Le magazine américain Time a publié jeudi une interview du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu accordée au journaliste Eric Cortellessa. Voici les points importants à retenir concernant l’éventualité d’une guerre régionale, l’avenir de Gaza ou encore la relation américano-israélienne.
Le Hezbollah et la guerre régionale
Le chef du gouvernement israélien a tout d’abord affirmé sans hésitation que l’État hébreu pouvait se défendre en même temps contre le Hamas, le Hezbollah, les houthis du Yémen et l’Iran. « Le Hezbollah devrait penser deux fois avant d’envisager ouvrir un front plus large en attaquant Israël », a-t-il averti. Concernant la perspective envisagée de faire revenir les 60 000 déplacés du nord du pays pour la rentrée de septembre, Benjamin Netanyahu n’a pas donné de date pour leur retour.
Alors que la région retient son souffle en attendant la riposte iranienne à l’assassinat du chef politique du Hamas Ismaïl Haniyé, le 31 juillet à Téhéran, le Premier ministre israélien a souligné l’importance d’une large défense contre « l’axe terroriste de l’Iran », qui affecte aussi « tous les pays de la région, y compris nos partenaires arabes ». « Plus nous sommes forts, plus nos alliances sont fortes, moins il est probable que nous ayons à mener des actions militaires », a-t-il dit. Reprenant certains éléments de son discours ovationné au Congrès américain le 24 juillet dernier, le chef du gouvernement a qualifié la guerre en cours d’« existentielle ». «Pas seulement pour notre défense, mais pour la défense de l’Occident et de la civilisation contre la barbarie », a-t-il ajouté.
Des excuses pour le 7 octobre
Dans un aveu inédit, Benjamin Netanyahu s’est excusé pour le 7 octobre. « S’excuser ? Bien sûr. Je suis profondément désolé qu’une chose pareille soit arrivée. » Une phrase reprise rapidement par d’autres médias, que le Premier ministre a exprimée après plusieurs refus de discuter des critiques qui lui ont été adressées pour la faille sécuritaire ayant permis les attaques du Hamas. « Je n’ai jamais eu d’illusions sur le Hamas. (...) Le 7 octobre a démontré que ceux qui disaient que le Hamas a renoncé à la guerre avaient tort. Je n’ai probablement pas assez remis en question cette hypothèse alors courante des agences de sécurité. » Le chef du gouvernement a en outre renvoyé à après la guerre l’examen de sa responsabilité, affirmant que ce serait une « erreur » d’ouvrir le sujet maintenant, alors qu’Israël est « au cœur d’une guerre sur sept fronts ».
Face aux 72 % d’Israéliens qui pensent que Benjamin Netanyahu devrait démissionner tout de suite ou quand la guerre sera terminée, le Premier ministre a affirmé qu’il resterait « au pouvoir aussi longtemps (qu’il) croi(t) pouvoir aider à conduire Israël vers un avenir de prospérité et de sécurité durables », précisant que « cela ne dépendait pas que de lui » mais du peuple.
Justification de la politique antérieure au 7 octobre
Le chef du gouvernement israélien a par ailleurs défendu sa politique d’avant le 7 octobre, notamment par rapport au Hamas à Gaza, blanchissant au passage le Qatar des accusations qui ont pu lui être faites d’avoir financé le mouvement islamiste, alors que l’émirat gazier joue un rôle primordial dans les négociations de trêve. Le soutien de Doha était destiné à une administration civile pour éviter un désastre humanitaire dans l’enclave, a expliqué le Premier ministre, ajoutant que cela ne l’avait « pas empêché de mener trois campagnes militaires » contre le Hamas pour « éviter qu’il n’ait la capacité d’attaquer Israël ». Justifiant le fait de ne pas avoir alors éliminé totalement le groupe, il a invoqué le manque de légitimité interne et internationale pour une invasion terrestre d’ampleur, se plaignant par ailleurs des critiques actuelles après la « pire attaque terroriste contre le peuple juif depuis l’Holocauste ».
Accord de trêve à Gaza et libération des otages
Après l’assassinat de Fouad Chokor dans la banlieue sud de Beyrouth, quelques heures avant celui d’Ismaïl Haniyé à Téhéran – que l’État hébreu refuse de commenter –, un accord de cessez-le-feu est non seulement encore possible, mais « ses chances ont augmenté », selon Benjamin Netanyahu. Pour lui, la « pression militaire » exercée sur le Hamas dans la bande de Gaza permettra la libération des otages encore détenus, mais aussi la destruction des capacités militaires du groupe et l’assurance qu’il ne gouvernera plus l’enclave.
Interrogé sur la possibilité d’un accord prévoyant la libération de tous les captifs mais qui ne mettrait pas fin au pouvoir du Hamas dans l’enclave palestinienne, le Premier ministre a répondu par la négative, soulignant que cela était un consensus en Israël et ne ferait que mener à une répétition du 7 octobre. Alors que la hiérarchie militaire a récemment multiplié les expressions de désaccord avec son gouvernement, il a déclaré que « dans une démocratie, la responsabilité décisionnelle se trouve dans les échelons politiques des dirigeants politiques ».
L’avenir de l’enclave palestinienne
« Je veux mettre fin à la guerre. Si je pouvais, je la terminerais demain. Et si le Hamas déposait les armes, se rendait, s’exilait, la guerre serait conclue immédiatement », a poursuivi Benjamin Netanyahu. Revenant sur sa vision de l’après-guerre dans l’enclave, le chef du gouvernement israélien a explicité la notion de démilitarisation, affirmant que la priorité était d’« empêcher le trafic d’armes et de terroristes depuis le Sinaï » égyptien. « C’est pour cela que j’insiste sur le contrôle permanent du couloir de Philadelphie entre l’Égypte et Gaza », a-t-il dit, alors que la question est un point de contentieux avec Le Caire pour une avancée des négociations en vue d’une trêve.
Pour le Premier ministre israélien, empêcher le Hamas de contrôler Gaza répond à deux objectifs : « éliminer un front si proche du cœur de notre pays » et « envoyer un message à tous les autres éléments de l’axe de terreur de l’Iran ». Après avoir démenti utiliser la famine comme arme de guerre, blâmant le Hamas pour le manque d’arrivée d’aide humanitaire dans l’enclave, il a dit vouloir éviter de mobiliser pour cela « une force militaire beaucoup plus importante, qui occuperait et gèrerait Gaza ». « Ce que nous souhaitons est l’élimination du Hamas, mais une administration civile pour gérer Gaza. Et nous travaillons à savoir comment le faire », a-t-il dévoilé, évoquant un « soutien potentiel de partenaires régionaux ».
Les pays arabes, l’État palestinien et la normalisation avec l’Arabie
Refusant de mentionner les pays en question, Benjamin Netanyahu a néanmoins souligné que « la défaite du Hamas servait non seulement les objectifs d’Israël, mais aussi les intérêts de paix et de sécurité de toute la région, qu’ils l’admettent ouvertement ou pas ». « En tout cas, ils nous l’ont dit lors de conversations privées », a-t-il tenu à ajouter. Alors que le Parlement israélien a récemment rejeté l’idée de la création d’un État palestinien, le Premier ministre a résumé ainsi sa « vision d’un arrangement au long terme avec les Palestiniens » : « Ils auraient les pouvoirs nécessaires à se gouverner eux-mêmes, mais pas ceux qui pourraient nous menacer. En premier lieu, la sécurité. »
Rejetant le « piège conceptuel » qui entoure la notion d’État palestinien, Benjamin Netanyahu a soutenu qu’une normalisation avec l’Arabie saoudite deviendrait plus probable une fois qu’Israël aura gagné. « Je n’ai pas renoncé à ce deal », a-t-il affirmé, malgré la condition posée par Riyad d’un engagement irrévocable sur la voie de la création d’un État palestinien, que refusent fermement les deux partenaires d’extrême droite du Premier ministre, Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich. « Je peux vous assurer d’une chose : je dirige, je prends les décisions, je formule la politique », a-t-il martelé.
Les victimes civiles à Gaza et la colonisation
Benjamin Netanyahu a défendu dans la foulée les actions menées par les militaires à Gaza, affirmant que l’armée avait pris des « mesures inhabituelles qu’aucune armée n’avait jamais prises dans l’histoire pour éviter les pertes (civiles) », établissant le ratio civils-combattants tués à « un pour un », soit « environ 15 000, ou plus... », alors que le bilan actuel du ministère de la Santé local à Gaza se rapproche des 40 000 Palestiniens morts depuis le 7 octobre. Il a aussi implicitement critiqué le refus de l’Égypte d’ouvrir ses frontières pour accueillir les réfugiés gazaouis, indiquant que le nombre élevé de civils tués était surtout lié au fait que « Gaza était bloquée, parce que la population ne peut pas aller dans le Sinaï ».
Réaffirmant qu’Israël est un pays de droit et que la justice y est indépendante et fonctionnelle, le Premier ministre a balayé les critiques d’une annexion permanente de la Cisjordanie occupée, poussée notamment par le ministre des Finances Bezalel Smotrich. « C’est tout à fait exagéré. (...) Prenez une photo satellite et comparez là, vous verrez qu’il n’y a pas ce changement dont parlent les gens », a-t-il soutenu, alors que l’État hébreu a approuvé en juillet la plus importante appropriation de terres depuis les accords d’Oslo en 1993. « Je n’ai pas cherché l’annexion. J’ai expliqué que notre objectif était de parvenir à une solution négociée. (...) Cela arrivera un jour, mais je ne vois pas cela sans des changements de fond au sein de l’Autorité palestinienne. » Benjamin Netanyahu a néanmoins insisté sur un fait : « Nous avons l’intention de rester ici. Nous ne commettrons pas plus de nettoyage ethnique contre les juifs que contre les Arabes. »
Mr Netanyahû vous saviez tout pour l’assaut du Hamas le 7 octobre mais vous avez sacrifié votre peuple pour tuer et tuer le peuple palestinien
16 h 55, le 09 août 2024