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Société - Communautés

Stéphane Doueihy et la foi dans le Liban en tant que terre de mission

Les idées et la vision du patriarche de la vocation des maronites dans une région diversifiée culturellement, où les communautés vivent ensemble dans le respect mutuel, ont posé les fondements d’un futur pays multicommunautaire.

Stéphane Doueihy et la foi dans le Liban en tant que terre de mission

Une statue du patriarche Stéphane Doueihy a été érigée récemment au siège patriarcal de Bkerké. Photo Antoine Ajoury

Dans un Liban en crise, la béatification à Bkerké du patriarche maronite Stéphane (Estéphan ou Étienne) Doueihy, sonne comme un message d’espoir pour le Liban et une invitation pour remuer la conscience des maronites et de leurs dirigeants, en s’inspirant de celui qui a toujours eu une vision claire de la place et de la mission des maronites dans leur environnement arabe et musulman.

Né à Ehden le 2 août 1630, Stéphane Doueihy est parti étudier à Rome où il passe 14 années. À son retour, il se consacre d’abord à l’enseignement, avant d’être ordonné prêtre. Il devient le 57e patriarche maronite en 1670, et ce jusqu’à sa mort le 3 mai 1704. En 2008, le pape Benoît XVI lui attribue le titre de vénérable, première étape avant sa béatification et sa canonisation.

La mission des maronites

« Stéphane Doueihy a eu la foi dans le Liban en tant que terre de mission », estime d’emblée l’évêque Joseph Naffah, responsable du comité de béatification du patriarche maronite. « Le premier message que l’on dégage de sa vie est son attachement à la terre libanaise. Il est un modèle pour les Libanais de la diaspora. Sa béatification aujourd’hui met en évidence ce lien indéfectible du patriarche avec son pays », ajoute-t-il.

Au cours des années passées à Rome pour étudier et approfondir ses connaissances religieuses et liturgiques, Stéphane Doueihy a également entrepris une recherche approfondie dans les bibliothèques et les archives italiennes sur des documents concernant le Liban et le Proche-Orient. Avant son retour, le jeune érudit a été sollicité pour enseigner la philosophie et la théologie dans plusieurs universités italiennes. Il a décliné ces offres pour retourner dans son village enseigner à ses coreligionnaires.

Il a par la suite porté un intérêt particulier pour le Collège maronite à Rome, envoyant régulièrement des élèves pour y étudier, tout en enjoignant ces derniers à revenir pour enseigner dans leurs villages respectifs.

« Le patriarche communiquait régulièrement avec eux à travers des lettres où une phrase revenait souvent comme un leitmotiv : l’Orient a besoin de qui l’instruit et le forme », explique pour sa part le professeur Tanios Njeim, ancien doyen de la faculté des lettres à l’Université Saint-Esprit de Kaslik, auteur de plusieurs ouvrages sur Stéphane Doueihy. « Il avait une vision précise concernant les maronites. Il voulait qu’ils soient des enseignants dans cet Orient, à travers leur vie, leurs valeurs, leur moralité et leurs écrits », précise-t-il.

Il visait à généraliser dans un premier temps l’enseignement parmi la communauté maronite, qu’ils soient riches ou pauvres, aristocrates ou paysans, pour que ceux-ci, à leur tour, s’acquittent d’une mission auprès des autres communautés voisines, dans le Mont-Liban et le Levant.

C’est durant son règne qu’il a donné sa bénédiction et son soutien à la création des premiers ordres monastiques maronites, ancêtres aujourd’hui de l’ordre libanais, l’ordre mariamite et l’ordre antonin, qui sont les piliers de l’enseignement dans tout le Liban, à travers leurs multiples établissements scolaires et universitaires, précise par ailleurs l’auteur.

Organiser la communauté

C’est dans le même ordre d’idées que Stéphane Doueihy a organisé l’Église maronite, un des legs majeurs laissé par le patriarche. Avant lui, la communauté maronite et son Église étaient éparpillées. Il y avait plusieurs coutumes et plusieurs références. « La vision de Doueihy de faire sortir la nation maronite de ses divisions a été à travers l’organisation, notamment dans son célèbre ouvrage le Candélabre des saints mystères où il a arrangé et unifié la liturgie maronite. C’est un exemple que devraient suivre les dirigeants libanais dans le contexte de crise gouvernementale actuelle pour que le pays reprenne vie », déclare Mgr Naffah.

Pionnier du mouvement œcuménique en Orient

« Ses idées et sa vision de la vocation des maronites dans une région diversifiée culturellement où les communautés vivent ensemble dans le respect mutuel ont posé les fondements d’un futur Liban multicommunautaire », explique par ailleurs Tanios Njeim, notamment les communautés persécutées à l’instar des maronites, des chiites et des druzes.

Durant son règne, il a subi à maintes reprises des vexations de la part des cheikhs chiites Hamadé au Liban-Nord, percepteurs d’impôts pour le wali de Tripoli. Il a dû fuir d’abord vers le Kesrouan, puis vers le Chouf pour s’installer parmi la communauté druze.

Il précède par son action le patriarche Élias Hoyek et son idée du Grand Liban, défendu au début du XXe siècle et regroupant diverses communautés religieuses vivant ensemble. Il est d’une certaine manière le précurseur de l’idée du « Liban-message » prônée par le pape Jean-Paul II au XXe siècle.

« Stéphane Doueihy voulait que la communauté maronite soit un outil de communication et de rencontre dans la région », explique l’auteur. Dans l’esprit du patriarche, les maronites ont une mission dans leur environnement arabe et musulman : ainsi, il met en exergue dans ses livres comment les derniers combattants restés fidèles jusqu’au bout à l’émir Fakhreddine étaient les maronites, avant qu’il ne capitule face aux Ottomans. Ce sont ces mêmes maronites qui assuraient la communication entre l’émir et la Toscane, notamment les ingénieurs italiens. C’étaient également les commerçants qui négociaient avec l’Europe, sans oublier les paysans qui travaillaient la terre, en cultivant et fructifiant la montagne libanaise.

Le patriarche Doueihy pratiquait l’ouverture vers les autres communautés dans sa vie, par ses écrits et ses enseignements.

En tant qu’historien, il a écrit plusieurs livres sur l’histoire des maronites. Dans son ouvrage de base, Annales (Tarikh al-azmina), il insiste sur le rôle des chrétiens en Orient, en retraçant l’histoire du Proche-Orient en général (les guerres, les événements, les catastrophes naturelles, etc.), en y intégrant l’histoire des maronites ainsi que des autres communautés libanaises qui étaient écartées de l’historisation officielle des Ottomans ou des Mamelouks.

Il a souvent insisté sur les relations positives entre les musulmans et les chrétiens. C’est le cas par exemple quand il parle de Mahomet, le « prophète de l’islam », qui « préférait les chrétiens et était charitable à leur égard ». Il a en outre fait l’éloge du règne de Fakhreddine, notamment concernant la liberté qu’il a donnée aux chrétiens.

« Il était un pionnier de l’œcuménisme. On peut le considérer comme le patron du mouvement œcuménique en Orient », affirme Tanios Njeim.

Doueihy et la langue arabe

Durant son séjour à Alep, Stéphane Doueihy a fondé le Collège maronite dans lequel il a lui-même enseigné l’arabe, l’italien et le syriaque, illustrant ainsi son enracinement oriental et son ouverture à la culture occidentale.

Le patriarche a ainsi fait la promotion de la langue arabe pour ancrer les maronites dans leur environnement géographique. C’est sous son influence directe que le synode maronite du Mont-Liban va recommander en 1735 l’enseignement obligatoire presque gratuit pour les filles et les garçons.

Il a en outre encouragé l’usage de l’arabe dans la liturgie maronite avec le syriaque, dans le but de promouvoir l’enseignement chrétien au plus grand nombre. Une petite révolution pour l’époque, mais qui contribuera indirectement à la diffusion de l’arabe dès la fin des années 1600, initiant ainsi la Nahda arabe, dont les chrétiens ont été le fer de lance, explique Tanios Njeim.

Cet événement est enfin « un message fort pour les jeunes Libanais : avec des études et un travail assidu, on peut exceller dans sa vie », affirme Mgr Naffah. « Stéphane Doueihy apporte un message d’espoir à ces Libanais qui manquent d’horizon pour l’avenir. » Il a subi maintes persécutions durant sa vie et a dû fuir à plusieurs reprises, tantôt dans les grottes de la vallée de Qannoubine, tantôt dans d’autres régions comme le Kesrouan et le Chouf. « Mais il a toujours œuvré et travaillé dur pour accomplir des choses assez grandioses durant sa vie », conclut le prélat.

Dans un Liban en crise, la béatification à Bkerké du patriarche maronite Stéphane (Estéphan ou Étienne) Doueihy, sonne comme un message d’espoir pour le Liban et une invitation pour remuer la conscience des maronites et de leurs dirigeants, en s’inspirant de celui qui a toujours eu une vision claire de la place et de la mission des maronites dans leur environnement arabe et musulman....
commentaires (1)

Stephane??? et pourquoi pas Steph?

Elementaire

08 h 37, le 03 août 2024

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Commentaires (1)

  • Stephane??? et pourquoi pas Steph?

    Elementaire

    08 h 37, le 03 août 2024

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