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Économie - Comptabilité

Le ministère libanais des Finances dévoile les taux de change de référence qu'il utilise depuis 2020

Il s’agirait là d'une première reconnaissance explicite par les autorités du taux de 89 500 LL pour un dollar.

Le ministère libanais des Finances dévoile les taux de change de référence qu'il utilise depuis 2020

Un changeur dans le quartier de Hamra, à Beyrouth. Photo Florient Zwein

En dehors des décisions relatives au processus de renforcement de l’armée libanaise au Liban-Sud ou encore de la mise en œuvre du plan d’urgence nationale en cas de guerre avec Israël, dans un contexte d’affrontements entre le Hezbollah et l’État hébreu à la frontière depuis octobre dernier, le Conseil des ministres de mercredi devait examiner plusieurs points soumis par le ministre sortant des Finances, Youssef Khalil.

Selon un des procès-verbaux qui ont circulé ces deux derniers jours, le ministre a notamment présenté un tableau dans lequel il a inscrit tous les taux de change pris en compte depuis 2020 par ses services pour « enregistrer les dépenses et les recettes publiques » sur les comptes de Trésor et dans les états financiers publics – comptes nationaux et bilans arrêtés, entre autres.

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« Nous avons élaboré un tableau qui précise quel taux est applicable à quelle date, jusqu’à aujourd’hui, afin que le Conseil des ministres en prenne connaissance », a déclaré le ministre à L’OLJ. « Ce tableau montre ce qui a été fixé et ce qui doit être fixé jusqu’à un certain point, le temps d’y voir plus clair sur l’évolution du taux de change à long terme », ajoute-t-il.

Pas qu’une mesure comptable

« C’est surtout une mesure à des fins comptables pour que le secteur privé et le secteur public puissent clôturer leurs comptes en se basant sur des standards uniformes, ce qui était impossible avec la multiplicité des taux de change », indique Sabine Hatem, économiste principale à l’Institut Basil Fuleyhane, rattaché à ce même ministère. « Ce sera également une référence qui permettra aux auditeurs du ministère des Finances d’effectuer leurs contrôles fiscaux sur les contribuables », ajoute-t-elle.

« Au-delà de son aspect informatif, ce tableau marque aussi la reconnaissance explicite par les autorités du taux de 89 500 LL pour un dollar comme étant le taux officiel valable pour tous les flux, à l’exception de ceux qui concernent les dollars bloqués par les restrictions bancaires », résume de son côté Nadim Daher, expert-comptable et trésorier du Rassemblement des dirigeants et chefs d’entreprise libanais (RDCL).

Le tableau englobe toutes les années allant de 2020 à 2024, au cours desquelles le taux de change entre la livre libanaise et le dollar est passé d’environ 2 000 LL pour un dollar à plus de 140 000 LL au printemps 2023, avant de progressivement se stabiliser à 89 500 LL, son niveau actuel. Ce n’est qu’en novembre 2022 que l’État a commencé à ajuster le taux de change officiel, en le faisant d’abord passer à 15 000 LL, puis en l’ajustant à 89 500 LL sans toutefois l’annoncer clairement. « Le budget de 2024 a été élaboré sur la base d’un taux implicite à 90 000 LL sans qu’il soit officiellement mentionné », confirme Nadim Daher.

Dollars frais et lollars

Le tableau compte deux colonnes : une pour le taux de change réel des « dollars en espèces » (appelés les dollars frais dans la pratique) et l’autre pour celui du « dollar local » (les dollars bancaires, ou lollars), terme désignant les fonds des dépôts bloqués par les restrictions bancaires illégalement mises en place par les banques au début de la crise, mais que les autorités ont laissé perdurer et que la Banque du Liban a longtemps aménagés.

Le ministère des Finances considère ainsi que le taux de change applicable pour les dollars est de 1 507,5 LL pour un dollar, soit l’ancienne parité officielle qui a tenu de 1997 à 2019, pour toutes les transactions qu’il a enregistrées au titre de 2020 et de 2021. Idem pour la période allant du 1er janvier au 31 juillet 2022. « C’est une décision discutable dans la mesure où le taux de change avait déjà dévissé à cette période et que la BDL avait déjà donné son feu vert pour que les banques décaissent une partie des dollars bloqués à un taux supérieur à la parité de 1 507,5 LL pour un dollar, mais inférieur à celui du marché », commente Nadim Daher.

À partir du 1er août et jusqu’au 31 décembre 2022, puis du 1er au 31 janvier 2023, le ministère considère que le taux applicable pour les dollars frais est celui de Sayrafa. Le taux du dollar bancaire reste à 1 507,5 LL sur cette même période.

Sayrafa est la plateforme que la BDL a lancée en deux temps, une première fois en 2021 et une autre en 2022. Elle devait devenir la référence unique du marché, mais a finalement coexisté avec le taux parallèle en évoluant à un niveau moins élevé que celui-ci, favorisant au passage les arbitrages et la spéculation.

Du 1er février 2023 au 13 février 2024, le ministère impose que le taux de change du dollar frais soit comptabilisé au taux de Sayrafa et que celui du dollar bancaire passe à 15 000 LL. Pendant cette période, l’État a, avec plusieurs mois de retard, adopté le budget de 2022 qui a amorcé la modification du taux de change officiel pris en compte dans le calcul des impôts et taxes. Le 1er février, la BDL a officiellement annoncé le changement de taux : il est passé de 1 507,5 LL à 15 000 LL, un niveau qui restait très inférieur à celui du marché à l’époque.

Enfin, à partir du 14 février 2024, et jusqu’à ce qu’une prochaine décision ne change la donne (qui pourrait être le budget de 2025 ou un changement de politique monétaire au niveau de la BDL), le taux de change à prendre en compte doit être de 89 500 LL pour les dollars frais mais reste à 15 000 LL pour les lollars. La date du 14 février correspond à celle de l’entrée en vigueur du budget de l’État pour 2024, adopté fin janvier et qui a presque aligné tous les éléments du budget sur le taux du marché, effaçant au passage quasiment tous les autres taux de change qui coexistaient avec lui.

« Le fait que le ministère conserve le taux de change du dollar local à 15 000 LL semble se justifier par une volonté d’éviter de créer une situation dans laquelle tous les déposants qui ont des dollars bancaires se baseraient sur cette décision pour appuyer leurs éventuelles procédures visant à récupérer leurs fonds bloqués à leur valeur de marché », analyse Nadim Daher. Il souligne que l’État ne réalise en principe plus aucune transaction à ce taux de 15 000 LL et rappelle que la BDL a appelé les banques en février dernier à ne plus décaisser de dépôts à ce taux. « Le taux de 15 000 LL pour un dollar est un taux mort et les clients qui souhaitent encore retirer une partie de leurs fonds bloqués à ce taux se voient imposer de signer des décharges par leurs banques pour confirmer qu’ils prennent la responsabilité de la décote qu’ils subissent », conclut-il.

En dehors des décisions relatives au processus de renforcement de l’armée libanaise au Liban-Sud ou encore de la mise en œuvre du plan d’urgence nationale en cas de guerre avec Israël, dans un contexte d’affrontements entre le Hezbollah et l’État hébreu à la frontière depuis octobre dernier, le Conseil des ministres de mercredi devait examiner plusieurs points soumis par le ministre sortant des Finances, Youssef Khalil. Selon un des procès-verbaux qui ont circulé ces deux derniers jours, le ministre a notamment présenté un tableau dans lequel il a inscrit tous les taux de change pris en compte depuis 2020 par ses services pour « enregistrer les dépenses et les recettes publiques » sur les comptes de Trésor et dans les états financiers publics – comptes nationaux et bilans arrêtés, entre autres. Lire aussi...
commentaires (3)

Aucun peuple au monde même le plus reculé et le moins éduqué n’aurait accepté d’être maltraité comme le peuple libanais sans descendre dans la rue pour renverser le pouvoir. Ce pouvoir qui est là juste pour l’anéantir par tous les moyens. Guerre ou paix, les libanais meurent de mort lente mais ne réagissent jamais en attendant que d’autres pays le fasse à sa place. On se croirait dans un cauchemar sans fin et les libanais refusent de se réveiller pour le prolonger.

Sissi zayyat

11 h 46, le 18 août 2024

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Commentaires (3)

  • Aucun peuple au monde même le plus reculé et le moins éduqué n’aurait accepté d’être maltraité comme le peuple libanais sans descendre dans la rue pour renverser le pouvoir. Ce pouvoir qui est là juste pour l’anéantir par tous les moyens. Guerre ou paix, les libanais meurent de mort lente mais ne réagissent jamais en attendant que d’autres pays le fasse à sa place. On se croirait dans un cauchemar sans fin et les libanais refusent de se réveiller pour le prolonger.

    Sissi zayyat

    11 h 46, le 18 août 2024

  • Nous n’avons plus d’état et encore moins de ministères et de ministres. Une boutique ambulante et des charlatans mafieux qui font de tout pour rendre leur business fructueux et peu importe la façon où les méthodes, tout est bon pour détourner n’importe quel acte en leur faveur. Le peuple peut périr ça n’est pas leur problème. Ils sont là pour s’enrichir point.

    Sissi zayyat

    11 h 30, le 18 août 2024

  • Ça va nous permettre de calculer exactement combien l'ABL (Association des Bandits du Liban) nous a collectivement volé...

    Gros Gnon

    13 h 03, le 17 août 2024

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