Un monument au milieu du patrimoine parisien : la Néerlandaise Sifan Hassan a réussi l’exploit colossal de remporter le marathon olympique dimanche après avoir déjà été médaillée de bronze sur 5 000 m et 10 000 m aux Jeux de Paris.
« J’ai l’impression de rêver, s’émerveille la désormais triple championne olympique. Quand j’ai fini la course, c’était une libération. Je n’ai jamais connu quelque chose comme ça. J’avais le tournis. Envie de m’allonger. Et j’ai pensé : « Je suis championne olympique du marathon. Comment c’est possible ? ». »
À Paris, de la piste violette du Stade de France au bitume francilien, Hassan (31 ans) se mesurait au triplé légendaire du Tchèque Emil Zatopek, signé aux JO 1952 à Helsinki : elle termine cet enchaînement fou avec trois médailles.
Depuis Zatopek, lui médaillé d’or sur les trois distances, personne n’avait réalisé une telle performance.
« À chaque instant » du marathon, « je regrettais d’avoir couru le 5 000 m et le 10 000 m. Je me disais : « Pourquoi j’ai fait ça ? C’est quoi mon problème ? Si je ne l’avais pas fait, je me sentirais tellement mieux » », raconte Hassan.
Au bout des 42,195 kilomètres, la polyvalente Néerlandaise est sortie victorieuse en 2h 22 min 55 sec d’un final à couper le souffle face à l’Éthiopienne Tigst Assefa, la recordwoman du monde (2:11.53 en 2023), finalement devancée de trois secondes. La Kényane Hellen Obiri, venue de la piste comme Hassan, complète le podium, troisième à 15 secondes.
Sprint ébouriffant
Au total, Hassan l’inoxydable a couru 62,195 kilomètres à haute intensité en dix jours et elle a pris le départ du marathon – seulement son quatrième – moins de 35 heures ( !) après avoir bouclé le 10 000 m.
Même le parcours atypique et vallonné, un aller-retour Paris-Versailles avec un enchaînement de montées et descentes en plein cœur de la course n’a pas eu raison d’elle.
On a pourtant cru l’espace de quelques minutes que ça allait être le cas, quand la demi-fondeuse devenue marathonienne a été distancée dans la principale difficulté, la redoutable côte du Pavé des gardes, autour du 28e kilomètre. Mais elle a trouvé les ressources pour recoller au groupe de tête avant d’attaquer la descente.
Un scénario qui rappelle celui de son premier marathon, à Londres en avril 2023, quand elle s’était brièvement arrêtée, gênée à une hanche, avant de repartir et de finalement s’imposer.
Dans les rues de Paris dimanche matin, elles étaient encore cinq à prétendre à la victoire à deux kilomètres de la ligne d’arrivée dans le décor prestigieux de l’esplanade des Invalides. Mais personne, même pas Assefa, n’a résisté à Hassan quand elle a pris ses jambes à son cou dans un ébouriffant sprint final.
Triptyque tokyoïte
« C’est juste un sprint de 100 m. Allez Sifan. Plus qu’un. Prends-toi pour une sprinteuse », a-t-elle pensé à ce moment-là.
Hassan a habitué à se démultiplier pour des défis hors norme. Il y a trois ans aux Jeux de Tokyo, elle avait enchaîné 1 500 m, 5 000 m et 10 000m et récolté deux médailles d’or sur les deux plus longues distances, plus une en bronze. Inédit en une seule édition des JO.
« C’est la curiosité qui me pousse à faire toutes ces courses, expliquait-elle il y a quelques jours. Quand je suis à la maison, j’ai toujours envie de faire quatre ou cinq épreuves. Et une fois dans le stade, je me dis : « Bon sang, pourquoi j’ai décidé de faire ça ? ». »
« Je ne sais pas si tous les gens qui courent le marathon en ont peur ou si je suis la seule, mais je suis morte de peur avant cette course », avouait Hassan.
Ça ne l’a pas empêché d’écrire une page éblouissante de l’histoire du sport, sur une scène de prestige, entre dôme doré des Invalides, tour Eiffel et verrière du Grand Palais. Monumental, à son image.
La Française la mieux classée, Mekdes Woldu, s’est classée vingtième en 2h 29 min 20 sec. Méline Rollin a terminé 70e, en 2h 40 min 17 sec, et Mélody Julien, aux avant-postes pendant la première heure de course, 74e en 2h 42 min 32 sec.
« Marathon pour tous »
Parallèlement, couru entre Paris et Versailles sous les cris de dizaines de milliers de supporters, le « marathon pour tous », qui suit le même parcours que le marathon olympique, est une première dans l’histoire des Jeux.
Sur les 400 000 candidatures reçues, 40 048 coureurs ont été inscrits, la plupart par tirage au sort après avoir réalisé une panoplie de défis sportifs. Quelque 35 000 ont effectivement pris le départ, issus de dizaines de pays.
« C’était dur, mais il y avait une ambiance de dingue », raconte encore essoufflée Charlotte Prior, qui a avalé dans la nuit de samedi à dimanche les 42,195 km de bitume du « marathon pour tous » des Jeux olympiques de Paris pour fêter ses 50 ans dans un décor de carte postale.
« Il y avait du monde partout sur le parcours, donc on a moins senti la difficulté », assure la néo-
quinquagénaire venue de Reims (est de la France) aux vingt marathons, encouragée pour l’occasion par ses quatre enfants postés aux « 7e et 37e kilomètres ».
Les coureurs de l’épreuve reine des JO et de son petit frère, le 10 km couru uniquement dans les rues de la capitale, se sont élancés depuis l’hôtel de ville dans une ambiance de boîte de nuit, avec jeux de lumière et ambianceurs.
D’anciens champions ont aussi pris le départ, comme l’Américaine Kathrine Switzer, première femme à avoir couru un marathon en 1967, contre l’avis des organisateurs. « J’ai œuvré toute ma vie pour promouvoir le sport féminin et ce soir est un merveilleux exemple de réussite avec 20 024 femmes réunies aux côtés de 20 024 hommes », a-t-elle confié, en référence aux participants inscrits.
Il y avait aussi l’ancienne sprinteuse française Marie-José Pérec et sa compatriote ex-numéro un mondiale de tennis Amélie Mauresmo, présentes parmi les derniers relayeurs de la flamme olympique lors de la cérémonie d’ouverture.
Pendant la course, la flamme était ailleurs. La plupart avaient pris leur téléphone pour immortaliser les monuments illuminés, aperçus sur leur parcours : tour Eiffel, opéra Garnier, Louvre, château de Versailles, vasque olympique des Tuileries.
« Étoiles dans les yeux »
« C’est drôle que la course aille jusqu’à Versailles, parce que je suis allée à Versailles et normalement on prend le train, mais là j’ai couru et je suis revenue, c’est fou », exulte l’Américaine Heather Oliver, 27 ans, venue spécialement d’Alabama.
Certains courent en famille comme Wellan, 13 ans, mascotte des JO à la main, poussé par son père dans un fauteuil roulant conçu spécifiquement pour la course à pied.
« C’était un rêve de fou de se dire « pourquoi ne pas permettre aux spectateurs de participer aux Jeux » ? On a voulu qu’ils ne soient pas passifs », avait commenté avant le départ Tony Estanguet, le président du Comité d’organisation des JO.
La ferveur olympique qui a gagné la France ne s’est pas démentie. Selfies entre amis, ou même avec la police... La plupart des coureurs étaient davantage là pour le plaisir et la beauté de la nuit parisienne que pour la performance.
« C’est ma première course avec autant d’étoiles dans les yeux », reconnaît Gaspard Fleury-Vaisse, 16 ans, plus jeune coureur sur 10 kilomètres.
Réputé comme étant le plus dur de l’histoire olympique, avec ses 438 mètres de dénivelé positif et sa montée du pavé des Gardes à Chaville (Hauts-de-Seine), positionnée juste avant le « mur » du 30e kilomètre, l’épreuve a pourtant fait des dégâts chez certains.
« C’est mon huitième marathon et il est clairement trois fois plus dur que les autres », témoigne Aurélie Pelé, 35 ans, venue de Bretagne (Ouest) et qui ne s’était « pas préparée pour la côte ».
À l’arrivée sur la majestueuse esplanade des Invalides, les coureurs sont repartis avec parfois les jambes coupées, mais surtout une médaille et le sourire.
Source : AFP