La justice britannique a confirmé vendredi la déchéance de nationalité de Shamima Begum, une Londonienne qui a rejoint le groupe Etat islamique (EI) quand elle était âgée de 15 ans, cas emblématique au Royaume-Uni de la question du retour des familles de jihadistes.
La cour d'appel a rejeté « à l'unanimité » l'appel de Shamima Begum, désormais âgée de 24 ans, contre cette décision prise en 2019, a déclaré la juge Sue Carr.
Vivant actuellement dans un camp en Syrie, la jeune femme, qui se dit victime d'un trafic et dont un premier recours avait été rejeté, ne peut donc pas rentrer au Royaume-Uni. « On peut soutenir que la décision dans le cas de Mlle Begum était sévère, mais on peut aussi soutenir que Mlle Begum est responsable de son propre malheur », a déclaré la magistrate en rendant la décision.
La tâche de la cour était de dire si la décision de déchéance de nationalité était illégale. « Nous avons conclu que ce n'était pas le cas et l'appel est rejeté », a déclaré la magistrate.
L'avocat de Shamima Begum, Daniel Furner, a déclaré que sa défense continuerait « le combat jusqu'à ce qu'elle obtienne justice et rentre chez elle ».
Mariée à un jihadiste
Au Royaume-Uni, son affaire est emblématique de la question délicate du retour des familles de jihadistes capturés ou tués en Syrie et en Irak depuis la chute en 2019 du « califat » de l'EI.
Shamima Begum avait quitté Londres début 2015 avec deux amies. Sa défense la présente comme la victime d'un trafic mis en place par l'EI afin de la donner en mariage. En Syrie, elle a épousé quelques jours après son arrivée un jihadiste de l'EI de huit ans son aîné et a eu deux enfants morts en bas âge.
Après avoir fui les combats, elle s'est retrouvée en février 2019 dans un camp syrien. Alors enceinte d'un enfant mort peu après sa naissance, ce qui a suscité des critiques contre le gouvernement britannique, elle a exprimé le souhait de rentrer au Royaume-Uni. Mais sa déchéance de nationalité avait été prononcée en 2019 par le ministère de l'Intérieur britannique pour raisons de sécurité nationale.
Une déchéance « illégale » selon une autre avocate de la jeune femme, Samantha Knights, qui a dénoncé lors de l'audience en octobre devant la cour d'appel à Londres les « failles étatiques » et l'échec des autorités à empêcher le départ à l'époque de l'adolescente.
De son côté, l'avocat du ministère de l'Intérieur James Eadie avait fait valoir que « le fait que quelqu'un soit radicalisé, et ait pu être manipulé, n'est pas en contradiction avec l'appréciation qu'il pose un risque pour la sécurité nationale ».
« Si le gouvernement pense que Shamima Begum a commis une infraction, elle devrait être poursuivie devant un tribunal britannique. La déchéance de nationalité n'est pas une réponse », a réagi vendredi la directrice de l'ONG britannique de défense des droits humains Reprieve, Maya Foa.
Le ministère de l'Intérieur a lui salué la décision de la cour d'appel. « Notre priorité reste de maintenir la sécurité du Royaume-Uni et nous défendrons vigoureusement toute décision prise à cette fin », a souligné un porte-parole du Home Office.
Début 2020, la Commission spéciale chargée des appels en matière d'immigration avait jugé que la décision de lui retirer sa nationalité ne faisait pas de Shamima Begum une apatride, car elle était bangladaise par ses parents. Mais Dacca a refusé de l'accueillir.
La dernière décision rendue début 2023 dans ce dossier a reconnu qu'il existait une « suspicion crédible » que Shamima Begum ait fait l'objet d'un trafic vers la Syrie à des fins d' »exploitation sexuelle » et aussi que des services de l'État aient commis des « manquements » en la laissant se rendre dans ce pays. Mais le juge a estimé que cette « suspicion » était « insuffisante » pour que les arguments de la défense l'emportent.
En 2020, la jeune femme avait suscité l'indignation au Royaume-Uni dans une interview où elle n'avait exprimé aucun regret, et arborait un voile noir intégral. Elle avait supplié l'année suivante le gouvernement britannique de la laisser rentrer.
Les plus commentés
Khamenei désormais seul face à l’abîme
« Ne vous brûlez pas les doigts », lance le porte-parole du Hezbollah à ceux qui misent sur la défaite du parti
Le président du Parlement iranien se rend sur le site d'une frappe israélienne meurtrière à Beyrouth