Quand il a accusé le gouvernement de « haute trahison », le chef des Forces libanaises a dû en « oublier les significations constitutionnelles et légales ». C'est ainsi que le Premier ministre sortant, Nagib Mikati, a répondu vendredi aux attaques de Samir Geagea contre son cabinet, accusé de se faire le porte-voix du Hezbollah en pleine négociation pour un retour au calme au Liban-Sud. Venant de la part de celui qui se veut le fer de lance de l’opposition face au tandem chiite, cette hausse de ton est sans doute de nature politique. Mais cela n'éclipse aucunement le volet constitutionnel et légal des propos de M. Geagea. Que dit la Constitution au sujet de la haute trahison ?
C’est l’article 70 de la Loi fondamentale qui évoque cette notion. « La Chambre des députés est en mesure de mettre en accusation pour haute trahison ou pour manquement grave aux devoirs de leur charge le président du Conseil et les ministres. La mise en accusation requiert la majorité des deux tiers des membres de l’Assemblée », stipule le texte.
L'article ne donne pas de définition claire à la notion de « haute trahison » et ce n'est pas un hasard. « L'idée est de laisser à la Chambre le soin de le définir », commente pour L’Orient-Le Jour un ancien député qui a requis l’anonymat. Ziyad Baroud, juriste et ex-ministre de l’Intérieur, souligne, pour sa part, que plusieurs pays du monde ne donnent pas non plus de définition claire à cette notion, souvent liée, dans la conscience collective, à la collaboration avec l’ennemi. « Il faut dire aussi que la notion de haute trahison pourrait signifier le fait d’opter pour des actions à même de compromettre l’intérêt supérieur du pays », ajoute l’ancien ministre.
À haute trahison, Haute Cour
L’article 71 de la Constitution stipule de son côté que « le président du Conseil et les ministres mis en accusation sont jugés par la Haute Cour » chargée de juger les présidents et les ministres. « Il faut rappeler que le gouvernement ne peut pas être collectivement accusé de haute trahison. Le cabinet est politiquement responsable devant la Chambre (qui lui accorde la confiance), souligne M. Baroud, affirmant que pour les accusations de haute trahison, le Premier ministre et les membres de son équipe sont accusés et poursuivis à titre individuel. » C’est pour cette raison que l’article 72 de la Constitution stipule que, dès leur mise en accusation, le chef du gouvernement et les ministres « n’exercent plus leurs fonctions ». Mais jamais, dans l’histoire du Liban, un tel scénario n’a vu le jour. C'est en partie parce que les conditions et les mesures à prendre pour saisir la Haute Cour sont « difficiles », juge Ziyad Baroud, allant jusqu’à dire que cette institution est « mort-née ».
L’ancien ministre de l’Intérieur fait référence à certaines dispositions de la loi datant du 18 août 1990 et régissant le fonctionnement de la Haute Cour. Ce texte stipule qu’il revient à la Chambre de transférer des demandes de poursuites (approuvées par une demande écrite de la part d'un cinquième des élus, soit 26 députés) contre le Premier ministre et des membres de son équipe à la Haute Cour. Une fois la demande formulée, son transfert devant la Haute Cour nécessite une majorité des deux tiers des membres de l'Assemblée. Une commission d’enquête doit ensuite être formée par le Parlement pour « s’assurer que les actes imputés aux personnes concernées sont pertinemment prouvés », comme on peut lire dans le texte de loi. Celui-ci stipule en outre que la Haute Cour devrait rendre son verdict dans un délai d’un mois après la réception de la demande de poursuite de la part du Parlement.
« Il n’est pas évident, surtout dans les circonstances actuelles, d’assurer le nombre de députés requis pour engager une telle démarche, ni de réunir le Parlement pour en débattre », explique l’ex-ministre de l’Intérieur, rappelant que même le dossier Chahé Barsoumian (ancien ministre du Pétrole soupçonné de dilapidation de fonds publics dans l’affaire de la vente de pétrole brut) n’a pas été tranché par la Haute Cour. Réuni le 16 août 2005, le Parlement l’a en effet innocenté par 56 voix (sur 94 députés présents au moment du vote).
« Armée-peuple-résistance »
La nouvelle diatribe FL intervient à l’heure où le Hezbollah est toujours engagé – sur décision unilatérale – dans la guerre à Gaza, sous le regard du gouvernement, qui négocie même au nom de Haret Hreik. Cette attitude est-elle anticonstitutionnelle, au point de l’accuser de haute trahison ? « Il faut rappeler que tous les gouvernements de l’après-guerre ont légalisé en quelque sorte l’action du Hezbollah face à Israël, en incluant son fameux triptyque “armée-peuple-résistance” à leurs déclarations ministérielles », se contente de répondre un ancien ministre.
Sauf que cette fois-ci, le parti chiite s’est activé non pas pour répondre à une agression israélienne, mais pour soutenir le Hamas, rétorqueront certains observateurs. « C’est par pragmatisme politique que M. Mikati mais aussi la communauté internationale abordent la question de l’implication du Hezbollah dans le conflit », précise Hassane Rifaï, constitutionnaliste. Il ne dédouane pourtant pas le cabinet des accusations d’entorses à la Loi fondamentale. « Tout ce qui se fait actuellement est contraire à la Constitution, dit-il. À commencer par le retard mis à élire un nouveau président de la République. »
Makati se rappelle au bon souvenir de la constitution uniquement lorsqu’un citoyen patriotique réclame son application. Où était il lorsque le Berry a effrontément décider que le blocage restera ad vitam aeternam jusqu’à ce que tous les opposants viennent lui baiser la bague pour qu’il daigne organiser une réunion pour élire un président? Est une condition évoquée par la constitution? Alors pourquoi on ne l’entend jamais sur ce sujet brûlant? Ah j’oublie. Il a été placé par les vendus pour défendre leurs intérêts avant celui de son pays. Ça vaut combien ça?
10 h 49, le 23 août 2024