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Économie - Réformes

Des députés libanais ressortent le plan McKinsey des tiroirs

La commission parlementaire de l'Économie veut s'inspirer de cette stratégie élaborée en 2018 pour articuler la politique budgétaire de l'État l'année prochaine.
Des députés libanais ressortent le plan McKinsey des tiroirs

Une rue piétonne dans le centre-ville de Beyrouth. Photo d'illustration P.H.B.

Le président de la commission parlementaire de l'Économie, du Commerce et de l’Industrie, le député Farid Boustany (bloc du Liban fort, rattaché au Courant patriotique libre), prévoit de « ressortir des tiroirs » le plan élaboré par le cabinet de conseil international McKinsey, réalisé avant le début de la crise, pour orienter la vision économique du budget de l’État pour 2025.

Le député s’exprimait à l’issue d’une première partie d’une réunion de la commission consacrée à ce dossier. Un second volet a été consacré à un échange des députés avec François Sporrer, le chef du service économique régional pour le Proche-Orient à l'ambassade de France au Liban, convié pour l’occasion.

Après avoir rappelé la gravité de la crise multidimensionnelle que traverse le Liban, l’intervention de M. Sporrer avait pour objectif de souligner les prémisses d’ajustements positifs du modèle économique libanais et l’amorçage de sa transition vers les secteurs productifs observé durant ces quatre dernières années. Il a indiqué que cela a été en partie possible grâce à la qualité des ressources humaines libanaises dans des filières à forte valeur ajoutée et que cet atout n'avait pas échappé aux entreprises françaises implantées au Liban. Il a en outre précisé que cet élan ne saurait être durable sans un secteur bancaire assaini, à même de jouer de nouveau son rôle de soutien à l’économie.

Lors de son point de presse centré sur le premier volet de la réunion, Farid Boustany est, lui,  parti du constat que le budget de l’État pour 2024 voté fin janvier dernier et qui organise ses dépenses et ses recettes sur l’année en cours n’avait été construit sur aucune vision stratégique, ajoutant qu’il était indispensable que celui de 2025 ne prenne pas le même chemin. Selon lui, la commission de l'Économie a décidé de se baser sur les idées du plan McKinsey « sorti des tiroirs » pour l’occasion et qu’il qualifie « d’excellent ». Ce plan va donc servir de base à des discussions entre les membres de la commission « dont la plupart sont des experts économiques ».

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La commission prévoit aussi de solliciter la Banque mondiale (BM), le Fonds monétaire international (FMI) ou encore le Conseil économique, social et environnemental libanais (CESE) pour élaborer un document stratégique. Farid Boustany prévoit que cette vision sera transmise au gouvernement, à qui revient la charge d’élaborer le projet de budget pour l’année 2025 que le Parlement sera amené à voter avant fin 2024, ou au pire en janvier 2025.

Le plan McKinsey de près de 1 300 pages avait été commandé début 2018 par le gouvernement libanais de l’époque, présidé par Saad Hariri, et réglé 1,3 million de dollars pour une mission de 6 mois. Il avait été publié en 2019 par les autorités et présentait les principaux handicaps de l’économie libanaise, déjà essoufflée moins de deux ans avant le début de la crise, ainsi que les atouts potentiels qui permettraient au pays de se relancer.

Le rapport avait été publié peu avant l'organisation de la CEDRE, la conférence de soutien qui s’était tenue le 6 avril 2020 à Paris et à l’issue de laquelle les soutiens du Liban s’étaient engagés à débloquer plus de 11 milliards de dollars en prêts et dons pour réhabiliter les infrastructures du pays. L’enveloppe ne sera jamais débloquée, les dirigeants libanais ayant failli à remplir leurs engagements de réformes formulés pendant cette conférence parrainée par la France.

La question qui se pose aujourd'hui est de savoir si les députés ont un intérêt à ressortir ce plan qui a déjà 6 ans d’existence. D’autant plus que les données sur lesquelles le rapport se base sont dépassées. La crise que traverse le pays depuis 2019 a, en effet, profondément modifié les données macroéconomiques du pays (le PIB a été divisé par deux, la monnaie a perdu 98 % de sa valeur, l’inflation a explosé). Et cela sans compter l’impact de la guerre à Gaza et de ses débordements au Liban-Sud, qui a été évalué par certaines organisations dont la Banque mondiale, qui devrait y revenir de façon détaillée dans son prochain rapport sur le Liban attendu d’ici à la fin du printemps.

Dans la colonne des arguments en faveur de la démarche défendue par Farid Boustany, il y a le fait que les auteurs du plan McKinsey se sont évertués à élaborer une vision d’ensemble de ce à quoi pourrait ressembler une stratégie de relance de l’économie libanaise. Ils ont notamment identifié six principaux leviers de croissance (diaspora, services financiers, agriculture, industrie, tourisme et économie du savoir) et proposé quelques mesures pour développer les exportations du pays sur une période de 7 ans, à l’époque. Ils ont proposé certaines pistes innovantes comme le fait de légaliser le cannabis thérapeutique (la loi a été votée en avril 2020 mais sans provoquer de bouleversement dans la façon dont cette plante est produite et commercialisée, en privilégiant l’usage récréatif).

En résumé, il pourrait y avoir des idées à reprendre de ce plan, mais l'essentiel du travail restera à faire si l’ambition des députés est vraiment d’élaborer une vision économique réaliste sur laquelle sera construit le prochain budget de l’État. Viendra ensuite le temps d’exécuter la stratégie, ce qui sera une autre paire de manche, comme souvent au Liban.

Le président de la commission parlementaire de l'Économie, du Commerce et de l’Industrie, le député Farid Boustany (bloc du Liban fort, rattaché au Courant patriotique libre), prévoit de « ressortir des tiroirs » le plan élaboré par le cabinet de conseil international McKinsey, réalisé avant le début de la crise, pour orienter la vision économique du budget de l’État...

commentaires (2)

L’économie du pays s’auto ajuste par tâtonnements successifs, il est temps d’essayer de planifier pour l’accélérer. Je note que les déposants ont payé un lourd tribu en désendettant à leur corps défendant les entreprises privées dont certaines étaient au bord du dépôt de bilan avant la crise…

Sam

10 h 50, le 25 avril 2024

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Commentaires (2)

  • L’économie du pays s’auto ajuste par tâtonnements successifs, il est temps d’essayer de planifier pour l’accélérer. Je note que les déposants ont payé un lourd tribu en désendettant à leur corps défendant les entreprises privées dont certaines étaient au bord du dépôt de bilan avant la crise…

    Sam

    10 h 50, le 25 avril 2024

  • C'est quand meme etonnant de la part de M.Boustany qui est chef d'entreprise de se lancer dans une action aussi vaine. Quel que soit le plan, il faut le financer. Le financement peut etre réalisé par les libanais ou par l'exterieur. Les libanais n'ont plus confiance ni dans l'Etat , ni dans les banques pour souscricre des bons du tresor á nouveau. Egalement ils ne paient pas d'impots. Le financement étranger n'existera pas tant qu il y a un risque que la politique libanaise s'aligne sur l'Iran, autant dire tant que le hezb dictera au gouvernement sa politique meme si c'est par consensus..

    Moi

    19 h 29, le 24 avril 2024

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