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Politique - Repère

Ce qu’il faut savoir sur le Hamas au Liban

De ses origines au sein des Frères musulmans à sa coordination actuelle avec le Hezbollah, « L’Orient Today » revient sur l’histoire de ce mouvement palestinien actif au pays du Cèdre.

Ce qu’il faut savoir sur le Hamas au Liban

Une manifestation en signe de soutien à la Palestine à la frontière sud du Liban en mai 2021. Photo João Sousa

Le Hamas, acronyme de Harakat al-Muqawama al-Islamiya (Mouvement de la résistance islamique), a émergé en décembre 1987 après le déclenchement de la première intifada d'un groupe dissident des Frères musulmans, l’organisation caritative islamique Mujama al-Islamiya, créée à Gaza en 1973 par le cheikh Ahmad Yassine.

D'abord bras politique des Frères musulmans à Gaza, le mouvement gagne en importance après que l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) entame des négociations de paix avec Israël, sous la férule de son leader Yasser Arafat. Le Hamas rallie les déçus des accords d’Oslo signés par l’OLP en 1993 qui reconnaissent le droit à l'existence d'Israël.

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La division entre les organisations palestiniennes a d’ailleurs été « entretenue » par Israël, explique Imad Salamey, chercheur à la Lebanese American University (LAU), et ce dès les années 1980. « En 1981, le général de brigade Yitzhak Segev, gouverneur militaire israélien de Gaza, m'a dit qu'il donnait de l'argent aux Frères musulmans, précurseur du Hamas, sur instruction des autorités israéliennes », écrit en 2021 David K. Shipler dans les pages du New York Times dont il a été le chef du bureau de Jérusalem de 1979 à 1984. « Ce financement était destiné à faire basculer le pouvoir des mouvements communistes et nationalistes palestiniens à Gaza, qu'Israël considérait comme plus menaçants que les fondamentalistes. »


Le Hamas au Liban

Dès lors, « l'équilibre des forces a commencé à pencher en faveur du Hamas », avance M. Salamey, précisant que « cela s'est rapidement reflété chez les factions palestiniennes au Liban », où la communauté chiite présente dans le sud entretient des relations historiques avec les Palestiniens. Car avant la création de la Palestine mandataire et du Liban après la Première Guerre mondiale, « les habitants du Liban-Sud commerçaient vers le sud via le port de Akka, en Palestine à l'époque, ou d'Acre, en Israël aujourd'hui », rappelle Jeroen Gunning, chercheur au King's College de Londres et auteur de Hamas in Politics : Democracy, Religion, Violence.

Après la Nakba et la création de l’État d’Israël en 1948 provoquant l’expulsion de plus de 700 000 Palestiniens de leur terre, des milliers d’entre eux ont trouvé refuge dans des camps au Liban, qui ont accueilli également des factions armées palestiniennes.

En signant les accords du Caire en 1969, période où l'OLP était encore forte et influente, l'État libanais accordait aux camps de réfugiés palestiniens une autonomie qui leur a permis d'échapper au contrôle de l'armée libanaise, ce qui les a poussés à développer « une infrastructure substantielle pour renforcer leurs groupes armés », rappelle Jeroen Gunning.

Un poster de Yasser Arafat dans le camp de réfugiés palestiniens de Chatila à Beyrouth. Photo João Sousa

Mais après l’expulsion de l’OLP du Liban en 1982 par les forces israéliennes et le transfert de son siège en Tunisie, l’organisation palestinienne perd « beaucoup de son élan et de son dynamisme » et devient « un partisan de la paix, en particulier en Cisjordanie », selon M. Salamey.

En parallèle, le Hamas s'est radicalisé en s’inspirant des talibans en Afghanistan et du concept du wilayat al-Faqih, c'est-à-dire la tutelle du droit islamique, qui s’était entre-temps imposé en Iran après la révolution islamiste de 1979.


Les relations tumultueuses entre le Hamas et le Hezbollah

Si le Hamas s’impose peu à peu dans la bande de Gaza, sa montée en puissance au Liban demeure bridée par l’étroite surveillance du Hezbollah, qui veille à ce que ses activités restent sous son contrôle, souligne M. Salamey. Les relations entre les deux formations sont d’abord très proches, à l'heure où le Hezbollah cherchait à saper l'autorité de l'OLP et du Fateh, son organisation politico-militaire, en raison de leur collaboration avec Israël.

Mais des désaccords surgissent quand le Hamas se rapproche de la Turquie, alors en froid avec l’Iran, parrain du Hezbollah. « En réponse, les Iraniens ont créé le Jihad islamique pour être en phase avec la position iranienne », explique M. Salamey.

La tension est montée d’un cran dans le sillage du soulèvement syrien en 2011, dont la répression par le régime de Damas a plongé le pays dans une guerre dévastatrice. Durant ce conflit, « le Hezbollah se battait aux côtés des loyalistes du pouvoir et combattait probablement le Hamas à Yarmouk et dans d'autres camps de réfugiés où le Hamas était présent, précise le professeur à la LAU. « Ils se sont donc essentiellement battus l'un contre l'autre, à cette époque. »

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Après avoir pris fait et cause pour l’opposition syrienne, « le Hamas pivote vers l'Égypte, la Turquie et le Qatar », explique Jeroen Gunning. Ces deux derniers accueillent ainsi depuis une dizaine d'années certains des principaux dirigeants politiques en exil du Hamas. « Mais le renversement de l'ancien président égyptien Mohammad al-Morsi en 2013 a amorcé un retour progressif du groupe vers l'Iran et le Hezbollah », poursuit-il. Des relations qui se sont renforcées avec « la réconciliation diplomatique qataro-saoudienne en 2021 et le rapprochement turco-israélien en 2022 », poursuit-il. « Aujourd'hui, il semble que le Hamas ait changé d'orientation », abonde M. Salamey, pour qui « plus les rapports entre Téhéran et Ankara se resserrent, plus le lien entre le Hezbollah et le Hamas est fort ».


Beyrouth centre névralgique du Hamas

Le rapprochement entre le Hamas et le Hezbollah conduit à une augmentation de sa présence militaire au Liban. Selon M. Gunning, le chef adjoint du bureau politique du Hamas Saleh al-Arouri joue un rôle essentiel dans le renforcement de l'infrastructure paramilitaire du Hamas au pays du Cèdre.

En avril dernier, le mouvement islamiste a effectué 34 tirs de roquettes depuis le Liban en direction du nord d'Israël, selon l'armée israélienne, ce qui était alors l'attaque la plus importante depuis la guerre de 2006 entre Israël et le Hezbollah.

En 2022, Yahya al-Sinwar, leader du Hamas à Gaza, révèle à à la chaîne al-Jazeera l'existence d'une « coopération conjointe avec l'axe de la résistance (groupes libanais, palestiniens, syriens et d'autres soutenus par l'Iran, qui s'opposent à Israël, NDLR), par le biais d'une chambre d’opération commune ». Selon certains analystes, cette salle de sécurité serait basée au Liban.

L'ombre d'un passant dans le camp de Chatila. Photo João Sousa

Selon Jeroen Gunning, il est difficile de savoir « dans quelle mesure cette chambre d’opération contrôle les décisions militaires des différentes organisations, mais il semble clairement qu'il y ait une coopération » entre l'Iran, le Hezbollah et le Hamas. Le chercheur rappelle néanmoins qu’« historiquement, le Hezbollah a été réticent à partager certains détails opérationnels avec le Hamas » pour éviter « de les exposer au vaste réseau d'informateurs israéliens présents parmi les Palestiniens ».

Une prudence qui se retrouve aussi côté Hamas, ajoute-t-il : « Le chef du bureau politique du Hamas à Beyrouth, Ahmad Abdel-Hadi, a insisté sur le fait que le groupe islamiste n'avait pas coordonné les attaques du 7 octobre avec le Hezbollah ou l'Iran. » Une affirmation « plausible » selon lui, « afin d’éviter de divulguer des informations aux Israéliens ».


Des groupes difficiles à éradiquer

« Il semble que le Hamas coordonne son action avec le Hezbollah s'il veut lancer des roquettes depuis le Liban, ce que le parti chiite peut empêcher si ce n'est pas dans son intérêt », poursuit le chercheur du King’s College. Ainsi, si le Liban devait être entraîné dans une guerre avec Israël, M. Gunning estime que ce dernier visera non seulement les infrastructures du Hezbollah, mais aussi celles du Hamas. Or à la suite de l’attaque surprise du 7 octobre, Israël a déclaré que son objectif était d'éliminer le Hamas. Ces ambitions s'étendront-elles à la présence de ce groupe au Liban ? Selon M. Gunning, « d'un point de vue historique, il est notoirement difficile d'éradiquer un mouvement local qui bénéficie d'un large soutien populaire ». Et de conclure : « Israël a échoué à éradiquer le Hezbollah au Liban en 2006 et il n’est pas non plus parvenu à éradiquer le Hamas à Gaza » lors des précédents conflits.

Le Hamas, acronyme de Harakat al-Muqawama al-Islamiya (Mouvement de la résistance islamique), a émergé en décembre 1987 après le déclenchement de la première intifada d'un groupe dissident des Frères musulmans, l’organisation caritative islamique Mujama al-Islamiya, créée à Gaza en 1973 par le cheikh Ahmad Yassine.D'abord bras politique des Frères musulmans à Gaza, le mouvement...

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Ou est passé notre cher journal libanais le feu OLJ?

Sissi zayyat

10 h 52, le 30 octobre 2023

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Commentaires (3)

  • Ou est passé notre cher journal libanais le feu OLJ?

    Sissi zayyat

    10 h 52, le 30 octobre 2023

  • Quand l’OLJ s’interpose à outrance avec sa charte de modération, que reste-t-il de la liberté d’expression ? J’ai essayé de lire la charte mais le lien ne s’ouvre pas. Reste à dire succinctement que le Liban n’existe déjà plus quand il n’a pas le choix d’être maitre chez lui. Il lui faut se préparer à donner un grand coup de balai et sortir tous les mécréants armés dans - et hors - les camps et le pays. Sinon leur donner officiellement le contrôle du pays et vous fermez boutique. Certes Issa Ghorayeb et Gaby Nasr me manqueront, mais bof GabG7

    Gazal Gabriel

    02 h 30, le 30 octobre 2023

  • Quelle salade russe ….

    Eleni Caridopoulou

    19 h 42, le 29 octobre 2023

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