Le consortium composé par TotalEnergies, l'Italien Eni et QatarEnergy n'a pas signé dans les délais les contrats pour l'exploration et l'exploitation des blocs 8 et 10 de la Zone économique exclusive (ZEE) du Liban et n'a pas réclamé d'extension, probablement en raison de son refus de certaines conditions posées par l'État libanais. Un refus qui remet une nouvelle fois en jeu ces deux blocs dans le cadre d'un troisième appel d'offres, a affirmé à L'Orient-Le Jour le ministre sortant de l'Énergie, Walid Fayad.
Ce nouveau rebondissement vient donc une nouvelle fois ralentir l'attribution des licences pour les blocs restants de la ZEE, après que le second round mettant en jeu a été reporté à plusieurs reprises depuis son lancement en 2019, faute de candidats, sur fond de crise multidimensionnelle au Liban.
Le délai à l'issue duquel les trois entreprises devaient signer les deux contrats, un pour chaque bloc situé à la frontière avec les eaux israéliennes, à l'extrême sud de la ZEE, expirait samedi. Mais « le consortium ne s'est pas manifesté, ni de vive voix, ni par écrit, pour demander une extension », qui peut être accordée par une décision du Conseil des ministres.
Études sismiques
TotalEnergies, Eni et QatarEnergy avaient déposé début octobre deux offres pour les blocs 8 et 10 de la ZEE, après plusieurs lancements, infructueux, du second round d'attribution de licences pour ces deux zones. Ces propositions ont été étudiés par la Lebanese Petroleum Association (LPA), qui a présenté au ministre Fayad des ajustements. Le dossier complet a ensuite été soumis lors d'un Conseil des ministres à la mi-janvier. S'étant abstenues de signer les contrats, il semble donc que les trois compagnies ont refusé « deux des conditions fixées » par l'État libanais et validées dans la version des contrats approuvée par le Conseil des ministres, selon M. Fayad.
« La première concerne le délai pendant lequel, dans le cas où le contrat est signé, le consortium peut décider de mener ou pas les études sismiques en 3 dimensions pour le bloc 8, une opération qui coûte entre 10 et 15 millions de dollars », a expliqué le ministre. « Le consortium demandait une période d'un an » pour mener cette opération, afin d'attendre les résultats détaillés du forage du bloc 9, mais le Liban a estimé que trois mois étaient suffisants, vu que ces résultats étaient attendus en mars. Le lancement de cette étude sismique n'a pas été lancée précédemment en raison des troubles liés à la guerre à Gaza.
L’étude sismique en 3D est une technique d’imagerie des sols qui permet aux compagnies pétrolières d’avoir une meilleure lecture du potentiel en hydrocarbures des zones étudiées et limite ainsi les risques pour elles d’effectuer des forages qui ne déboucheraient sur aucune découverte. Le déploiement d’une plateforme de forage nécessitant de lourds investissements et coûts, les sociétés qui effectuent ce type d’étude vendent généralement cher les résultats aux compagnies qui sont potentiellement intéressées à acquérir le droit de prospecter sur un territoire donné. L’imagerie sismique en 3D est généralement effectuée après un autre type d’étude, en 2D, qui est assimilable à une première échographie des sous-sols et en utilisant une autre technologie spécifique.
Délai pour le forage ou pas d'un puits d'exploration
La seconde condition de l'État, qui n'aurait pas été acceptée par le consortium selon le ministre de l'Énergie, concerne « le délai pendant lequel le consortium peut décider de forer ou pas un puits d’exploration ».
« Le Liban avait fixé un délai d'un an comme le prévoient les conditions établies dans les décrets-cadres, mais le consortium voulait l'étendre à deux ans. Nous avons finalement proposé un an et demi, mais le consortium ne semble pas l’avoir accepté », précise M. Fayad. Selon lui, ce refus n'est pas lié à un « désaccord au niveau des conditions financières, ni de la préférence nationale que le Liban a demandée pour les embauches ». Ces conditions étaient relatives notamment à l'imposition d'un minimum de 80 % « de recrutement de Libanais » par les sociétés détentrices des licences d’exploration et d’exploitation.
Les blocs 8 et 10 sont donc officiellement remis en jeu, dans le cadre du troisième round d’attribution de licences, qui a été validé en janvier par le Conseil des ministres et concerne tous les blocs restants de la ZEE. La date limite pour le dépôt des offres est fixée au 2 juillet 2024.
Le processus d'attribution de licences d’exploration et d’exploration de la ZEE libanaise avait été lancé en 2017. En 2018, le consortium TotalEnergies/Eni/Novatek a remporté les premières licences pour les blocs 4 et 9. L’exploration du bloc 4 (situé en face des côtes de Batroun, au Liban-Nord) a été réalisée en 2020 et n’a pas permis de détecter un gisement exploitable. En octobre 2023, le consortium a fini par rendre sa licence pour ce bloc et ne pas y continuer ses opérations. Le processus d’exploration du bloc 9 de la ZEE a, lui, été retardé plusieurs années, et il a fallu attendre que le Liban et Israël signent en octobre 2022 un accord historique délimitant enfin leur frontière maritime pour qu’il redémarre. Lancé l’année suivante, le forage d’exploration de gaz offshore dans le bloc 9 n’a pas permis de trouver de traces de gaz.
S’il semble plus facile pour le Liban de tenter de renégocier avec le consortium les termes du contrat pour les blocs 8 et 10, plutôt que de les réintégrer dans le troisième round d'attribution, dont le succès n'est pas garanti au vu des nombreux obstacles rencontrés ces dernières années, le Conseil des ministres doit-il envisager de débattre de cette question alors que le consortium ne s’est même pas donné la peine de se manifester avant la fin du délai prévu pour la signature des contrats ?
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10 h 02, le 19 février 2024