Un grand portrait du nouveau chef du bureau politique du Hamas Yahya Sinouar trône désormais sur la place de la Palestine, à Téhéran. Pour les spécialistes de l’Iran, c’est un signe qui ne trompe pas : les relations entre le nouveau chef du Hamas et le commandement iranien sont particulièrement étroites. Le Hamas a certes pris son temps pour choisir le successeur d’Ismaïl Haniyé, assassiné dans la capitale iranienne le 31 juillet, mais la désignation de Yahya Sinouar s’est faite à l’unanimité, montrant que les tiraillements internes au sein du Hamas, qui s’étaient amplifiés depuis la participation du mouvement à la guerre en Syrie face au régime, sont désormais dépassés. Le Hamas offre aujourd’hui un front qui se veut uni en pleine guerre contre les Israéliens à Gaza. Il a été question, après la mort de Haniyé, de désigner Khaled Mechaal (responsable du Hamas de l’étranger), mais il s’agissait de rumeurs. La balance avait en effet depuis le début penché en faveur de Yahya Sinouar, considéré comme le favori de l’Iran.
En douceur, Téhéran a donc ainsi renforcé son influence sur le Hamas, sans provoquer des remous, puisque depuis le Déluge d’al-Aqsa et la guerre de Gaza, c’est la branche militaire du mouvement qui a pris le dessus sur toutes les autres. Toutefois, ce processus de rapprochement n’aurait pas pu s’accomplir sans le Hezbollah et son secrétaire général Hassan Nasrallah. Selon des sources proches des gardiens de la révolution iraniens, le Hezbollah est en effet un des principaux piliers de ce qu’on appelle « l’axe de la résistance », qu’il a d’ailleurs directement contribué à forger. Il a tissé d’étroites relations avec toutes ses composantes, dont le Hamas, mais aussi les houthis au Yémen, qu’il a participé à entraîner et équiper. Le Hezbollah a aussi aidé certaines factions en Syrie qui se battaient aux côtés des forces du régime de Bachar el-Assad et son armée. C’est d’ailleurs là qu’il était entré directement en conflit avec le Hamas, alors dirigé par Khaled Mechaal. Il y avait même eu des affrontements directs entre les combattants du Hezbollah et ceux du Hamas dans le camp palestinien de Yarmouk, près de Damas. À cette époque, le conflit était profond et nul ne pensait que les deux formations pouvaient se rabibocher.
« Il a fallu beaucoup de sagesse, de recul et de vision de la part du Hezbollah et bien sûr de l’Iran pour rétablir les relations », dit un proche de l’axe pro-iranien. Le thème principal du rapprochement, c’est bien sûr la position à l’égard d’Israël et la priorité accordée à la cause palestinienne. D’ailleurs, même au plus fort des affrontements en Syrie, l’Iran, via le Hezbollah, n’a cessé d’appuyer les Brigades al-Qassam, considérées aujourd’hui comme la branche militaire du Hamas. À l’époque, il y avait d’autres unités qui se battaient en Syrie. Les Brigades al-Qassam, dirigées par Yahya Sinouar, Mohammad Deif et Marwan Issa, sont une partie intégrante des Brigades al-Qods du général iranien Kassem Soleimani, tué par les Américains en janvier 2020. Depuis le début donc, les Brigades al-Qassam évoluaient dans le giron iranien et au sein de « l’axe de la résistance ». Au fil des années et des combats, les unités du Hamas combattant en Syrie ont perdu de l’influence au profit des Brigades al-Qassam. Petit à petit, ce courant à l’intérieur du mouvement a pratiquement marginalisé l’autre, et le Hamas s’est ainsi naturellement rapproché de l’Iran et du Hezbollah. Khaled Mechaal a d’abord été maintenu à son poste de chef du bureau politique du mouvement, avant de devenir le chef du Hamas à l’étranger, à l’heure où le véritable poids du Hamas se trouvait plutôt à l’intérieur de Gaza. Un changement opéré sans heurts ni secousses, et petit à petit, des personnalités proches de « l’axe de la résistance » ont pris de plus en plus d’importance au sein du Hamas. Il restait bien sûr le conflit avec le régime syrien qu’il fallait surmonter pour éviter les tiraillements au sein de l’axe. Le régime syrien n’étant pas connu pour sa souplesse, il a fallu toute la patience du Hezbollah et de son secrétaire général en particulier pour que Bachar el-Assad accepte de recevoir une délégation du Hamas (composée d’Oussama Hamdane et Khalil Hayyé) dans le cadre d’une rencontre avec les organisations palestiniennes. Jusqu’à présent, le régime syrien a encore des réserves à l’égard du Hamas, mais tous ceux qui l’ont combattu ont été écartés des postes-clés de la formation.
Désormais, avec la désignation de Yahya Sinouar pour succéder à Ismaïl Haniyé, le Hamas a achevé sa transformation en devenant véritablement une partie intégrante de « l’axe de la résistance ». Avec toutes les composantes de cet « axe » et en particulier avec le Hezbollah, la coordination est totale. Et, pour donner à cette union nouvellement consacrée un caractère religieux, et éviter ainsi d’éventuelles discordes, les deux parties rappellent que les Frères musulmans, qui constituent la référence religieuse du Hamas, sont très proches de la pensée qui a animé l’imam Khomeyni lorsqu’il a lancé la révolution islamique en Iran. De même, le guide suprême Ali Khamenei avait traduit en persan les ouvrages de Sayed Qotb, grande figure des Frères musulmans. Certains vont même jusqu’à dire que la doctrine de ce dernier serait en quelque sorte la version sunnite du velayet e-faqih. En tout cas, même sans les références idéologiques, avec Yahya Sinouar, le Hamas est plus que jamais dans la ligne de l’Iran.
Le secret de lire Scarlett Haddad, toujours avec le même engouement est dans son style simple et ses analyses concluantes . Concernant la guerre en cours, un détail me taraude l’esprit : qu’est ce qui pousse les sunnites et les chiites, qui ne s’étaient pourtant jamais entendus, à se tendre la perche dans une guerre oú le parti de dieu a perdu un grand nombre de ses combattants sans parler d’une partie du sud brûlée et inhabitable et dont on ne connaît pas l’issue ?
15 h 17, le 13 août 2024