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Moyen-Orient - Éclairage

Y a-t-il un lien entre le déluge qui a inondé Dubaï et le « cloud seeding » ?

Des spécialistes démentent un potentiel rapport entre le programme d’ensemencement émirati des nuages et les pluies torrentielles tombées sur le pays mardi dernier.

Y a-t-il un lien entre le déluge qui a inondé Dubaï et le « cloud seeding » ?

Au lendemain des inondations provoquées par les fortes pluies aux Émirats arabes unis. Amr Alfiky/Reuters

Touchés par des précipitations record ayant provoqué des inondations inédites mardi dernier, qui ont fait au moins un mort dans l’émirat de Ras el-Khaïmah, les Émirats arabes unis ont reçu en l’espace d’une journée l’équivalent de deux ans et demi de pluie : 256 millimètres d’eau y ont été enregistrés, contre pas plus de 100 mm par an en moyenne.

Routes bloquées, écoles fermées, trafic aérien perturbé, les conséquences de ces inondations se font encore sentir plusieurs jours après le déluge. À tel point que la compagnie aérienne libanaise Middle East Airlines a annoncé vendredi de nouvelles annulations de vols entre Beyrouth et Dubaï, où le trafic aérien n’est toujours pas revenu à la normale.

Cet épisode météorologique exceptionnel a en tout cas fait couler beaucoup d’encre, tandis qu’un coupable a rapidement été désigné : l’ensemencement des nuages, ou cloud seeding. Remontant aux années 1940, cette technique consiste à lancer dans les nuages de petites fusées chargées de sel et d’iodure d’argent pour favoriser la condensation, forçant ainsi les gouttelettes de vapeur d’eau à s’agglomérer afin de faciliter leur chute.

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Une technique que les Émirats arabes unis ont développée en tant qu’un des principaux axes de leur stratégie pour remédier aux pénuries d’eau depuis la fin des années 1990. C’est ainsi qu’un « programme de renforcement des précipitations » a été créé en 2005 au sein du Centre national de météorologie qui a mené pas moins de 299 opérations d’ensemencement l’année dernière.

Un coupable présumé donc ciblé par les réseaux sociaux et les plateaux télévisés, évoquant la tenue d’une de ces opérations dimanche et lundi derniers par le centre météorologique du pays, basé à Abou Dhabi. En citant une source gouvernementale anonyme, le média émirati The National, contrôlé par le régime, a confirmé que des avions avaient été déployés dimanche et lundi derniers.

L’hypothèse de l’ensemencement a en tout cas pris de l’ampleur suite à l’identification de la zone la plus durement touchée dans le pays : al-Aïn, une ville située à une centaine de kilomètres de Dubaï dans les terres. Là même où se situe la base aérienne d’où sont envoyés les avions ou les drones chargés d’effectuer ces opérations. Mais qu’en est-il vraiment ?


Le mythe du « techno-solutionnisme »

Si cette théorie a fait parler la Toile, nombre d’experts n’ont pas tardé à relativiser l’importance donnée à cette prétendue opération d’ensemencement. Certains y voient surtout un faux débat qui écarte la discussion du principal responsable de cet événement : le changement climatique.

« C’est une erreur de se cacher derrière cette histoire de cloud seeding car cela voudrait dire que cet orage serait lié à une erreur de manœuvre, estime Julien Jreissati, directeur de programme au sein de la branche de Greenpeace au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Ce genre d’épisodes extrêmes est amené à devenir de plus en plus fréquent dans la région, y compris au Liban. C’est un rappel que les effets du changement climatique sont déjà là. »

« La tempête était annoncée depuis plusieurs jours et les autorités émiraties étaient au courant que beaucoup de pluie était attendue pour les prochains jours. Elles n’avaient pas besoin de procéder à une opération de cloud seeding sur des nuages aussi importants », confirmait de son côté sur Sky News Maarten Ambaum, météorologiste à l’Université de Reading en Angleterre.

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Le fait que la tempête ait commencé dans le sultanat voisin d’Oman, dont les autorités locales ont fait état du décès d’au moins 20 personnes, et où les opérations d’ensemencement ne sont pas pratiquées, remet encore un peu plus en cause la thèse de l’« accident » provoqué par un procédé visant à augmenter la probabilité de pluie d’environ 20 %, et non le volume.

Selon Julien Jreissati, l’importance accordée à cette question de l’ensemencement démontre que les autorités émiraties ne se posent pas encore les « bonnes questions » face aux problèmes posés par le changement climatique. Alors que le territoire des Émirats s’étend sur une zone amenée à devenir inhabitable pour l’espèce humaine à l’horizon 2080-2100 d’après plusieurs études scientifiques, le mythe du « techno-solutionnisme » reste ancré dans les mentalités du Golfe.

« Toute cette histoire est révélatrice de cette illusion encore très prégnante qui vend le rêve d’une technologie capable de prolonger le système de production actuel sans le remettre en question, reprend-il. Plutôt que de financer ce genre de gadgets, les Émirats et les autres pays producteurs d’énergies fossiles devraient adapter leurs infrastructures pour faire face à ce type d’événement et prendre davantage de mesures pour limiter les effets du changement climatique dont ils sont parmi les principaux responsables. »

Touchés par des précipitations record ayant provoqué des inondations inédites mardi dernier, qui ont fait au moins un mort dans l’émirat de Ras el-Khaïmah, les Émirats arabes unis ont reçu en l’espace d’une journée l’équivalent de deux ans et demi de pluie : 256 millimètres d’eau y ont été enregistrés, contre pas plus de 100 mm par an en moyenne.Routes...

commentaires (3)

Si au lieu d’investir dans le cloud seeding ils avaient construit des réservoirs géants, ils auraient après ces dernières pluies des réserves d’eau pour dix ans…

Gros Gnon

09 h 09, le 21 avril 2024

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Commentaires (3)

  • Si au lieu d’investir dans le cloud seeding ils avaient construit des réservoirs géants, ils auraient après ces dernières pluies des réserves d’eau pour dix ans…

    Gros Gnon

    09 h 09, le 21 avril 2024

  • On ne dit plus 'apprentis sorciers' , on parle plutôt de 'groupes d'experts' ?

    Denys Perrin

    17 h 29, le 20 avril 2024

    • Merci pour votre commentaire, il s'agissait bien d'une erreur, qui a depuis été corrigée. Cordialement

      L'Orient-Le Jour

      18 h 13, le 20 avril 2024

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