ou presque) en arrière : avec le feu vert du fondateur du CPL, Michel Aoun, Gebran Bassil accède en 2015 à la tête du parti aux dépens de militants de la première heure, notamment Alain Aoun, député de Baabda. Confiant du soutien indéfectible de son beau-père, le tout nouveau chef ne tarde pas à se débarrasser de ceux qui pourraient le concurrencer au niveau strictement partisan, mais aussi sur la scène politique au sens large. De grosses pointures aounistes rappelant l’époque de la lutte contre la tutelle syrienne ont donc été radiées du parti ou forcées à en claquer la porte entre 2016 et 2022. L’objectif est clair : il s’agit de mettre en place « le CPL de Gebran Bassil » sous le regard d’un Michel Aoun qui n’a pas manqué d’avaliser la radiation de son neveu Alain Aoun « parce que le CPL est un parti politique et non une entreprise familiale », comme a déclaré l’ex-chef de l’État samedi dernier à la chaîne OTV, organe médiatique du CPL. Mais ironiquement, ce même Michel Aoun avait bloqué la formation de plusieurs gouvernements pour « les beaux yeux de (son) gendre », comme il l’avait lui-même annoncé sans ambages en 2009.
Aujourd'hui, plus rien n'arrête la course de Gebran Bassil face à ses détracteurs internes, dont certains ont choisi de claquer eux-mêmes la porte du parti pour éviter un sort similaire à celui d’Alain Aoun et du vice-président de la Chambre, Élias Bou Saab, exclu de la formation en mars dernier pour avoir dérogé, plusieurs mois plus tôt, au mot d’ordre de voter Jihad Azour, ancien ministre des Finances et actuel haut cadre du Fonds monétaire international, à la présidentielle. Ce dernier avait fait l’objet d’une « convergence » entre le CPL et l’opposition, déterminés à empêcher le Hezbollah de leur imposer l’élection de son candidat, le chef des Marada, Sleiman Frangié. « Ce n’est que pour des raisons politiciennes que Gebran Bassil a avalisé le choix Azour. Son seul but était de barrer la voie à Sleiman Frangié. Plusieurs députés rangés parmi les frondeurs de Gebran s’y sont donc opposés », dit à L’Orient-Le Jour un ancien aouniste qui a requis l’anonymat. Il assure toutefois que certains d’entre eux, notamment Simon Abi Ramia, a fini par accorder sa voix à l’ex-ministre « par discipline partisane », dit-il, ajoutant que tel est également le cas d’Assaad Dergham, député du Akkar, qui s’est opposé en coulisses à l’option Azour, mais a glissé son nom dans l’urne, le 14 juin 2023, lors de la dernière séance parlementaire consacrée à la présidentielle.
La clé chrétienne de Baabda
Théoriquement, les voix dissidentes ont de quoi affaiblir le parti. Mais M. Bassil en a profité pour consolider son emprise sur le CPL, usant de son statut privilégié auprès de Michel Aoun. Pour établir « le CPL à la Gebran Bassil », il a châtié Élias Bou Saab (qui n’a pas voté Azour) avant de s’attaquer à Alain Aoun. Un message que Simon Abi Ramia n’a pas tardé à capter, ce qui l'a mené à jeter l’éponge.
Tel un jeu de domino, le bloc parlementaire aouniste est ainsi passé de 17 députés (sans compter leurs alliés du Tachnag) à 16 après le départ de M. Bou Saab, puis à 14 avec l’exclusion d’Alain Aoun et la démission de Simon Abi Ramia. De quoi réduire encore davantage le poids parlementaire du CPL, déjà considérablement affaibli lors des dernières législatives.
Il reste que cette opération de « nettoyage » est intervenue en plein recentrage politique d’un Gebran Bassil conscient que c’est de lui que dépend principalement l’échéance présidentielle. Il sait bien, en effet, que sans lui, le Hezbollah ne pourra pas mener Sleiman Frangié à la tête de l’État. Et sans lui, l’opposition est incapable de faire face au parti chiite dans cette bataille. Certes, un groupe de 17 députés soudés derrière leur chef donne au CPL un poids décisionnel non négligeable dans cette échéance où chaque voix, surtout chrétienne, compte. Mais dans la configuration politique actuelle, et dans un Parlement à majorités élastiques et variables, les choses sont un peu plus nuancées : avec 20, 17 et même 14 députés, M. Bassil demeure un élément incontournable dans le processus d’élection du futur chef de l’État. Car quel que soit l’effectif de son groupe, le CPL demeure, jusqu’à nouvel ordre, l'un des deux principaux détenteurs de la clé chrétienne qui pourrait ouvrir les portes de Baabda à un nouveau président. Il suffirait que les aounistes avalisent l’option Frangié pour que le Hezbollah puisse marquer ce précieux point dans les filets de l’opposition. Et pour cause : dans le cadre d’un tel scénario, un petit « oui » de Gebran Bassil ne tarderait pas à résonner par exemple à Moukhtara. Car le leader druze Walid Joumblatt reste fidèle à une constante en matière de présidentielle : ne jamais tourner le dos à l'unanimité chrétienne. Avec le feu « orange » de M. Bassil au leader de Zghorta, les joumblattistes pourront au moins assurer le quorum pour la tenue d’une séance qui le conduirait à Baabda, sachant que, pour le moment, l’actuel chef du Parti socialiste progressiste, Taymour Joumblatt, refuser de voter Frangié. De même, les sunnites de la Modération nationale voteraient sans doute pour Frangié si celui-ci bénéficiait de l’appui de M. Bassil, au même titre que certains députés de la contestation et d'autres indépendants.
Au final, que ce soit avec 17 ou avec 14 députés, Gebran Bassil garde, au même titre que Samir Geagea, chef des Forces libanaises, la clé du concept de « conformité au pacte national » pour ce qui est de la représentativité des chrétiens. Qu'en serait-il lorsque les 14 seraient mieux soudés autour de lui que ne l'étaient les 17 auparavant ?
- O PEUPLE, LA TRAITRISE, - SOEUR DE LA COUARDISE, - SERVIT DE MASQUE EN CHEF, - ET EN SERT DERECHEF, - L,ILLEGITIMITE, - POUR LE TRONE CITE. - AVILISSANT MOYEN. - ET ON SE VEUT CHRETIEN.
10 h 48, le 11 août 2024