« Karkha, c’est l’archétype du village libanais plein d’authenticité, de culture et d’héritage », confie d’emblée le réalisateur Nassif al-Rayess à L’Orient-Le Jour. Récompensé du prix du meilleur film arabe au Cannes World Film Festival en août 2023, son documentaire dramatique Karkha : a village from Lebanon (Karkha, un village du Liban ) explore le grand thème de l’émigration à travers cette localité du Liban-Sud, dans le caza de Jezzine.
Ce documentaire est le premier épisode d’une série intitulée Home and Heroes produite par l’ONG Public Matters Lebanon. Après les innombrables vagues de migrations du peuple libanais depuis plus de 150 ans, de l’époque de l'Empire ottoman, en passant par le mandat français, la guerre civile et la crise économique actuelle, l’émigration libanaise a changé de forme jusqu'à devenir non pas une fuite, mais une hémorragie des cerveaux. Cette série met en lumière les élites libanaises qui sont parties du pays un jour, sans pour autant rompre les liens avec leur terre d’origine. Bien au contraire, elles se sont investies d’une mission : contribuer au développement et au redressement de leur village natal.
« J’ai été approché par Julie BouChakra, la fondatrice de Public Matters Lebanon, avec la bonne idée d’un film qui parle de la façon dont les émigrés apportent un réel changement dans leur pays d’origine. Elle m'a présenté à Charlie Hanna, un mécène originaire de Karkha, animé d’une passion pour l’art mais aussi de la volonté de participer à la reconstruction de son pays en commençant par son village », explique le réalisateur.
Le film se déroule donc dans le village de Karkha et dévoile son histoire de depuis le XVIIe siècle jusqu’à aujourd’hui. Loin de la vision négative véhiculée sur le pays, le réalisateur se concentre sur les éléments positifs qui relient les générations entre elles et met en avant leur résilience.
L’esthétique du film joue un rôle essentiel durant ces 45 minutes de pure nostalgie, al-Rayess ayant décidé de travailler avec pas moins de sept directeurs de la photographie aux styles différents. Tout en réussissant le tour de force de donner à son film une vision artistique bien particulière et cohérente. Quant aux acteurs du film, ce sont tous des locaux de Karkha. « Leur passion est inoubliable et leur présence dans chaque scène renforce le sentiment de nostalgie. Tout en gardant à l'esprit qu'il s'agissait de leur première expérience devant la caméra, leur naturalisme et leur amour pour leur terre ont donné du piment à ce drame », souligne le réalisateur.
L’émigration au cœur du sujet
L’objectif de la série Home and Heroes est de susciter un impact positif contagieux entre les villages. Convaincus que le Liban possède un riche patrimoine et une histoire pleine de réussites qui valent la peine d'être montrées au monde entier, les réalisateurs de la série estiment qu’il ne s'agit pas uniquement de mettre en lumière les villages libanais, mais de trouver également des histoires cachées qui relient les communautés libanaises à travers le monde... « Le développement produit à travers les émigrants libanais qui ont réussi est l'une des voies possibles vers l'amélioration du pays », observe Nassif al-Rayess.
À travers son film, ce dernier a voulu avant tout s’adresser aux enfants du pays en leur disant : « Cultivez-vous... Lancez de nouvelles idées et ne laissez pas le sentiment d’appartenance vous empêcher de réaliser vos rêves... Et si votre destin vous emporte hors du Liban, n'oubliez pas où vous êtes nés... N'oubliez pas votre patrie. »
Pour la suite de la série, rien n'est encore annoncé. Avec la situation actuelle où tout reste précaire, il faudra s'armer... de patience.
« Karkha : a village from Lebanon » est projeté du 11 au 14 janvier au théâtre Monnot. Billets chez Antoine Ticketing.