Dans l’édition du 20 juin 2022 de L’Orient-Le Jour, j’écrivais en conclusion de mon texte sur la politique américaine la chose suivante : « Si les démocrates veulent éviter une défaite cuisante et humiliante, ils devraient dissuader Joe Biden de se représenter à la présidence. En clair, ils devraient lui dire : « Goodbye Mr President and good luck ». »
Nous voilà maintenant deux ans plus tard. Le débat présidentiel du 27 juin 2024 entre Biden et Trump a eu lieu et le verdict est sans appel : Biden, l’actuel président des États-Unis, est trop âgé pour briguer un second mandat. Au fur et à mesure que le débat avançait, M. Biden subissait les assauts répétés de Trump, tel un boxeur acculé dans les cordes du ring. Les démocrates eux-mêmes ont reconnu que Biden a subi une défaite cuisante et humiliante. Il divaguait et ses phrases étaient souvent incompréhensibles. Une réplique de Trump à une phrase de Biden résume bien l’incohérence de ce dernier : « Je ne sais vraiment pas ce qu’il a dit à la fin de cette phrase, et je ne pense pas qu’il le savait non plus. »
Il s’agit de la pire performance d’un candidat dans l’histoire des débats présidentiels télévisés aux États-Unis. Le Parti démocrate est en mode panique. De nombreux chroniqueurs du journal libéral The New York Times, tels que Thomas Friedman, Paul Krugman, Nicholas Kristof, et bien d’autres, supplient Biden de prendre la bonne décision en se retirant dignement et honorablement de la course à la présidentielle américaine.
Quels sont donc les scénarios à prévoir concernant la candidature de Biden ?
Scénario 1 : Biden ne se retire pas de la course présidentielle. Dans ce scénario, Biden espère que les électeurs oublieront sa piètre performance dans ce débat. Les élections américaines devraient avoir lieu le 5 novembre 2024 et beaucoup d’eau pourrait couler sous les ponts entre-temps. Cependant, le facteur temps ne joue pas en faveur de Biden. Sa capacité cognitive se détériore rapidement et il se pourrait qu’il fasse encore pire dans un prochain débat national, si celui-ci a lieu.
Scénario 2 : Biden se retire volontairement de la course présidentielle. Si Biden se retirait volontairement de la course présidentielle avant d’être officiellement nommé durant la convention démocrate en août 2024, cela créerait une situation inédite parmi les démocrates, car il n’y a aucun mécanisme pour lui ou pour quelqu’un d’autre de désigner un successeur pour la course à la présidence. Certains pourraient penser que la vice-présidente Kamala Harris deviendrait automatiquement la candidate du Parti démocrate. Cependant, cela ne serait pas nécessairement le cas, car les délégués de Biden ne sont pas automatiquement transférés à Harris lors de la convention démocrate en août 2024. Naturellement, Harris pourrait être politiquement favorisée en raison de son association avec Biden, mais les règles du parti ne donnent aucun avantage majeur au vice-président par rapport aux autres candidats potentiels. La décision reviendrait très probablement aux délégués de la convention. Ils se sont initialement engagés envers Biden et doivent donc faire preuve de loyauté. Néanmoins, puisque Biden a choisi de ne plus être candidat, les délégués sont libres de voter comme ils le souhaitent. Par conséquent, les candidats potentiels à la présidence feraient probablement pression pour solliciter le vote des délégués durant la convention démocrate en août 2024, ce qui pourrait fractionner les démocrates et créer une situation chaotique.
Scénario 3 : les démocrates veulent remplacer Biden contre sa volonté. Si Biden refuse de se retirer de la course à la présidence et que de larges composantes du Parti démocrate perdaient confiance en lui, les délégués à la convention démocrate en août 2024 pourraient théoriquement faire défection en masse. Bien sûr, ils sont censés faire preuve de loyauté absolue envers Biden et se sont engagés à le soutenir contre vents et marées. Il faut aussi souligner que la charte du Parti démocrate comprend des dispositions pour remplacer le candidat en cas de vacance. Mais cette mesure est destinée à être utilisée en cas de décès, de démission ou d’incapacité, et non pour remplacer quelqu’un qui ne souhaite pas se retirer de la course à la présidence. Néanmoins, les règles de la convention démocrate offrent une certaine marge de manœuvre aux délégués en leur demandant de voter en bonne conscience. Cependant, il serait difficile d’envisager un tel scénario chaotique car cela diviserait profondément le Parti démocrate. Les conséquences seraient potentiellement désastreuses.
Force est de constater que les démocrates ont commis une erreur stratégique monumentale en ne dissuadant pas Biden de se retirer de la présidentielle il y a quelques années. Maintenant, il est trop tard pour corriger cette énorme bévue sans provoquer une crise interne majeure au sein du parti. Les conséquences de cette décision pèsent lourdement sur la campagne actuelle, exacerbant les divisions et les incertitudes quant à la direction à suivre. La capacité de Biden à mener une campagne efficace est sérieusement remise en question, et les électeurs pourraient perdre confiance en la capacité du Parti démocrate à offrir une alternative solide face à Trump et aux républicains. Au final, les démocrates risquent de se retrouver en pleine tourmente politique, ce qui pourrait compromettre leurs chances de succès lors des élections présidentielles de novembre 2024.
Karim S. REBEIZ
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13 h 21, le 03 juillet 2024