Dans la petite ville palestinienne de Dura, habituellement calme, les opérations israéliennes se sont multipliées récemment, choquant les habitants et illustrant la montée des tensions en Cisjordanie occupée, parallèlement à la guerre dans la bande de Gaza. "Toutes les entrées et les sorties (de la ville) se font par des barrages militaires" désormais, décrit Muhannad Amro, le maire de cette commune de 48.000 habitants située près d'Hébron.
Habituellement, la situation était "calme" à Dura, qui n'est pas connue pour être un bastion de groupes palestiniens armés, mais plusieurs opérations israéliennes récentes ont laissé un sentiment de "peur" au sein de la population, ajoute l'édile. Dura se situe dans une zone de Cisjordanie où la sécurité incombe théoriquement à l'Autorité palestinienne et où l'armée israélienne n'est pas censée intervenir.
Mais elle a fait des incursions régulières pour des "opérations anti-terroristes" depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza, qui a entraîné une intensification des violences en Cisjordanie.
La guerre à Gaza a été déclenchée le 7 octobre par une attaque sans précédent du Hamas dans le sud d'Israël qui a entraîné la mort d'au moins 1.160 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP à partir de données officielles israéliennes. Les opérations militaires lancées en représailles par Israël ont fait plus de 30.600 morts, en majorité des civils, selon le ministère de la Santé du mouvement islamiste.
"S'éloigner des fenêtres"
Depuis le 7 octobre, selon l'Autorité palestinienne, plus de 420 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie par les forces israéliennes ou des colons. Des centaines d'autres ont été arrêtés.
"On ne sait pas quand ça va arriver, ni ce qui va se passer", dit le maire, "on peut seulement se mettre hors de la route" des soldats, "s'éloigner des fenêtres..." "L'économie, qui n'était déjà pas en forme, est à l'arrêt, les écoles donnent leurs cours à distance, il y a des employés qui ne veulent plus sortir de chez eux parce qu'ils ne veulent pas passer les barrages", poursuit-il.
Selon la mairie de Dura, 8 personnes ont été tuées dans la ville depuis le 7 octobre, notamment lors de confrontations avec l'armée israélienne.
Tuée le 15 janvier par des tirs israéliens selon les autorités palestiniennes, Ahed Mahmoud Mohammed, presque 21 ans et mère d'une petite fille de moins d'un an, était alors sur le toit d'une maison et cherchait, selon sa famille, à comprendre où passaient les véhicules de l'armée car son mari était sorti chercher à manger. "Elle voulait lui faire signe pour qu'il évite d'avoir des problèmes avec l'armée", explique sa soeur, Sumoud Amter, qui a "l'impression que la tristesse ne (la) quittera plus".
Bahaa al-Masalmeh, 27 ans, son mari, se dit "là sans être là (...) vidé de (sa) raison d'être" depuis la mort de son épouse. Sa fille Ayloul, en layette soignée, joue avec des clés de voiture sur ses genoux. A l'inverse, le père de Bahaa, Sami Ahmed al-Masalmeh, confie être habité depuis par une "colère très profonde". Les Israéliens "veulent nous mettre à genoux, mais nous aimons la vie, nous gardons la tête haute", assure-t-il.
"Peur de mourir"
Commerçant de 36 ans, Bahaa Abu Ras dit, lui, avoir été utilisé par l'armée israélienne comme bouclier humain.
Il raconte que des soldats sont venus dans sa boutique de téléphones pour savoir s'il vendait des drones. Après quoi il dit avoir été frappé et forcé à précéder les soldats, une arme contre sa nuque, afin qu'ils puissent remonter à bord de leurs jeeps sans être pris pour cibles.
"Je n'en reviens toujours pas, la peur de mourir ne m'a pas quitté depuis", explique ce père de quatre enfants, qui craint que cela ne lui arrive "à nouveau, à tout moment".
Sollicitée par l'AFP, l'armée israélienne n'a pas répondu aux questions concernant Mme Mohammed et M. Abu Ras mais a "rejeté catégoriquement l'idée qu'elle ait utilisé un +bouclier humain+".
Selon les autorités palestiniennes, des dizaines de personnes ont été blessées, certaines gravement, au cours des incursions à Dura. Les ambulanciers de la ville affirment avoir été visés par des tirs à plusieurs reprises. "Nous n'avons pas d'armes, nous voulons vivre chez nous, nous sommes juste des êtres humains normaux, c'est si difficile à croire?", lâche un habitant de la ville, qui refuse de donner son nom, craignant pour sa sécurité.
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