À Gaza, même les cimetières sont pris pour cible

Comme si près de 19 000 morts ne suffisaient pas, ils s’en sont pris à ceux qui reposaient déjà en paix. Ces quelques semaines, la dernière demeure de nombreux Palestiniens a été désacralisée par des opérations israéliennes durant l’incursion terrestre de l’État hébreu dans la bande de Gaza, qui a débuté le 21 octobre. Selon une analyse satellite et vidéo conduite par le New York Times, les forces israéliennes ont partiellement détruit au moins six cimetières dans le nord de Gaza depuis le début de leur offensive au sol dans l’enclave palestinienne, la plupart au cours des dernières semaines. Il pourrait s’agir de crimes de guerre si l’impérieuse nécessité militaire qui justifierait une telle opération contre un site civil n’était pas prouvée.

À Shajaiyeh, dans ce quartier de la ville de Gaza récemment théâtre d’intenses combats, des véhicules blindés et des fortifications en terre ont été identifiés sur des images satellite datant du dimanche 10 décembre, en lieu et place de ce qui était quelques jours plus tôt des pierres tombales dans le cimetière tunisien. Une position militaire improvisée sur un site civil et religieux, sans qu’Israël ne fournisse jusqu’à présent de raisons expliquant le choix de cette localisation. D’autres positions temporaires, qualifiées de protectrices par le New York Times, avaient déjà été érigées par l’armée israélienne en divers points de l’enclave afin de permettre son avancée dans la bande de Gaza. Un kilomètre plus loin, direction nord-ouest, c’est le petit cimetière Ben Marwan qui a été partiellement rasé après l’arrivée de l’armée israélienne dans le quartier, rapporte Jake Godin, reporter pour Bellingcat, qui a analysé des vidéos et images satellite relatives aux destructions de dernières demeures de Gazaouis dans le nord de la bande de terre ces dernières semaines.

Autre ville, même constat. À Jabalyia, c’est le cimetière al-Faluja qui a été la cible des bulldozers israéliens selon des séquences vidéo diffusées le 13 décembre par Reuters. Les images montrent des pierres tombales brisées, de la terre retournée, de la végétation déracinée, et ce qui semble être des sacs mortuaires à même le sol. Alors que la plupart des visuels indiquent des opérations datant du début du mois, un cimetière de Beit Hanoun, ville située dans le nord-est de la bande de Gaza, près de la frontière avec Israël, a, lui, été en grande partie détruit dans la seconde moitié de novembre, rapporte Jake Godin. Cette période comprenait notamment la semaine de trêve conclue entre le Hamas et l’État hébreu pour procéder à un échange otages-prisonniers. Le New York Times a par ailleurs identifié d’autres sites ayant été profanés, comme à Cheik Ijlin, un quartier de la ville de Gaza, à Beit Lahia, et dans une localité de l’extrême nord de l’enclave.

Le quotidien américain précise que l’armée israélienne n’a pas répondu à ses questions concernant ses motifs pour raser le cimetière de Shajaiyeh et si des précautions avaient été prises pour protéger les sites religieux durant son offensive terrestre. En plus des destructions observées ailleurs, l’organisation Euro-Med Human Rights Monitor a avancé jeudi que des corps qui seraient ceux d’activistes palestiniens auraient même été « volés » par les forces israéliennes.

La question de la protection des sites religieux, en tant que sites civils, voire protégés, se pose également au-delà de la zone de guerre de Gaza, dans les autres théâtres d’opérations des forces israéliennes, comme en Cisjordanie. Jeudi, des soldats israéliens ont pénétré dans la mosquée de Jénine à l’occasion d’un nouveau raid meurtrier dans la ville. Filmé par ses pairs, l’un d’eux est alors monté au minbar réservé à l’imam, pour déclamer des chants religieux juifs dans les haut-parleurs de la mosquée. Un acte condamné par l’armée israélienne, qui a affirmé vouloir prendre des mesures disciplinaires contre les militaires impliqués. En 2021, l’État hébreu avait provoqué la colère des Palestiniens face aux travaux de construction d’un parc près du cimetière de Bab al-Asbat à Jérusalem, au cours desquels des ossements avaient été retrouvés par les travailleurs, malgré que les autorités israéliennes avaient promis de ne pas toucher aux tombes.