Réduite depuis plusieurs années à un état de latence, l’Autorité palestinienne bénéfice depuis plus de trois mois d’un coup de projecteur. Plébiscitée par Washington pour administrer la bande de Gaza post-Hamas, l’entité gouvernementale, qui exerce un pouvoir limité dans certaines parties de Cisjordanie, est perçue par l’administration Biden comme la meilleure option pour une gouvernance palestinienne unifiée, comprenant l’enclave ravagée par la guerre et le territoire occupé. Pas plus tard que mercredi, lors de sa tournée au Moyen-Orient, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a encouragé les « réformes administratives » de Ramallah, conformément à la volonté des États-Unis de voir naître une « Autorité palestinienne réformée ». Depuis Bahreïn où il s’est rendu après avoir rencontré Mahmoud Abbas à Ramallah, le secrétaire d’État américain a déclaré que le président palestinien avait accepté « d’aller de l’avant et de s’engager dans certains de ces efforts », et qu’il était prêt à « réformer » l’entité gouvernementale de Cisjordanie, éprouvée par la corruption, l’autoritarisme et l’inaction.
Bureaucraties parallèles
Un scénario crédible ? Chassée de Gaza en 2007 – après avoir administré la bande de terre suite aux accords d’Oslo (1993) et y avoir exercé un contrôle intégral une fois les derniers colons israéliens évacués en 2005 –, l’Autorité palestinienne ne dispose en théorie d’aucune présence dans l’enclave. Grand perdant du scrutin législatif de 2006, le Fateh n’avait pas digéré son échec consacrant la victoire du mouvement islamiste. À l’issue de combats entre les deux factions, le Hamas prenait de facto le contrôle de la bande de Gaza, tandis que l’Autorité palestinienne asseyait son pouvoir en Cisjordanie, actant leur rupture politique. Mais en pratique, cette dernière institution a continué à assurer un rôle à Gaza. Dans un entretien accordé fin décembre à la chaîne de télévision égyptienne ON, Mahmoud Abbas a affirmé que Ramallah débourse 140 millions de dollars chaque mois pour payer ses fonctionnaires et ses services dans l’enclave. « Nous n’avons pas besoin de retourner à Gaza, nous y sommes déjà », a-t-il répété à plusieurs reprises. Selon une source diplomatique européenne ayant requis l’anonymat, l’Autorité palestinienne verse des salaires à près de 40 000 salariés de la fonction publique à Gaza, notamment dans les secteurs de la santé et de l’éducation.
« La scission entre le Hamas et l’Autorité palestinienne a créé des bureaucraties parallèles, souligne Omar Rahman, analyste à l’institut de recherche Middle East Council on Global Affairs basé à Doha. Les fonctionnaires qui étaient employés par l’Autorité avant 2007 ont continué à recevoir leurs salaires de Ramallah. » Un financement tiré des fonds qu’Israël reverse mensuellement à l’Autorité palestinienne après avoir prélevé des droits de douane et autres taxes sur les importations et les exportations palestiniennes, mais dont l’État hébreu ne cesse de bloquer des parts de plus en plus importantes sous prétexte que l’argent pourrait parvenir au Hamas. Parmi ces employés gazaouis, « certains sont dans les faits sans emploi, Ramallah ayant exhorté les membres du Fateh à rester chez eux en guise de protestation après le coup de force du mouvement islamiste, commente Tahani Moustafa, analyste de la Palestine à l’International Crisis Group. D’autres ont depuis repris une activité, lorsque certains encore ont rejoint la “résistance” ».
Refus d’Israël
Plusieurs obstacles se dressent pourtant contre un retour de l’Autorité palestinienne à Gaza. Depuis que ce scénario a été sérieusement envisagé par Washington, Mahmoud Abbas a insisté sur le fait qu’une telle éventualité ne pouvait avoir lieu qu’après le départ des troupes israéliennes et dans le cadre d’un plan diplomatique pour une solution à deux États. Si ces conditions ne sont pas remplies, « l’Autorité palestinienne sera simplement coincée en tant que sous-traitante de la structure d’occupation israélienne, comme c’est le cas en Cisjordanie », observe Omar Rahman. Mais ces demandes s’opposent fermement à la volonté d’Israël, qui n’a eu de cesse au cours des dernières années de soutenir un Hamas renforcé afin de saper le pouvoir à Ramallah et la voie vers un État palestinien. Plus de trois mois après l’attaque du Hamas contre l’État hébreu, Benjamin Netanyahu joue le temps long pour repousser l’heure des comptes une fois la guerre terminée, évitant soigneusement les discussions sur le jour d’après à Gaza. Jusqu’à présent, le Premier ministre israélien a officiellement rejeté tout rôle de l’Autorité palestinienne dans la bande de terre, suscitant le ressentiment de Washington. Selon quatre fonctionnaires américains cités dimanche par Axios, Joe Biden est de plus en plus frustré par Benjamin Netanyahu et son refus d’accéder à la plupart des demandes de l’administration démocrate liées à la guerre, parmi lesquelles le plan américain pour une « Autorité palestinienne réformée » exerçant un rôle dans la bande de Gaza post-Hamas. Selon certaines de ces sources, la Maison-Blanche aurait également estimé que la confiscation par le Premier ministre israélien des recettes fiscales palestiniennes entravait les efforts des États-Unis pour promouvoir des réformes au sein de l’Autorité palestinienne. De son côté, Mahmoud Abbas aurait insisté auprès d’Antony Blinken sur le fait qu’il était prêt à former un nouveau gouvernement, à la demande de Washington, mais que les fonds retenus par Tel-Aviv l’empêchaient de fonctionner comme il se doit.
Des limites auxquelles s’ajoute la réalité sur le terrain. Désavouées depuis plusieurs années par les Palestiniens de Cisjordanie, les autorités de Ramallah seraient accueillies avec la même défiance par la population de Gaza. Sans compter le regain de popularité dont semble avoir bénéficié le Hamas depuis la guerre dans l’enclave palestinienne, mais surtout en Cisjordanie. Selon un sondage réalisé du 22 novembre au 2 décembre par le Centre palestinien de recherche sur les politiques et les enquêtes (PSR), 42 % des habitants de Gaza soutiennent le Hamas, contre 38 % au début de la guerre. En Cisjordanie, 44 % des Palestiniens affirment soutenir le mouvement islamiste, contre 12 % en septembre. Des chiffres qui contrastent avec le discrédit affiché à l’égard de Mahmoud Abbas, dont 88 % des habitants au total dans la bande de terre et dans le territoire occupé souhaitent la démission. « L’Autorité palestinienne a besoin de temps pour développer de bons rapports avec la population locale face au niveau de rejet qui peut s’abattre sur elle, suggère Tahani Moustafa. Elle tente de se trouver une place qui puisse garantir sa survie et tâter le terrain pour affirmer sa pertinence d’une manière qui ne compromette pas sa légitimité. »
Pour contrer ce défi, certaines personnalités palestiniennes ont récemment suggéré que le Hamas intègre une nouvelle gouvernance palestinienne sous le parapluie de l’Autorité palestinienne. « Il y a une certaine confusion parmi les déclarations des responsables de l’Autorité et du Fateh, note Abdalhadi Alijla, chercheur palestinien en sciences sociales et politiques. Certains d’entre eux disent qu’il faut intégrer le Hamas, mais ni l’Autorité ni le Fateh n’ont jusqu’à présent d’agenda politique, ce qui sème encore plus le trouble. » Une option à laquelle s’opposerait certainement Washington, dont l’idée d’une « Autorité palestinienne réformée » reste teintée de flou. Selon des responsables américains cités par Axios à la mi-décembre, l’administration Biden souhaite que Mahmoud Abbas entreprenne des réformes de grande envergure en injectant du « sang neuf » à la tête du pouvoir à Ramallah, dont le président, âgé de 87 ans, n’a cessé de repousser la tenue d’élections législatives par peur qu’un scrutin ne bénéficie à des listes dissidentes en faveur du Hamas. « Lorsque les Américains parlent d’une Autorité réformée, ils ne parlent pas vraiment d’élections, car celles-ci peuvent produire les résultats de 2006, précise Tahani Moustafa. Ils pensent plutôt à l’image de l’Autorité palestinienne afin de donner l’impression qu’il s’agit d’institutions fonctionnelles et que les pouvoirs ne sont plus concentrés entre les mains d’un seul homme et de quelques conseillers. »
commentaires (4)
-LA SIONISTE HYPOCRISIE. -VEUT VOS AUTORITES CHOISIR. -A GAZA, EN CISJORDANIE, -POUR A JAMAIS VOUS DESUNIR. -REVEILLEZ-VOUS TOUS LES BARBUS, - QUI REVASSEZ NUIT COMME JOUR, -VOUS RISQUEZ D,ETRE LES VAINCUS, -BERCES DES SERMENTS DE L,AUTOUR. -NAIFS QUI CROIENT QUE L,EPERVIER, -S,EST BRUSQUEMENT MUE EN VERDIER.
LA LIBRE EXPRESSION
21 h 29, le 16 janvier 2024