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Politique - Focus

La frappe sur la banlieue sud met à nu un gouvernement impuissant

Après une longue léthargie, le Conseil des ministres s’est réuni mercredi et s’est contenté de « dénoncer avec force » la frappe israélienne de mardi à Haret Hreik, évitant de provoquer le Hezbollah.

La frappe sur la banlieue sud met à nu un gouvernement impuissant

Le Conseil des ministres réuni sous la houlette du chef du gouvernement sortant, Nagib Mikati, au Sérail le 31 juillet 2024. Photo fournie par le bureau de presse de M. Mikati

Il a fallu qu’Israël frappe au cœur de la banlieue sud de Beyrouth, fief du Hezbollah, pour que le gouvernement libanais sorte de sa léthargie. Totalement passif depuis plusieurs mois, notamment depuis la frappe meurtrière samedi contre la ville de Majdel Chams dans le Golan syrien annexé, imputée par Tel-Aviv au Hezbollah, le Conseil des ministres s’est enfin réuni mercredi au Sérail, quelques heures après l’attaque israélienne à Haret Hreik ayant ciblé Fouad Chokor, grosse pointure de l’aile militaire du parti chiite.

Mais personne ne se fait d’illusions. Pragmatisme oblige, le Premier ministre sortant, Nagib Mikati, se montre, depuis le début des hostilités, conscient de ses limites face à la formation pro-iranienne. « La décision de paix et de guerre n’est pas du ressort du gouvernement », avait-il lancé quelques jours après le Déluge d’al-Aqsa. Neuf mois plus tard, rien ne semble avoir changé : le gouvernement s’est en effet contenté de « dénoncer avec force l’agression contre la banlieue sud de Beyrouth », disant « craindre le pire » si « la communauté internationale ne freine pas » Israël. Si, aux yeux de M. Mikati, la position bien dosée de son cabinet est une façon d’éviter, encore une fois, de se mettre à dos le tout-puissant Hezbollah, il reste qu’elle est surtout révélatrice de l’impuissance du Liban officiel face au parti chiite. 

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« Nous ne sommes pas en Suède », commente pour L’Orient-Le Jour un ministre qui a requis l’anonymat. « Nous avons plaidé pour la mise en application de la résolution 1701 du Conseil de sécurité (qui avait mis fin à la guerre de 2006 entre l’État hébreu et le Hezbollah)», ajoute-t-il, en référence à l’appel lancé à l’ouverture de la réunion par M. Mikati. « Nous exhortons le monde, témoin des crimes d’Israël, à le contraindre à cesser le feu et se conformer aux résolutions et lois internationales, en particulier la 1701 », a déclaré le Premier ministre. « Le Liban ne veut pas de guerre, mais cherche à défendre ses droits sans compromis », a-t-il ajouté, dans ce qui sonne comme un soutien implicite à l’implication du Hezbollah dans le conflit.

« Je suis d’accord », commente pour notre journal le leader druze Walid Joumblatt, disant continuer à parier sur les efforts de l’émissaire américain, Amos Hochstein, pour un retour au calme, « par l’intermédiaire du gouvernement et du président de la Chambre, Nabih Berry ». 

Selon les informations de L’OLJ, le Conseil des ministres n’a duré que 45 minutes. Les membres de l’équipe Mikati n’ont de toute façon pas besoin de plus de temps pour examiner un communiqué préalablement rédigé au Sérail. Toujours selon nos informations, le paragraphe portant sur l’attaque de samedi dernier contre Majdel Chams a été incorporé au texte au cours de la réunion, sous le silence des ministres du tandem Amal-Hezbollah.

Le CPL tancé pour son boycott

En dépit de son caractère « urgent » dicté par tous ces développements, la séance gouvernementale s’est tenue en l’absence des ministres gravitant dans l’orbite du Courant patriotique libre. Ceux-ci boycottent depuis décembre 2022 les Conseils des ministres tenus en période de vacance à la tête de l’État. Sauf qu’ironiquement, ce sont le ministre de la Défense, Maurice Slim, et son collègue des Affaires étrangères, Abdallah Bou Habib, qui sont les principaux concernés, ce qui ne les a pas empêchés de bouder la séance. Cette attitude a valu aux aounistes des critiques du chef du gouvernement. « Je souhaitais que ceux qui boycottent les séances ministérielles soient présents aujourd’hui, cette politique étant inutile en ces circonstances dangereuses », a-t-il lancé. Allant plus loin, le ministre de l’Information Ziad Makary a pointé du doigt un « manque du sens des responsabilités » chez ses collègues absents. « Il n’est pas normal, dans des circonstances aussi délicates, que les ministres concernés, dont ceux des Affaires étrangères, de la Défense et de l’Énergie, (Walid Fayad) s’absentent », a déploré M. Makary à l’issue de la réunion. 

« Nous sommes conscients de la gravité de la situation. Mais nous nous en tenons à notre position de principe pour exprimer notre opposition à la gestion du pays par le Premier ministre en période de vide présidentiel », rétorque Hector Hajjar, ministre des Affaires sociales. Il se dit toutefois prêt à prendre part aux réunions de la cellule de gestion des crises (affiliée à la présidence du Conseil), formée en octobre dernier pour mettre en application le plan d’urgence établi par le gouvernement en cas de guerre totale. À en croire M. Hajjar, cette cellule « ne s’est réunie qu’à deux reprises depuis le début de la guerre ». Une critique que le ministre de l’Environnement, Nasser Yassine, balaye d’un revers de la main. « La cellule suit les développements et intensifiera ses réunions dans la prochaine phase », dit-il à L’OLJ

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C’est dans le cadre des efforts de cette cellule que s’inscrivent les assurances données mercredi par le ministre de la Santé, Firas Abiad, à sa sortie du Sérail. « Nous avons des médicaments (suffisants) pour six mois », a-t-il dit, à l’heure où des responsables du secteur des carburants affirmaient, à leur tour, que le stock en essence est suffisant pour la prochaine phase.

« Tout est possible »

Parallèlement, Nagib Mikati et Abdallah Bou Habib poursuivent leurs contacts diplomatiques afin d’éviter une escalade. Le Premier ministre s’est entretenu mercredi avec l’ambassadrice des États-Unis à Beyrouth, Lisa Johnson, et son homologue français, Hervé Magro. « Nous sommes arrivés à la situation qu’on a toujours crainte (…). Tout est possible, mais nous n’avons que le choix de poursuivre nos efforts pour une désescalade », a déclaré le diplomate français à la chaîne MTV à sa sortie. Pour sa part, Abdallah Bou Habib a reçu le secrétaire général adjoint de l’ONU aux opérations de maintien de la paix, Jean-Pierre Lacroix, en présence de la représentante spéciale de l’organisation à Beyrouth, Jeanine Hennis-Plasschaert, et du commandant de la Finul, Aroldo Lazaro. Selon un communiqué du palais Bustros, M. Bou Habib a estimé que « l’option militaire privilégiée par Israël vise à mener la région vers la guerre totale (…) ». « La solution pour une paix durable au Liban-Sud passe par un cessez-le-feu et une mise en application des résolutions internationales, notamment la 1701 », a-t-il ajouté.

Il a fallu qu’Israël frappe au cœur de la banlieue sud de Beyrouth, fief du Hezbollah, pour que le gouvernement libanais sorte de sa léthargie. Totalement passif depuis plusieurs mois, notamment depuis la frappe meurtrière samedi contre la ville de Majdel Chams dans le Golan syrien annexé, imputée par Tel-Aviv au Hezbollah, le Conseil des ministres s’est enfin réuni mercredi au...
commentaires (7)

Peuple libanais reveillez-vous, parler et commenter ne fait pas tout. Lorsque vous sortirez de votre individualisme légendaire peut être existera-t-il une résistance organisée pour faire face à la fois à l’usurpateur qu’est le Hezbollah et à l’ennemi prédateur qu’est Israël.

Marie Françoise Akl

18 h 51, le 01 août 2024

Tous les commentaires

Commentaires (7)

  • Peuple libanais reveillez-vous, parler et commenter ne fait pas tout. Lorsque vous sortirez de votre individualisme légendaire peut être existera-t-il une résistance organisée pour faire face à la fois à l’usurpateur qu’est le Hezbollah et à l’ennemi prédateur qu’est Israël.

    Marie Françoise Akl

    18 h 51, le 01 août 2024

  • Comme si c'était une nouveauté ... ils sont nus depuis longtemps et complices depuis toujours.

    Zeidan

    11 h 35, le 01 août 2024

  • Mettre à nu des personnes qui se sont déculottées au premier coup de terreur de leurs allié de toujours hassouna, est un terme inadéquat et fort du café. Ils sont à poil depuis lors qu’ils ont accepté leur postes, tout sachant que c’est pour faire figuration et aider les fossoyeurs de notre république à l’achever d’une façon légitime sans qu’on puisse leur reprocher leur illégitimité puisqu’ils ont l’aval et les votes de ces impotents vendus et corrompus. Écoutez-les ncourager ces usurpateurs à anéantir notre pays pour défendre des causes ui n’ont rien à voir avec l’intérêt de notre pays.

    Sissi zayyat

    09 h 56, le 01 août 2024

  • Gouvernement…! Ha ha ha … vous qualifiez cette d’ hurluberlus de ministres faisant partie d’un gouvernement. Au mieux c’est un club d’incompétents, orgueilleux, prétentieux et surtout dégoûtants

    Lecteur excédé par la censure

    08 h 55, le 01 août 2024

  • "La frappe sur la banlieue sud met à nu un gouvernement impuissant". Impuissant parce qu’il a choisi de l’être en remettant entre les mains d’une milice illégale la décision de guerre et de paix. Par la couverture implicite (voire explicite) qu’il accorde aux actes du Hezbollah, il porte l’entière responsabilité des conséquenxces qui en découlent.

    Yves Prevost

    07 h 57, le 01 août 2024

  • Ces échanges de frappes pour ce qui concerne le Liban prouvent qu'un pays démocratique comme l'est le Liban ne peut pas et ne doit pas avoir sur son sol une milice armée de la taille d'une brigade d'infanterie mécanisée à la solde d'un pays étranger. Faute de quoi cette milice prendra fatalement en otage tout le pays puisqu'elle prend ses ordres en Iran et pas depuis les autorités légales et légitimes du Liban. Ce qu'il faudrait c'est élire un président de la république, constituer un gouvernement dont les ministres aillent au conseil des ministres, et rétablir la force de l'armée libanaise.

    CODANI Didier

    07 h 39, le 01 août 2024

  • Oups ... j'ailu "met à nu un gouvernement iinexistant"

    Wlek Sanferlou

    03 h 54, le 01 août 2024

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