L'Arabie saoudite envisage d'autoriser pour la première fois la vente d'alcool aux diplomates non musulmans, ont indiqué mercredi à l'AFP deux sources au fait du dossier, modifiant ainsi les règles strictes régissant l'alcool dans ce pays conservateur.
L'alcool « sera vendu aux diplomates non musulmans » qui devaient auparavant importer de l'alcool par le biais d'une valise diplomatique ou d'un colis officiel scellé, a indiqué l'une des sources.
Les ventes auront lieu dans un magasin du quartier diplomatique de Riyad, un quartier de missions étrangères et de résidences à l'ouest du centre-ville, selon un document vu par l'AFP. L'accès au magasin sera limité aux personnes qui s'inscrivent sur une application connue sous le nom de Diplo App, et des quotas mensuels seront appliqués, selon le document.
La loi de prohibition est en vigueur en Arabie saoudite depuis 1952, peu après qu'un des fils du roi Abdulaziz, ivre, eut abattu un diplomate britannique dans un accès de colère.
Des rumeurs ont circulé pendant des années selon lesquelles l'alcool deviendrait disponible dans le royaume du Golfe au milieu d'une vague de réformes sociales introduites dans le cadre du programme Vision 2030 du prince héritier Mohammed Ben Salmane, parmi lesquelles l'introduction de cinémas et de festivals de musique mixtes.
Un communiqué du gouvernement saoudien a déclaré mercredi que les autorités introduisaient « un nouveau cadre réglementaire (...) pour lutter contre le commerce illicite de biens et de produits alcoolisés reçus par les missions diplomatiques ».
« Le nouveau processus se concentrera sur l'attribution de quantités spécifiques de produits alcoolisés lors de l'entrée dans le Royaume afin de mettre un terme au processus antérieur non réglementé qui entraînait un échange incontrôlé de ces produits dans le Royaume », poursuit le texte. Cette politique « continuera de garantir que tous les diplomates des ambassades non musulmanes ont accès à ces produits dans des quotas spécifiques », ajoute le communiqué.
Des règles strictes
L'accès au magasin du quartier diplomatique « est strictement réservé aux non-musulmans », selon le document vu par l'AFP. « Aucune personne âgée de moins de 21 ans n'est autorisée à entrer dans le magasin » et « une tenue vestimentaire correcte est exigée », précise le document.
Les personnes qui s'inscrivent sur l'application ne peuvent pas envoyer des parents, des chauffeurs, des assistants ou des collègues à leur place, précise le document. L'utilisation de téléphones portables est également interdite dans le magasin.
Dans le cadre du système de quotas, les personnes autorisées à accéder au magasin pourront acheter 240 « points » d'alcool par mois. Un litre de spiritueux vaut six points, un litre de vin trois points et un litre de bière un point.
La déclaration du gouvernement saoudien indique que peu de choses changeront dans l'immédiat pour la grande majorité des 32 millions d'habitants de l'Arabie saoudite, qui ont peu de moyens de s'adonner à l'alcool, à moins d'être prêts à se rendre à l'étranger.
En dehors des réceptions organisées dans le quartier diplomatique, ils peuvent fabriquer du vin maison ou se tourner vers le marché noir, où les bouteilles de whisky peuvent atteindre des centaines de dollars à l'approche de fêtes comme le Nouvel An.
Rivalité régionale
La Vision 2030 vise à transformer le premier exportateur mondial de pétrole brut en un centre d'affaires, de tourisme et de sport, jetant ainsi les bases d'une économie post-pétrolière. La nouvelle de mercredi est intervenue alors que l'Arabie saoudite est de plus en plus en concurrence avec ses voisins, en particulier Dubaï dans les Émirats arabes unis, pour attirer les investissements étrangers et les dollars du tourisme. Ce mois-ci, par exemple, les autorités ont mis en œuvre une règle obligeant les multinationales à établir leur siège régional en Arabie saoudite, sous peine de perdre des marchés publics.
L'alcool est disponible dans une myriade d'hôtels, de restaurants et de bars à Dubaï. Au Qatar, pays voisin, l'alcool est servi aux non-musulmans de plus de 21 ans dans les hôtels et les restaurants disposant d'une licence.
L'année dernière, l'Arabie saoudite a obtenu les droits d'accueil de l'Expo 2030 et de la Coupe du monde de football en 2034, ce qui a alimenté les spéculations selon lesquelles l'interdiction de l'alcool pourrait être levée, ou du moins affaiblie par des exceptions dans des endroits comme NEOM, une mégalopole futuriste prévue pour 500 milliards de dollars.
Toutefois, l'alcool étant interdit par l'islam, la question reste très sensible dans ce pays qui abrite les sites les plus sacrés de la religion dans les villes de La Mecque et de Médine. En vertu de la loi saoudienne, la consommation ou la possession d'alcool est passible d'amendes, de peines de prison, de flagellation publique et d'expulsion pour les étrangers en situation irrégulière. Jusqu'à mercredi, les autorités saoudiennes avaient écarté toute idée de changement majeur de politique.
« La réponse courte est que nous allons continuer à appliquer nos lois actuelles », a déclaré la vice-ministre du tourisme, la princesse Haifa Al Saud, lorsqu'elle a été interrogée directement sur la question lors du Forum économique mondial de Davos en 2022.
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